Health GAP et Act Up-Paris se joignent aux associations nigérianes dans leur appel à une plus grande implication des acteurs institutionnels de la santé, des consommateurs et des malades du sida pour la rédaction de la loi sur la propriété intellectuelle.
Au moment où s’ouvre une réunion visant à finaliser une nouvelle loi nationale sur la propriété intellectuelle au Nigeria, les activistes de la santé et les défenseurs des consommateurs déclarent que sans des modifications substantielles, cette nouvelle loi restreindra les possibilités pour le pays d’obtenir des médicaments génériques à des prix abordables. Les activistes notent avec inquiétude que la collaboration du département américain au commerce et de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) à l’élaboration de cette loi risque d’affaiblir le droit du Nigeria de passer outre les monopoles des brevets afin de répondre aux besoins de santé publique. Ces mesures, reconnues légales par l’OMC, et qui ont été réaffirmées par 142 pays lors de la réunion interministérielle de l’OMC à Doha l’année dernière, se sont pourtant heurtées à la pression exercée par les compagnies pharmaceutiques américaines.
Le département américain au commerce co-finance cette réunion au titre de l’assistance au Nigeria pour entrer en conformité avec les règles sur la propriété intellectuelle. Le texte final sera présenté au parlement nigérian pour être ratifié et devenir une loi.
« L’avant-projet méprise l’opinion défendue par les spécialistes, selon laquelle les enjeux de santé publique doivent primer sur les monopoles des brevets » a déclaré Asia Russell de Health Gap. En novembre 2001, la réunion interministérielle de l’OMC à Doha avait recommandé aux Etats membres d’appliquer les protections de la Propriété intellectuelle de façon à promouvoir l’accès aux médicaments pour tous. Le Nigeria, confronté actuellement à une crise majeure d’épidémie de sida, doit être autorisé – et encouragé – à utiliser tous les mécanismes disponibles pour se fournir en médicaments de qualité à des prix abordables. Cette loi va inutilement augmenter les prix des médicaments au Nigeria, empêcher l’accès de la population aux médicaments essentiels et amenuiser des ressources déjà dérisoires » a poursuivi Asia Russell.
« Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis font prévaloir les intérêts de l’industrie pharmaceutique lors de rencontres informelles comme celle-ci » a souligné Brook Baker de Health Gap. « Nous suspectons le département américain au commerce, sous couvert de simple assistance technique, de faire pression pour imposer des monopoles très durs sur des inventions essentielles tels que les médicaments».
Selon Allison Dinsmore de Health Gap, « l’opinion publique mondiale a d‚ores et déjà reconnu que l’interprétation stricte du droit des brevets sur les médicaments n’était pas le meilleur critère pour les pays pauvres. Il semble pourtant que le département américain au commerce continue de recommander des mesures obsolètes aux pays africains »
Cette réunion intervient alors que la polémique sur la question de l’exportation de génériques des pays semi-industrialisés vers des pays dépourvus d’industrie fait rage à l’OMC. Il y a un an, lors de la Conférence Ministérielle de Doha, les Etats membres de l’OMC s’étaient engagés à trouver une solution pour répondre au problème de l’exportation d’ici fin 2002. Selon les activistes, les propositions actuelles des Etats-Unis et de l’Union Européenne s’avèrent trop restrictives et inexploitables pour les pays qui, comme le Nigeria, souhaitent les utiliser.
Allison Dinsmore a enfin rappelé : « Les Etats-Unis se sont engagés devant l’OMC à respecter le droit des pays à privilégier la santé publique . Au Nigeria, le département du commerce américain passe outre cet engagement. De même, les négociateurs américains ont fait jusqu’à présent pression à l’OMC pour obtenir un semblant de consensus sur l’accès aux médicaments. Des millions de personnes meurent parce qu’elles n’ont pas accès aux médicaments – 4 millions sont infectés par le VIH/sida uniquement au Nigeria. Il est temps que les Etats-Unis cessent de revenir sur leurs promesses».