Luc Ferry vient de se fendre d’une nouvelle circulaire sur la question des discriminations à l’école. Après lecture de celle-ci, en voici quelques commentaires.
Quand on connaît les chiffres du suicide des jeunes gays, 4 à 7 fois supérieurs à celui des hétéros du même âge, on est pris d’un profond malaise. L’homophobie que nous avons vécue à l’école, pendant notre jeunesse, perdure encore… et elle tue. A cela, il faut ajouter le chiffre de 23% des jeunes gays déclarant, lors de la dernière enquête presse gay de 2001, baiser sans capote. On pourrait parler aussi des grossesses non désirées, toujours nombreuses. Bref, l’éducation sexuelle à l’école, non pas axée sur la reproduction, mais prenant en compte également les notions de plaisir et de respect de l’autre est une nécessité urgente. Luc Ferry connaît ces chiffres, car comme d’autres avant nous, nous les lui avons communiqués. Mais, au lieu de décréter la lutte contre l’homophobie, le sexisme et la transphobie comme une priorité de santé publique, celui-ci se contente d’une nouvelle circulaire (datée du 27 février 2003) très timide une fois de plus.
A propos du rôle des familles
Luc Ferry souligne le rôle de premier plan joué par les familles, l’école n’ayant qu’un rôle complémentaire : Il devrait pourtant savoir que nombre de familles ne sont pas exemptes d’homophopbie ou de méconnaissance sur la sexualité et le sida. C’est pourquoi nous pensons au contraire que l’école doit avoir dans ce domaine un rôle de premier plan.
Luc Ferry rappelle que l’éducation sexuelle ne doit pas heurter les familles ou froisser les convictions de chacun : Il ne faut pas pour autant que cela constitue un frein à l’éducation sexuelle. Il est important que les familles soient liées à cette éducation afin, souvent, de la comprendre elles-mêmes, mais elles ne doivent surtout pas l’empêcher.
Luc Ferry souhaite la garantie du respect de la vie privée : Espérons que cela ne signifie pas l’enfermement des différences dans une sphère privée et leur maintien dans le silence. Comme toujours, c’est sous-entendre que la seule sexualité hétérosexuelle est jugée digne d’être discutée publiquement : toutes les sexualités devraient pouvoir prendre place dans le débat public.
A propos du programme
Luc Ferry considère que «la sexualité à l’école est inséparable des connaissances biologiques sur le développement et le fonctionnement du corps humain, mais aussi qu’elle intègre tout autant, sinon plus, une réflexion sur les dimensions psychologiques, affectives, sociales, culturelles, et éthiques. Elle doit ainsi permettre d’approcher, dans leur complexité et leur diversité, les situations vécues par les femmes et les hommes dans les relations interpersonnelles, familiales, sociales.» Nous sommes d’accord, mais alors pourquoi ne pas modifier les programmes scolaires ? Ainsi le programme de SVT (Science et Vie de la Terre) ne doit pas se limiter à l’enseignement de la reproduction et à sa maîtrise. Ce cours doit mon-trer la diversité des sexualités dont le but est essentiellement la recherche du Plaisir. Si toutes les formes de sexualité n’ont pas pour finalité la reproduction, en réalité seule une infime minorité d’entre elles l’ont pour but. Il est donc essentiel afin d’adopter une sexualité sans risque de connaître tous les modes de contamination et transmissions des IST et toutes les pratiques sexuelles, safe ou pas.
Le cours de SVT n’est pas le seul à contribuer à l’éducation des sexualités, différents champs disciplinaires y participent. Le cours d’Histoire doit donc faire mention par exemple de la déportation homosexuelle et des triangles roses. Les au-tres disciplines peuvent aussi mentionner l’homosexualité de certaines grandes personnalités littéraires, artistiques, politiques, etc.
A propos des moyens
Luc Ferry propose 3 séances annuelles d’éducation à la sexualité : De quels moyens disposeront les établissements ? En attendant qu’elles soient inscrites au programme, que des formations aient lieu et que des moyens plus importants soient octroyés, le personnel d’éducation doit prendre sur son temps libre dans un esprit de volontariat pour que ces séances existent. Toute décision restant à l’appréciation des proviseurs.
Luc Ferry propose que les Comités d’Education à la Santé et à la Sexualité participent à l’éducation sexuelle. Ces CESS n’existent pas dans tous les établissements et la place accordée aux lycéens, associations féministes, sida, gays et lesbiennes y est, semble-t-il, inexistante.
Luc Ferry propose parmi les mesures annoncées, le libre accès aux coordonnées d’associations agréées : Pourtant les affiches de la ligne Azur (ligne d’information de Sida-Info-Service destinée aux jeunes) ou de SOS-homophobie sont encore aujourd’hui absentes de la plupart des établissements scolaires, alors que le ministère les a à sa disposition depuis plusieurs mois.
Luc Ferry propose que l’on constitue un réseau de ressources documentaires à disposition des écoles : La création prochaine d’un rayon de littérature féministe, trans, gay et lesbienne verra-t-elle le jour dans les CDI ?
A propos des buts
Luc Ferry, parmi les objectifs identifiés, mentionne la lutte contre le sexisme et l’homophobie, en précisant qu’elle est importante, mais précise parmi les objectifs : «se situer dans la différence des sexes et des générations». Que veut-il dire ? La formulation nous étonne. S’il entend par là, que l’apprentissage de l’assignation aux rôles sexuels déterminés par nos attributs de naissance. Par contre, si cela renvoie au respect du sexe différent, il ne faut pas omettre de rajouter le respect des sexualités et des identités de genre différentes.
Act Up Paris exige :
– Une véritable éducation sexuelle sans fausse pudeur qui prenne en compte les notions de plaisir, de respect d’autrui et la connaissance de son corps.
– Une information et une prévention sur tous les rapports sexuels à risques quels qu’ils soient.
– Une formation pour les personnels encadrants sur les questions de l’homosexualité et du transsexualisme.
– Une mise à disposition gratuite pour touTEs des matériels de prévention (capotes, fémidons et gels à base d’eau) et de contraception.
– La mention dans les programmes scolaires du rôle des femmes et des minorités dans l’histoire, la littérature, les arts, etc.
– L’incitation explicite pour les chefs d’établissement à inviter des intervenants pédagogiques sur la question des discriminations.
– L’incitation au dépistage du VIH et des IST et aux visites chez le médecin ou gynécologue.
– La diffusion des numéros verts et adresses d’associations de soutien aux
victimes et de lutte contre les discriminations.