Le magazine 20 ans a publié dans son numéro de février 2003 un dossier intitulé «13 bonnes raisons de ne pas coucher». Parmi ces bonnes raisons, «Je suis fatiguée», «Je n’ai pas fait mon épilation maillot» ou encore «J’attends le prince charmant». Et au milieu de tout cela, la réponse à la question angoissée : «Il est peut-être malade ?».
Citation in extenso :
«Le sida a foutu un blues énorme et une appréhension bien justifiée. Mais il n’y a pas que le sida ! L’hépatite B, l’herpès, les gonocoques, et même la syphilis, qui fait un come-back effroyable… Franchement, même avec un bon préservatif, un bon gel, et une crème spermicide ultradouce, il faut être suicidaire pour tenter le diable. Bien maligne celle qui peut repérer le fou, l’inconscient et le naïf total, susceptible d’être porteur sans même le savoir…»
Pour 20 ans, la capote n’est pas fiable ; coucher avec une personne atteinte du VIH ne peut être que «suicidaire» ; un séropositif ne peut être qu’un fou, un inconscient ou un naïf total, qu’il est vraiment dommage de ne pas pouvoir repérer.
«Repérer» le séropositif, c’est l’idéal que propose 20 ans en matière de prévention. Il n’y a qu’à nous tatouer sur le front le mot «sida» et nous empêcher de baiser, l’épidémie cesserait de progresser. Le magazine ne propose pas encore de nous parquer dans un sidatorium. Mais il est clair que ce serait, aux yeux de sa rédactrice en chef, Isabelle Chazot, le meilleur moyen pour les séronégatifs de baiser en paix.
La rédaction se défend en invoquant l’humour et le second degré et se refuse à toute excuse et à toute mise au point sur le VIH, le dépistage ou les comportements de prévention. Isabelle Chazot trouve donc très drôle et ironique de dire à ses lecteurs et lectrices que la capote, ça ne marche pas. Et elle ne comprend pas pourquoi nous nous sentons insultéEs quand son magazine affirme que les séropos sont des fous ou des inconscients. Elle ne comprend pas notre colère quand 20 ans met sur le même plan l’«épilation maillot» et le sida, qui tue 10 000 femmes, hommes et enfants par jour. L’épilation maillot : combien de morts ? Combien d’hospitalisations ?
20 ans touche plus de 900 000 personnes, majoritairement un public jeune, féminin. Ce lectorat fait partie des personnes les plus exposées au VIH. A toutes ces personnes, Isabelle Chazot affirme que les outils de prévention sont inutiles et qu’il faut stigmatiser les séropositifs. Grâce à elle, l’épidémie a encore de beaux jours devant elle auprès de ses lecteurs et lectrices. Ce genre de discours n’a, depuis 10 ans, jamais été diffusé dans un média grand public, en dehors de la presse d’extrême-droite. Isabelle Chazot ne partage sans doute pas les mêmes combats que Jean-Marie Le Pen, mais elle les relaie avec beaucoup d’enthousiasme.