Une campagne plutôt bien fichue, ciblée, et qui passe sur des médias grand public à des heures décentes. C’est le résultat du travail de la DGS et de l’INPES, quand ils écoutent les associations de lutte contre le sida. Où en est la prévention au niveau de l’Etat ? Réponse.
Enfin. Il aura fallu attendre 20 ans d’épidémie pour voir une campagne publique de prévention digne de ce nom. La direction générale de la santé (DGS) et l’Institut national pour la prévention et l’éducation à la santé (INPES) font diffuser sur les chaînes de télévision des spots d’incitation au dépistage. Pour la première fois, les associations ont été consultées pour donner leur avis sur le spot qui allait être diffusé : auparavant, consultées avant la conception des spots, les associations en découvraient le résultat en même temps que le public. Cette fois-ci, c’est exactement ce que nous exigeons depuis des années : de la prévention grand public ciblée, diffusée à des heures décentes (c’est-à-dire pas en plein été en fin de soirée). Lorsque nous l’avons rencontrée, Anne-Claude Crémieux, directrice de la division sida de la DGS, est d’abord revenue sur le débat que nous avions lancé au moins de juin sur une expérience de Aides, dite de « réduction des risques sexuels », dans un sauna marseillais. Elle nous a expliqué être fermement opposée à la généralisation de ce type d’expérience, contestant au passage la scientificité du dispositif, pourtant validé par l’Inserm. Ensuite, elle nous a éclairé sur la stratégie de la DGS en matière de prévention pour l’année 2003 : au niveau des campagnes grand public, l’accent sera mis cette année sur l’incitation au dépistage. Le spot qui a été diffusé au mois de décembre dernier devrait être rediffusé au cours de l’année ; et le dispositif Alerte Syphilis, mis en place à Paris en mai 2002 est d’ores et déjà reconduit sur Paris et étendu à un bon nombre de villes françaises. Il y a d’ailleurs sans doute une ironie à se concentrer sur l’incitation au dépistage au moment même où le dispositif de déclaration obligatoire entre en fonction. Reste qu’une politique de prévention efficace ne saurait se limiter à de l’incitation au dépistage. Il faut répéter encore et toujours – répéter n’empêche pas de trouver des moyens originaux et renouvelés de communiquer – l’impératif de se protéger, en toutes circonstances pour avoir une sexualité totalement safe. Il faut aussi rappeler le discours de réduction des risques à l’intention des usagers de drogues, sérieusement remis en cause par le gouvernement Raffarin et le nouveau directeur de la MILDT, Didier Jayle. Ces discours ont fait leurs preuves. Les abandonner alors que les pratiques à risques se font de plus en plus nombreuses chez les homos et que le sida touche de plus en plus les hétéros, relèverait de l’irresponsabilité la plus totale. Autre dispositif lancé par la DGS : des consultations de prévention sexualisée destinées aux séropositifs. La DGS a enfin compris ce que nous martelons depuis des années, à savoir la nécessité de faire aussi de la prévention en direction des séropositifs. Le dispositif prévu par la DGS est à l’état de test. Ces consultations seront menées par des professionnels formés à la fois en sida et en sexologie. Elles seront testées dans plusieurs lieux. Déjà mises en place au Kiosque Info Sida, elles devraient être présentes dans les CDAG parisiens et dans certains services hospitaliers (Hôpital Tenon, Hôpital Bichat, à Nice et à Toulouse). Une évaluation sera présentée lors des journées de Sida Info Service, prévues pour Juin. Suite à l’AG de la prévention, nous avons rédigé une lettre ouverte avec Aides, le SNEG et l’inter-LGBT (signée aussi par le CGL) pour demander un rendez-vous au ministre de la Santé. La lettre est bien parvenue au ministère, le directeur général de la santé l’a lue dans une réunion épique au mois de décembre dernier. Depuis toujours pas de réponse du ministre. Officieusement, il n’a pas eu le temps de se pencher sur le dossier. Il est vrai que tous ceux qui étaient présents lors de la conférence de presse du professeur Delfraissy à la conférence de Barcelone se souviennent de cette phrase mémorable à propos de la prévention : « Il n’y a pas de tabou, il ne faut heurter personne. » Dans ces conditions, on serait presque heureux qu’il ne se penche pas sur le dossier… et qu’il laisse la DGS et l’INPES travailler avec les associations.