Ce texte a été rédigé conjointement par Médecins sans Frontières, Health Gap, Act Up-Paris, Oxfam, People Health Mouvement et Health Action International (HAI) après la déclaration des USA lors de la 56ème Assemblée Mondiale de la Santé qui se déroule actuellement à Genève en Suisse.
La proposition des Etats-Unis affirme que le renforcement de la protection de la propriété intellectuelle (PI) constitue le meilleur moyen de stimuler les investissements dans la recherche et développement (R&D).
Cette affirmation fait fi des preuves claires du contraire : le consensus général qui émerge actuellement sur l’échec du système actuel de protection de la PI à stimuler la R&D pour les maladies des populations pauvres. Parmi les 1393 nouveaux médicaments approuvés entre 1975 et 1999, seuls 16 (soit à peine plus de 1%) concernaient spécifiquement les maladies tropicales et la tuberculose, maladies pourtant à l’origine de 11,4% du fardeau mondial des maladies.
Les brevets qui assurent la protection de la PI font partie d’un système complexe qui peut inciter à l’investissement dans la R&D à certaines conditions, en particulier lorsqu’un retour sur investissement peut être attendu. Cependant, les brevets ne stimuleront pas la R&D pour les maladies négligées, précisément parce que les populations qui souffrent de ces maladies n’ont pas de pouvoir d’achat suffisant, et ne forment pas un marché suffisamment solvable.
En 2002, le gouvernement britannique a mandaté une commission indépendante dont le rapport conclut que « [toutes] les situations que nous avons examinées suggèrent que [la PI] ne joue quasiment aucun rôle [à stimuler la R&D], à l’exception des maladies pour lesquelles il existe un large marché dans les pays développés. Le cœur du problème est le manque de demande suffisante sur le marché pour inciter le secteur privé à engager les ressources nécessaires dans la R&D. [La] présence ou l’absence de protection de la PI dans les pays en développement est d’une importance secondaire à inciter la recherche dirigée vers les maladies prévalantes dans les pays en développement ». Cependant, la protection de la PI est clairement reconnue comme étant un obstacle à l’accès aux médicaments existants dans la mesure où elle augmente les prix et empêche la concurrence par les génériques.
Les propositions contenues dans ce projet reposent sur une croyance presque aveugle dans le système de la PI, sans égard pour la réalité des patients en besoin désespéré de technologies médicales nouvelles et plus efficaces et d’accès aux médicaments essentiels existants. Au regard de la crise du VIH/SIDA, ainsi que des problèmes massifs exprimés par de nombreux délégués à l’AMS pour garantir un accès équitable et durable à des traitements antirétroviraux, le texte donne l’impression que les Etats-Unis ont perdu contact avec la réalité.
Il est incompréhensible que la proposition ne fasse aucune référence à la Déclaration ministérielle de l’OMC sur les ADPIC et la santé publique (Déclaration de Doha), aucune référence au besoin de trouver une solution économiquement viable et praticable au problème exposé dans le §6 de cette Déclaration (production pour l’exportation), solution qui conformément à la Déclaration de Doha permettra d’assurer l’accès aux médicaments pour tous. La proposition des Etats-Unis suggère que l’OMS devrait adresser ses Etats membres à l’OMC ou à L’OMPI pour les questions d’assistance technique, alors que ces Etats membres ont indiqué clairement et de façon répétée qu’ils voulaient que ce soit l’OMS qui joue un rôle plus important pour favoriser et assurer des législations nationales favorables à la santé publique.
Nous prions instamment les Etats membres de l’OMS de rejeter cette proposition et de travailler à une résolution qui fasse des besoins de santé des populations des pays en développement le point central.