Au Botswana, 19% de la population totale est séropositive, soit 300 000 personnes. Le pays a pourtant répondu rapidement à l’épidémie.
Act Up était au Botswana en novembre dernier. Cette démocratie de plus de 1,6 millions d’habitants est au cœur de la région la plus touchée par l’épidémie de sida. Le Botswana a le triste privilège d’avoir la plus forte prévalence au monde : 38,8 % des femmes enceintes adultes sont atteintes, 19% de la population totale est séropositive, soit 300 000 personnes. Cette véritable catastrophe sanitaire met en jeu l’avenir du pays. L’espérance de vie n’est plus maintenant que de 46 ans et devrait tomber à 29 ans en 2010 si la tendance se poursuit. Les services de santé sont débordés, tous les secteurs d’activité sont atteints. Le gouvernement actuel, en place depuis 1998, a pourtant répondu rapidement à l’épidémie. Le Président de la République s’est engagé publiquement et plusieurs associations sont actives dans la lutte contre le sida. Il existe une prévention de la transmission mère-enfant, nationale et gratuite, depuis plusieurs années. Le Botswana a été l’un des pays les plus engagés dans le combat pour l’accès aux génériques. Mais depuis la conférence mondiale de Durban, en 1999, la situation a changé. Un partenariat gouvernemental avec la fondation Bill Gates et le laboratoire pharmaceutique Merck a été signé : 100 millions de dollars ont ainsi été proposés au pays, notamment pour la mise en place d’un programme de traitements antirétroviraux utilisant des produits de marque et non des génériques.Deuxième phase
Après une phase pilote en 2001 concernant 200 personnes, le programme national d’accès aux ARV passe maintenant à la deuxième étape : soigner 110 000 malades sur 4 villes (19 000 la première année, puis 20 000 par an sur 5 ans). Le programme prévoit au final de mettre sous ARV l’ensemble des séropositifs qui en auront besoin. Le projet, lancé en janvier 2002, a pris du retard. Le premier site, celui de la capitale, est entré en activité fin avril. Fin novembre, 2 400 personnes, sur les 6 500 prévues sur ce site, étaient sous ARV, et le deuxième site venait alors juste d’ouvrir. Le retard est dû en partie au manque de personnel qualifié (médecins, infirmiers, laborantins). On peut aussi s’interroger sur la durabilité du financement Merck-Gates, mais l’objectif de 110 000 personnes ne sera pas atteint dans les temps prévus. La prise en charge est gratuite et les standards de soins sont occidentaux, exception faite du nombre de lignes thérapeutiques et de l’observance encadrée par le » buddy programme » : un membre de la famille, un ami ou encore un membre associatif vient aux consultations et aide le malade à suivre son traitement dans la durée. La mise sous traitement se fait si les CD4 sont inférieurs à 200 ou en cas d’infection opportuniste. La première ligne est composée d’AZT+3TC associés à la névirapine ou l’éfavirenz . Dans les faits, l’éfavirenz est prescrit aux hommes et la névirapine aux femmes. En cas d’échec, le protocole suivi est alors ddI+d4T+ nelfinavir. D’autres molécules peuvent aussi être utilisées : saquinavir + ritonavir ou abacavir. Pour le directeur des services de santé, le coût du programme prévu en 2003 est exorbitant et les ressources nationales sont insuffisantes. Les médicaments engloutissent 46% du budget et le Botswana a besoin de financements étrangers. Même si le pays reste ouvert à l’achat de génériques, l’aide occidentale reste jusqu’ici conditionnée à l’achat de médicaments de marque. Elle permet au final au Botswana de fournir des traitements à un plus grand nombre de personnes que s’il se contentait de ses propres ressources et se fournissait en ARV auprès des génériqueurs indiens. L’approche est donc pragmatique, au moment même où son puissant voisin, l’Afrique du Sud, pourtant victorieux au procès de Pretoria, tergiverse encore pour soigner ses millions de malades.