L’an dernier, Studio Replay nous vantait avec ses films «100 % jus de racaille» et «Racailles contre salopes», les mérites de la baise « 100% jus » (pour ceux qui n’auraient pas compris, vous n’y verrez pas beaucoup de capotes). Depuis, la tendance ne cesse de se confirmer : on voit apparaître de plus en plus de pornos pédés où les mecs ne se protègent pas.
Ce genre de films devient même une catégorie à part entière : il y avait les films blacks, rebeus, SM, il y a maintenant les films bareback. Sur son site, Jean-Noël René-Clair aiguille même les amateurs du genre, avec sa rubrique Nokapote. À IEM, l’un des plus gros vendeurs de films de cul, on explique que «de toute façon, ces films se vendraient». Et puis, il paraît que la demande est importante… Cela dit, les films nokapote, cela n’a rien de révolutionnaire : dans le porno hétéro, c’est la norme. Concernant ces films, il ne s’agit pas pour nous de rentrer dans un débat sur l’influence de l’image sur les comportements, et dans ce cas du porno safe ou non, sur la sexualité. Ce qui nous préoccupe le plus, c’est que les réalisateurs de porno qui font tourner leurs acteurs et actrices sans capote leur font prendre des risques. On le sait, dans le porno hétéro par exemple, qu’on exige de chaque acteur un test sérologique avant chaque tournage. Premièrement, c’est de la discrimination vis-à-vis des malades, puisqu’un acteur séropositif est considéré comme «inapte au travail». Deuxièmement, cela ne tient pas compte de la fenêtre de conversion : un acteur peut bien avoir un test séronégatif datant d’une semaine, rien ne dit qu’il n’a pas été contaminé le mois qui a précédé. Les réalisateurs de films nokapote mettent donc délibérément en danger la vie de leurs acteurs. Les pornos pédés s’étaient mis à la capote (pour la pénétration uniquement) à la fin des années 80. Aujourd’hui, c’est un retour en arrière qui s’amorce. Le porno hétéro, lui, continue toujours à ignorer l’hétérosexualisation croissante de la maladie et continue à imposer à ses acteurs la norme nokapote. En juin 1999, à Act Up, nous avons posé la question : «baiser sans capote, ça vous fait jouir ?», aujourd’hui, on pourrait la paraphraser en disant «Regarder des acteurs qui mettent leur vie en danger, ça vous fait jouir ?»