L’incroyable discours tenu par Nicolas Sarkozy sur les drogues, jeudi dernier au Sénat, ferait rire si cet homme n’avait pas le pouvoir de mettre en application les âneries dangereuses qui lui sont passées par la tête.
1) «L’épidémie de consommation chez les jeunes» dénoncée par le ministre de l’intérieur ne peut pas être la conséquence du laxisme des gouvernements antérieurs : entre 1997 et 2002, le nombre des interpellations/arrestations/incarcérations pour usage n’a au contraire cessé d’augmenter ; avec 94 300 interpellations pour usage, dont 90% pour cannabis, et 400 usagers incarcérés pour usage simple, la France était en 2000 le pays le plus répressif d’Europe, pour ce qui concerne le cannabis. La fréquence des consommations n’est que la preuve de l’inanité de la guerre aux drogues dans laquelle la France s’enlise depuis plus de trente ans.
2) Nicolas Sarkozy réclame «de la sévérité à l’égard des consommateurs», et esquisse un «cadre législatif rénové». Or, techniquement, la loi du 31 décembre 1970, qui fonde la politique française des drogues, ne peut pas être durcie : c’est l’une des plus répressives du monde. D’où l’absurdité des nouvelles sanctions envisagées : puisqu’on ne peut pas remplir davantage les prisons, peuplées à 30% déjà par des contrevenants à la législation sur les stupéfiants, on confisquera des scooters.
3) Les intentions du gouvernement, en réalité, semblent moins juridiques que budgétaires. D’un côté, protéger les recettes : le tabac sortira donc des attributions de la MILDT. De l’autre côté, réduire les dépenses : la police se verra donc confier les «actions de prévention de l’usage des drogues et de la toxicomanie», au détriment du tissu associatif qui en avait la charge, déjà asphyxié par la suppression des emplois-jeunes et le gel des subventions.
4) Si les raisons qui ont poussé Nicolas Sarkozy à des propositions aussi éculées et aussi sottes peuvent paraître obscures, leurs effets, en revanche, sont connus d’avance : dans tous les pays où se mène une «guerre totale» à la drogue, la prévalence du VIH et des hépatites comme le nombre d’overdoses tendent à se décupler. Depuis le vote de la loi de 1970, au moins 7000 usagers de drogues sont morts d’overdose en France ; 15 000 sont morts du sida et/ou des conséquences d’une hépatite ; et près de 250 000 autres ont été contaminés par l’une ou l’autre de ces infections virales.
Dans ces conditions, Act Up-Paris exige :
– de Nicolas Sarkozy qu’il se taise ;
– de Jean-François Mattei qu’il reprenne en main un dossier qui relève du ministère de la santé et non du ministère de l’intérieur, ou bien qu’il démissionne ;
– de Didier Jayle qu’il refuse l’assujettissement de la MILDT à une politique dont il sait, d’expérience, qu’elle ne mène qu’au désastre, et qu’il défende publiquement les fragiles acquis de la politique de réduction des risques.