Il y a trois ans, à la suite de la création d’une commission parlementaire sur les prisons, l’Assemblée nationale et le Sénat remettaient leur rapports sur le système pénitentiaire en concluant qu’il y avait urgence. Nos prisons étaient qualifiées de «honte pour la République».
Aujourd’hui après trois années, alors que la construction de nouveaux établissements est annoncée et que la population carcérale s’accroît dans des proportions inquiétantes, la seule véritable «réforme» d’un système régulièrement condamné par la Cour européenne des Droits de l’homme et le Comité de prévention de la torture, semble être l’article 10 de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades.
Affirmant explicitement la possibilité d’une suspension de peine pour les détenus «atteints de pathologie grave engageant le pronostic vital» ou dont «l’état de santé est durablement incompatible avec la détention», ce texte de loi ne parvient pourtant toujours pas, 15 mois après, à répondre à l’urgence d’une sortie pour ceux qui ne peuvent pas vivre en prison.
Les prisons françaises comptent actuellement 59 871 détenus. Depuis le vote de ce texte de loi, une vingtaine de personnes ont pu bénéficier d’une suspension de peine. Le nombre de personnes concernées commence tout juste à être connu par l’administration pénitentiaire et le ministère de la santé. Combien de détenus sont gravement malades ? Personne ne peut le dire aujourd’hui. Combien sont atteints de pathologies graves et en droit de pouvoir bénéficier d’une suspension de peine ?
Personne ne le sait encore. L’urgence demeure pourtant pour chacun d’eux.
Nous, proches de détenus, associations, médecins, juges d’application des peines, concernés par les questions de santé en prison, constatons les défaillances d’un dispositif général qui affirme d’une part que l’état de certains détenus malades est incompatible avec toute forme de détention, et qui ne parvient pas, d’autre part à rendre effective la nécessité de les faire sortir. Les raisons de ces défaillances sont multiples :
- Absence d’information des détenus, des médecins intervenant en détention, des personnels sociaux et des juges ;
- Absence de coordination entre ces acteurs qui travaillent séparément ;
- Absence de structures d’accueil à la sortie, capables d’accueillir ceux qui doivent sortir ;
- Absence de formation des différents intervenants, notamment des médecins, qui très souvent sont plongés dans une réalité à laquelle ils n’ont pas été préparés ;
- Absence de moyens permettant la formation, l’information ou l’accueil à la sortie ;
- Délais des expertises gravement inadaptés à l’urgence des situations.
Notre constat est simple : le dispositif actuel ne fonctionne pas. C’est pourquoi toutes les personnes concernées doivent réagir (détenu, famille, médecin, juge, avocat, travailleur social…) et prendre conscience du rôle qu’elles ont à jouer.
L’article 10 de la loi du 4 mars 2002 doit être appliqué. Pour cela, il faut une volonté politique forte et affichée c’est-à-dire à la mesure de l’urgence pour ces malades.