Témoignages de visiteurs de prisons :
Lors des transferts, il y a très souvent interruption des traitements et cela vient s’ajouter au stress généré par l’annonce du transfert qui, en général, est faite au dernier moment, c’est-à-dire quelques instants avant le départ (par mesure de sécurité.). On leur laisse rarement prendre leurs médicaments sur eux et en plus ils n’ont aucune idée du moment où ils les récupéreront.
Les personnes malades sont transférées (comme les bien portants) dans des conditions inhumaines : menottées, mais aussi entravées aux pieds et cela même sur de longues distances, en camion quelquefois dans de minuscules cellules où ils ne peuvent que s’asseoir.
Lorsqu’ils arrivent dans des établissements comme Fresnes, ils doivent, quel que soit leur état, porter ou tirer un paquetage souvent énorme tout au long de la galerie et se débrouiller seuls dans les escaliers. J’ai vu des vieillards complètement abattus faire du surplace avec leurs affaires.
La plupart du temps l’administration ne tient aucun compte de l’état de santé des détenus pour leur affectation. C’est comme ça qu’en maison d’arrêt, j’ai connu plusieurs personnes qui ne prenaient plus leurs traitements, tellement elles avaient peur d’être » découvertes » par leurs codétenus. D’autres choisissent de mentir sur leur pathologie par crainte des réactions. Comment bien se traiter dans ces conditions ?
Pour ce qui est du choix du médecin, c’est totalement impossible alors qu’on sait combien la relation patient- médecin est importante dans tous les cas de pathologies graves. On peut imaginer ce qui risque d’arriver quand un patient est dans l’impossibilité de changer de spécialiste V.I.H.. J’ai ainsi connu plusieurs personnes en interruption de traitement ou en refus de prélèvements sanguins ou d’autres examens.
Cette situation provoque aussi quelquefois de telles difficultés de communication que ça aboutit à des erreurs dans les prises de médicaments, une mauvaise compréhension des effets secondaires, une
angoisse supplémentaire à gérer !En plus, on fait à priori rarement confiance à ce que dit un détenu à son arrivée et j’ai rarement vu un médecin en prison appeler le médecin traitant à l’extérieur ; ce qui a valu à un détenu que je voyais à Fresnes de se retrouver avec un problème de santé supplémentaire (qui était pourtant prévisible) mais qu’il a fallu gérer dans l’urgence et quand on connaît ce que signifie l’urgence en prison !
Il faut souligner (quelles que soient les pathologies) les difficultés que rencontrent parfois (on pourrait même dire souvent) les détenus pour rentrer en contact avec le service médical. Les surveillants font souvent barrage, ne répercutant pas l’information (si le détenu est incapable d’écrire) ou faisant en sorte que la demande écrite n’aboutisse pas. Je me souviens du cas d’une personne qui a dû simuler une chute en passant devant l’infirmerie au rez-de-chaussée de Fresnes pour pouvoir accéder au service médical.
Il est fréquent aussi que le personnel infirmier s’abrite derrière l’absence du médecin, pour refuser de prendre en compte certains maux (bénins ?) et donc refuse toute médication dans l’urgence, laissant quelquefois la personne toute une nuit ou tout un week-end avec sa douleur ou son angoisse (ou ses diarrhées.)
Plus grave encore à mon sens c’est que souvent le seul interlocuteur du détenu malade est le surveillant qui n’a pas les capacités nécessaires à juger de l’urgence ou non de la situation (ou du moins qui n’est pas trop enclin à l’inquiétude envers les détenus).
La nuit, n’importe quelle personne malade peut avoir besoin d’un médecin en urgence. Dans 95 % des établissements, aucun moyen n’est prévu pour pouvoir demander de l’aide. Le seul moyen d’alerter les autres qui ensuite devraient (en faisant du raffut) alerter les surveillants, c’est de crier ou faire du bruit, ce que certains ne sont pas en état de faire. C’est comme ça qu’ils sont découverts « décédés » le lendemain matin.
En promenade, rien n’est prévu (même dans les centrales) pour que les détenus puissent aller aux toilettes s’ils sont malades, ils doivent remonter avant la fin de la promenade. À Fresnes, un type a eu un accident cardiaque pendant une promenade et vu la rapidité des secours, il est décédé.
Pour ce qui est de la confidentialité, elle n’est pas toujours respectée, même par les professionnels. J’ai vu le cas d’une personne détenue à Liancourt qui aurait eu besoin de parler de sa séropositivité avec la psy, mais qui ne réussissait pas à aborder le sujet parce que l’administration pénitentiaire (en accord avec la psy) avait décrété qu’un surveillant devait être présent dans le cabinet pendant la consultation.
Voici quelques exemples de personnes que j’avais rencontrées à Fresnes où elles venaient d’y être transférées en urgence ; preuve qu’elles avaient été hyper bien soignées dans les différents établissements (soi-disant, elles voyaient toutes un spécialiste VIH).
Madame X qui venait d’un nouvel établissement pénitentiaire « privé » où on lui refusait la possibilité de faire ses aérosols : transportée en urgence à l’hôpital de Fresnes.
Madame X, prise d’hémorragie vaginale le soir à la Maison d’Arrêt de Rennes où les sœurs lui ont fermé la porte de la cellule malgré ses plaintes et qui a été retrouvée baignant dans une marre de sang, elle a due être transporté par le SAMU.
Madame X, âgée de plus de 50 ans, atteinte par le VIH, souffrant de nombreuses pathologies a dû attendre plusieurs semaines avant de rencontrer un dentiste afin de soigner une dent malade qui la faisait horriblement souffrir ; elle a eu une grave crise d’angoisse durant une nuit de vendredi à samedi et malgré ses supplications (ce sont ses propres termes), elle ne rencontrera aucun médecin avant le lundi passant le samedi et le dimanche en se disant qu’elle allait mourir seule dans l’indifférence absolue.
Les promenades sont interdites pour Monsieur X, qui souffre de diarrhées qui sont quelques-uns des effets secondaires de son traitement VIH. En effet, interdiction de remonter en cellule lorsque l’on est en promenade…
Monsieur X, gravement malade a été transféré au mitard en tee-shirt pendant plusieurs jours en plein mois d’octobre.
Monsieur X, gravement malade est en détention provisoire depuis 19 mois.