«Je milite pour la création du Fonds mondial depuis 1997, de façon active. Le Fonds devrait rapidement atteindre la masse critique de 10 milliards de dollars» déclarait Jacques Chirac au G8 de 2001 [[Conférence de presse de M. Jacques Chirac, à l’issue du de la réunion du G8, Gênes (Italie), 22 juillet 2001.]]. «A la mobilisation de l’Afrique [dans le domaine de la santé, en particulier pour prévenir le SIDA], il faut que réponde la mobilisation des pays du G8. La prochaine étape, c’est donc Evian où cet engagement réciproque doit commencer à être appliqué» déclarait le président français au sommet France-Afrique le 21 février 2003 [[Conférence de presse de M. Jacques Chirac, à l’issue de la 23ème conférence des Chefs d’Etat de France et d’Afrique, 21 février 2003.]].
Le 21 mai 2003, George Bush interpellait Jacques Chirac en lançant depuis les Etats-Unis «lorsque j’irai en Europe la semaine prochaine, je mettrai au défi nos alliés de faire correspondre à leurs bonnes intentions de vraies ressources financières [et] d’annoncer un engagement financier similaire [aux 3 milliards annuels que vont mobiliser les Etats-Unis contre le sida] pour sauver encore davantage de vies. Je leur rappellerai que les secondes s’égrènent et que, chaque jour, 8.000 personnes de plus meurent du sida en Afrique» avertissait le président Américain [[A dix jours du sommet du G8, Bush s’attaque aux Européens, AFP 21 mai 2003 article de Oliver Knox]].
Après avoir démontré en Iraq la suprématie américaine dans le champ militaire, et pour tenter de redorer le blason des États-Unis, c’est maintenant dans le domaine de l’humanitaire que George Bush veut marquer à Evian sa toute puissance. En effet, pour sa part la France n’a toujours pas respecté l’engagement pris en 2001 à l’ONU de rassembler au niveau mondial 10 milliards de dollars par an pour financer la lutte contre le sida [[Le 27 juin 2001 les pays riches s’engageaient aux Nations Unies à « atteindre un montant annuel de dépenses globales de 7 à 10 milliards de dollars pour la lutte contre l’épidémie de sida dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire» (Déclaration sur le Sida de l’Assemblée Générale des Nations Unies). Le 22 juillet suivant, à Gênes, les chefs d’Etat du G8 déclaraient s’engager «en réponse à l’appel de l’Assemblée Générale des Nations Unies» à «faire un progrès décisif dans la lutte contre les maladies infectieuses» grâce à «un nouveau Fonds mondial» (Déclaration des Chefs d’Etat et de Gouvernement du G8 du 22 juillet 2001). A ce jour la contribution de l’Union Européenne au Fonds Mondial reste inférieure à 200 millions d’euros annuels (Rapport du Fonds Mondial contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme, Pledges and Contributions to the Global Fund 2001-2003, 31 mars 2003]].
Mais l’administration Bush, idéologiquement très marquée, est opposée à l’approche de la lutte contre le sida promue en Afrique par le président français depuis des années, en particulier la promotion des médicaments génériques et du préservatif [[Message de Jacques Chirac à la 14ème Conférence Internationale sur le Sida, 9 juillet 2002]]. Les pays Africains vont devoir revenir sur ces acquis chèrement gagnés s’ils souhaitent bénéficier des financements américains. Les 3 milliards constituent aussi un coup pour l’approche multilatérale chère au président français, puisque qu’ils sont principalement bilatéraux et réservent la portion congrue au Fonds mondial imaginé par Chirac en 1997. Richard Feachem, directeur du Fonds Mondial Sida, déclarait vendredi dernier : «Le Fonds n’a plus d’argent. 1,4 milliards sont nécessaires d’urgence avant fin octobre pour honorer les engagements pris envers les pays pauvres. Si le Fonds mondial doit devenir un énième cautère sur une jambe de bois, autant mettre la clef sous la porte» [[Jon Liden, Directeur de la Communication pour Richard Feachem, Directeur du Fonds mondial (contact : +41 79 244 6006, jon.liden@theglobalfund.org]]. Ainsi, le président français, qui rencontrait M. Feachem le 16 mai, est renvoyé face à ses responsabilités.
Jacques Chirac affirmait le le 2 septembre 2002 au Sommet Mondial du Développement Durable à Johannesburg : «la promesse des pays développés, c’est que tout État dispose des ressources nécessaires pour financer son développement. Cette promesse devra trouver son application prioritaire dans la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, [car] ma conviction, c’est que l’humanité se rendrait coupable de non assistance à peuples en danger si elle n’agissait pas.» [[Discours de M. Jacques Chirac devant l’Assemblée Plénière du Sommet Mondial du Développement Durable, Johannesburg, Afrique du Sud, lundi 2 septembre 2002]]
C’est pourquoi Jacques Chirac doit immédiatement annoncer une contribution française au moins proportionnelle au défi américain, c’est-à-dire 500 millions d’euros ou 0,03% du PNB [[Selon le rapport PNB OCDE 2002, le ratio des PNB américain et français, selon que l’on le corrige ou non des variations de prix et de taux de change, se situe entre 5 et 7. Sur cette base, la France devrait contribuer à la lutte contre le sida à hauteur de 1/6ème de la contribution américaine, soit 2,5 milliards sur cinq ans ou 500 millions par an]]. La vie de plus de 40 millions de séropositifs en dépend.