Impardonnable
Angoissé, François n’est pas allé au rendez-vous. Lorsque, avec l’aide d’un service social, il a repris contact pour un nouveau rendez-vous, on lui a bien fait comprendre qu’avec une telle liste d’attente, rater un rendez-vous était impardonnable. Nous étions mi-février et rendez-vous a donc été pris pour le 2 avril 2003. Six mois après, le soin n’est toujours pas réalisé et François a des ordonnances pour calmer la douleur. Mais pourquoi n’est il pas allé chez un dentiste de ville ? Parce que François, à 38 ans, ne connaît que les hôpitaux ; il n’a jamais consulté en cabinet privé. De plus, un CES rapporte environ 530 euros par mois et quand on sait que la Sécurité sociale ne rembourse que 70% des frais dentaires des cabinets conventionnés, on comprend l’hésitation. Nous savions que la santé à deux vitesses existait. Nous découvrons ici l’administration de ce second tour. Le véritable problème est l’accès aux soins des personnes les plus précarisées. Avec ou sans CMU, les règles du jeu n’ont qu’un but : dégager le malade gênant des circuits de soins, sachant qu’un refus de soins conduit le plus souvent le malade à l’abandon de sa demande. C’est seulement après une évolution catastrophique de sa pathologie que le malade sera pris en charge. Et on soignera alors les conséquences avant la cause qui, elle, devra attendre une remise en forme générale du malade. Comment un circuit de santé peut-il mépriser à ce point ses usagers ? Quelle utilisation est faite de nos dossiers médicaux (CNIL) ? Le centre dentaire de la rue du Maroc est sans doute le centre le plus exposé au VIH : environnement très précaire, nombreux migrants et toxicomanes. Ce refus de soins, en plus d’être illégal, est choquant de par les populations qui sont amenées à fréquenter ce centre. Les personnes qui viennent se faire soigner pour la première fois et qui ne font pas état de leur statut sérologique, courent-elles un risque ou font-elles courir un risque aux patients suivants ? A la rue du Maroc, comme dans de nombreuses structures hospitalières ou de soins, il semble qu’on n’en ait cure.