Aujourd’hui, les infectiologues disposent d’au moins dix-huit molécules différentes d’antirétoviraux, plus quelques autres encore en phase de recherche. Aucun médecin ne peut prétendre maîtriser seul la prescription et le suivi de l’ensemble de ces molécules, ainsi que leurs effets secondaires, trop nombreux, et encore difficilement prévisibles. Ils ont donc tous leurs chevaux de bataille favoris, mais aussi leurs ennemis jurés. Voici un classement subjectif pour une première mise sous traitement.
Pourtant, lors de l’initiation d’un premier traitement pour un séropositif VIH, nous avons de trop nombreux témoignages d’attitudes irresponsables de la part de médecins peu scrupuleux et trop facilement influençables par les
« visiteurs marketing » des laboratoires, nous prenant encore pour des cobayes à notre insu et, tout évidemment, hors cadre d’un essai thérapeutique. C’est ce qui nous a poussé à écrire ce coup de gueule et ce classement arbitraire correspondant à nos craintes et à nos angoisses de militants lassés d’entendre des horreurs au quotidien.
recherche
Certains auront envie de discuter la pertinence du classement de telle ou telle molécule. Le choix est subjectif et part du principe que tant que les chercheurs n’auront pas résolu la question de l’inhibition spécifique du virus uniquement, tout en préservant les cellules, les nouvelles molécules restent potentiellement dangereuses car leur action est trop large et encore imprécise. Ensuite pour un malade, il est préférable d’initier un traitement avec des combinaisons connues et maîtrisées. De plus, si le traitement en une seule prise est un argument important, il n’est pas suffisant. Même si un médicament comme Trizivir®, qui est un « 3 antirétroviraux en 1 » représente une avancée, celle-ci doit s’accompagner de recherches visant à améliorer les molécules existantes ou à en proposer d’autres qui soient réellement efficaces pour traiter la survenue d’effets secondaires majeurs.
première intention
Aujourd’hui, en première intention de traitement, nous avons suffisamment de données cumulées sur les antirétroviraux pour en isoler quelques-uns, à la toxicité moins élevée que d’autres, tout en restant efficaces. Les médecins ont à leur disposition plusieurs outils d’aide à la prescription thérapeutique et au suivi clinique, et notamment le Rapport du groupe Delfraissy 2002. Mais combien de médecins commettent encore la lourde erreur de prescrire comme premier traitement, une molécule qui vient tout juste d’obtenir son AMM, alors même que l’on ne connaît pas ses effets à grande échelle ? Sachant que, dans la plupart des cas, il sera toujours temps, une fois la situation immunologique stabilisée, de changer de molécule pour remplacer l’actuelle « bienconnue » par sa concurrente, plus performante et « soit-disant » moins toxique.
Depuis l’an 2000, chaque année, environ la moitié des nouveaux cas de sida sont des personnes apprenantleur séropositivité au VIH en même temps que le sida et le nom de leur maladie opportuniste. Même dans ces situations très critiques, un médecin ne devrait pas avoir recours à une molécule qui vient tout juste de sortir sur le marché. Ce fut le cas lors de l’arrivée des antiprotéases, à juste titre, puisqu’en 1996 on n’avait pas d’outils aussi puissants. On connaît depuis leur efficacité, surtout dans les situations les plus désespérées. Mais aujourd’hui, nous disposons d’une palette de nombreuses molécules.
les classes
En effet, il y a quatre familles de traitement (classe pharmacologique), selon la chronologie d’obtention de leur AMM :
– les analogues nucléosidiques : la première famille, depuis le Rétrovir® en 1987 jusqu’au Ziagen® en 1999, dont certains ont depuis été « combinés » dans un seul cachet, en bithérapie pour le Combivir® en 1998, puis en trithérapie pour le Trizivir® en 2000,
– les antiprotéases dont l’efficacité antivirale est reconnue, grâce à l’Invirase® dès 1996, jusqu’à l’Agénérase® en 2000, suivie de la première combinaison d’antiprotéase « boostée » avec le Kalétra® en 2001,
– les analogues non-nucléosidiques seront la troisième famille,laquelle permet de recourir aux antiprotéases, depuis la Viramune® en 1998, jusqu’au Sustiva® en 1999,
– les analogues nucléotidiques sont officialisés depuis 2002 avec la première molécule de cette nouvelle famille, le Viréad®.
Il faut rappeller que, pour un « jeune séropositif », une combinaison à base uniquement d’analogues nucléosidiques permet, le plus souvent, de contrôler la réplication virale, tout en économisant pour le futur le recours aux autres familles. C’est le cas d’environ un séropositif sur sept. Dans ce sens, l’arrivée du Trizivir®, la trithérapie en un seul cachet, a rapidement remporté un succés mérité, puisqu’aujourd’hui, c’est la plus prescrite de toutes les combinaisons d’antirétroviraux, toutes classes confondues. En effet, un patient séropositif traité sur dix a pu opter pour cette formule confortable d’un cachet matin et soir. Les analogues nucléosidiques, plus que les autres classes d’antirétroviraux, présentent pourtant un risque d’échappement à cause de résistances du virus en cas de mauvaise observance, trop fréquente au début. De ce fait, le recours à une autre classe d’antirétroviraux s’imposera, mais il faut souhaiter qu’il soit le plus tardif possible.
Les analogues non-nucléosidiques concernent environ un patient sur quatre. Chez certains patients, ils provoquent au début des effets secondaires particulièrement insupportables (hallucination, hépatotoxicité, etc.) et difficiles à gérer.
Les antiprotéases, encore plus que les autres molécules, nécessitent une surveillance extrêmement rapprochée lors de l’initiation et un suivi contraignant les premiers mois. Leur combinaison entre elles provoque des interactions qui ont la particularité de « booster » leurs dosages les unes les autres, et donc leur efficacité aussi. Les antiprotéases concernent environ un séropositif sur quatre, et environ un séropositif sur vingt est traité par une quadrithérapie incluant deux antiprotéases.
Quant au seul analogue nucléotidique, il semble avoir un avenir prometteur vu sa double efficacité contre le VIH, mais aussi l’hépatite virale B, avec de moindres effets secondaires. Il faut pourtant craindre qu’il ne fasse comme son prédécesseur, l’Epivir®, aussi efficace contre le VHB, mais rapidement victime de résistances, provoquant parfois des rebonds hépatiques très sévères pour le foie. En effet, l’Epivir® a une courte durée d’efficacité en cas de coinfection par une hépatite B chronique à forte réplication, puisqu’à un an, il y a déjà 15% de résistances et environ 90% à quatre ans.
contre hit-parade
Pour tenter de vous rendre acteur de votre traitement et limiter le côté « cobaye » dont nous souffrons souvent, pour tenter de trouver un traitement efficace et limité en effets secondaires, nous donnons ici un hit parade des molécules, certes subjectif, mais tiré de notre vécu et des témoignages reçus. Nous rappelons, Cependant, que chaque patient est particulier, et que le traitement doit être le résultat d’une véritable discussion entre médecin et patient.
1 Les molécules trop toxiques qu’il faudrait pourvoir refuser en première intention.
Les quatre premières sont de très loin, les plus redoutables en terme de toxicité, d’intensité et de fréquences.
Crixivan® : coliques néphrétiques, insuffisance rénale, déshydratation, troubles de la répartition des graisses, diarrhées.
Zerit® : lipoatrophie, acidose lactique, neuropathies.
Norvir® (600mg) : trouble du métabolisme des lipides (cholestérol, triglycérides élévées, lipodystrophie, etc.), hépatotoxicité d’induction, la déconseillant absolument aux coinfectés VIH-hépatites.
Sustiva® : troubles neuropsychiques (dépression et idées suicidaires, hallucinations), trouble du métabolisme des lipides (accumulation de graisses, notamment au niveau des seins pour les hommes).
Kaletra® : troubles digestifs, troubles du métabolisme des lipides, peut induire des problèmes cardio-vasculaires, toxicité à long terme inconnue, coût très élevé et injustifié.
Hivid® : alopécie (perte des cheveux), neuropathies (douleurs aux extrémités des membres).
Viracept® : diarrhée très fréquentes et persistantes.
Fortovase® : Forme » boostée » de l’Invirase® sauf que sa biodisponibilité n’a pas vraiment été amélioré. Par ailleurs, cette antiprotéase a des effets secondaires que sa sœur (Invirase®) n’a pas. Lui préférer donc Invirase® boostée par le Norvir® (100mg).
2 Les molécules que l’on peut à la rigueur prendre, mais il faut que votre médecin ait de bons arguments pour expliquer leur prescription en première intention.
Viramune® : rrash, toxicité hépatique très rare mais foudroyante, à éviter absolument pour les patients coinfectés par une ou plusieurs hépatites virales, même minimes.
Videx® : neuropathie, acidose lactique.
Amprénavir® : gélules trop nombreuses et trop grosses, trouble du métabolisme des lipides. Toxicité à long terme inconnue.
3 Les molécules que l’on peut prendre, parce qu’il faut bien initier un traitement quand on a 200 CD4, ou quand on a entre 200 et 350 CD4 et que la charge virale est trop variable d’une analyse à l’autre.
Combivir® (composé de Rétrovir® & Epivir®) : plutôt bien toléré dans une grande majorité des cas. Suffisamment de recul pour anticiper et réagir à ses effets secondaires
Ziagen® : risque très rare de survenue d’un syndrome d’hypersensibilité nécessitant l’arrêt impératif et définitif de cette molécule.
Invirase® / Norvir® (100mg) ou Invirase® : une antiprotéase qui a peu d’effets secondaires, son principal problème étantsa biodisponibilité trop courte. Cela a été corrigé en la boostant par le Norvir® en baby dose (100 mg). N’hésitez pas à demander des dosages plasmatiques à votre médecin pour ajuster la dose initiale (500, 400 ou 300mg) en deux prises par jour.
partage
Ne vous laissez pas paniquer par ces informations, si elles sont nouvelles pour vous. N’hésitez pas à appeler des associations de lutte contre le sida, pour parler avec d’autres malades ou militants expérimentés afin d’adapter ces conseils à votre situation réelle et actuelle.
Evidement, à la lecture de cet article, bon nombre de professionnels (laboratoires pharmaceutiques, médecins) ne supporteront pas que nous puissions avoir un avis sur la question. Certes, il n’y a pas de traitements antirétroviraux sans effets secondaires, tout comme il n’y a pas de séropositif qui n’ait jamais oublié une seule prise. Certes, tous les antirétroviraux sont potentiellement hépatotoxiques et peuvent tous, plus ou moins, être à l’origine de lipodystrophies.