Forum Social, Porto Allegre – En décembre 2002 et après un an de négociations, l’OMC n’est pas parvenue à trouver une solution dans la controverse concernant l’accès aux génériques dans les pays en développement et cela malgré l’objectif clairement fixé durant la conférence de Doha en novembre 2001 et malgré de nombreux accords internationaux signés par les membres de l’OMC déclarant que l’accès au standard de soins médicaux le plus élevé est un droit humain fondamental.
L’heure est au bilan : cette année 15 millions de personnes sont mortes de maladies infectieuses pour lesquelles existent des médicaments, plus de 3 millions sont mortes du sida en l’absence de tout accès aux traitements.
Les médicaments génériques sont essentiels parce qu’abordables dans les pays en développement où les gens ne peuvent payer les prix exorbitants imposés sur le marché international par les multinationales pharmaceutiques.
Il a été démontré que l’application aveugle des règles de protection intellectuelle qui prévalent dans les pays du Nord est inadaptée aux pays en développement et a des conséquences néfastes sur leurs populations. Dans le domaine de la santé, les multinationales n’ont pas besoin des marchés des pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes pour rentabiliser la recherche et le développement de leurs produits et faire de très grands profits. En revanche, leurs monopoles tuent.
L’échec cuisant des négociations à l’OMC portant sur l’exportation de génériques s’explique simplement. Pendant un an, un certain nombre de pays riches n’ont poursuivi qu’un objectif : revenir sur le principe acquis à Doha selon lequel la santé publique doit primer sur les intérêts commerciaux.
L’OMC s’est révélée incapable de garantir un cadre équitable de négociations, ne servant pas uniquement l’intérêt de compagnies privées mais celui d’États membres de cette organisation. L’OMC s’est aussi révélée incapable d’interpréter l’accord sur les ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce) de façon à prendre en compte d’autres intérêt qu’économiques.
A l’OMC, les Etats-Unis et l’Union européenne ont eu recours à toutes les formes possibles de pression et d’intimidation pour forcer les pays en développement à accepter un accord totalement inadapté à répondre aux problèmes de santé publique de leurs populations. De plus, sans se soucier de l’existence d’organisations multilatérales où tous les Etats sont sensés êtres également représentés, les Etats-Unis essaient par le biais d’accords bilatéraux (Maroc, Botswana, Lesotho, Namibie, Afrique du Sud, Swaziland, Costa Arica, El Salvador, Nicaragua, Honduras et Guatemala) et régionaux (FTAA), d’imposer son système hégémonique de règles de propriété intellectuelle partout dans le monde.
Les pays riches, en refusant une véritable réflexion et de véritables négociations, ont prouvé l’inefficacité et la dangerosité du système qu’ils ont souhaité imposé au reste du monde.
Cependant, un autre monde est possible, un monde où les gens peuvent avoir accès aux médicaments essentiels. Les multinationales pharmaceutiques font d’énormes profits sur le marché des pays riches. Pendant ce temps, les pays en développement peuvent développer les échanges Sud-Sud entre pays et le partage des technologies afin de produire ou d’importer des copies de n’importe quel produit de santé dont ils ont besoin pour leurs populations.
La question non résolue de l’accès aux génériques entraîne deux crises : une crise de santé publique internationale qui conduit à la mort de millions de personnes alors qu’elle pourrait être évitée, une crise des relations commerciales internationales. Ces deux crises menacent d’aggraver encore plus le clivage entre le Nord et le Sud et d’accentuer les tensions politiques dans le monde entier.
La prochaine étape sur « la route de Cancun » sera le Conseil général de l’OMC les 10 et 11 février à Genève. Là, les pays en développement et particulièrement le Brésil du Président Lula doivent saisir l’occasion pour changer les règles. Mais si aucune solution ne peut être trouvée à l’OMC, alors la seule façon de faire valoir les droits humains à la santé et à la vie, passe par la production massive et la diffusion de copies de médicaments brevetés au bénéfice de tous les personnes au monde qui en ont besoin.