J’ai vingt-deux ans, je suis homosexuel, je vis avec mon compagnon depuis juillet 1999. Il a trente-trois ans, il est séropositif et a été incarcéré en mars 2001. Nous avons été arrêtés ensemble et écroués dans la même maison d’arrêt. J’ai été libéré en mai. Lui est toujours en prison. Ce témoignage le concerne.
En mai, mon ami devient auxiliaire à la maison d’arrêt, son travail consiste à servir « la gamelle » aux autres détenus. En novembre, en compagnie de son codétenu, il surprend un surveillant en train de déchirer une lettre et de voler les timbres contenu dans l’enveloppe. Après vérification, il s’agit du courrier d’un détenu. Mon compagnon interpelle le surveillant pour lui signaler que ce n’est pas légal, celui-ci rétorque « ta gueule, PD ! ». Il décide alors de s’adresser au chef de secteur. Après une enquête, il est décidé que le surveillant ne travaillera plus dans le bâtiment dans lequel se trouve mon compagnon.
Dans le même temps, la situation de mon ami se complique très rapidement. La division où il est affecté apprend qu’il est homosexuel. Et qu’il est séropo. Par crainte de contamination, les détenus réclament qu’il cesse de les servir. Quelques jours après cette plainte, on le transfère. L’Administration pénitentiaire déclare qu’il n’est « pas apte » à exercer ce travail. Il est dans envoyé dans un autre bâtiment qu’il doit quitter deux heures après son arrivée pour une nouvelle division. Il s’agit de la division dans laquelle le surveillant a été muté.
Lorsqu’ils se rencontrent, celui-ci lui glisse : « Pour moi, t’es déjà mort. Tu vas vivre un véritable enfer ». Et en effet, le maton fait circuler dans la division suffisamment de bruits pour déchaîner insultes et représailles physiques. Coups de pieds dans les portes, agressions, pression constante. Plus de balades. Plus de douches. Plus d’appétit. Il est terrorisé. En prison, être homosexuel, c’est la pire de choses.
Mi-décembre 2001, nous obtenons enfin son transfert dans une autre maison d’arrêt. Quelques jours après son arrivée, un médecin lui délivre un certificat médical attestant que c’est un patient particulièrement fragile et sensible, qui doit être placé en isolement en raison de sa pathologie. Le chef de secteur refuse pourtant ce certificat médical. Mon ami est désormais sous traitement. On lui fournit des médicaments sans qu’il ne connaisse les prescriptions. Depuis un mois et demi, il demande à accéder à son dossier médical afin de savoir précisément ce qu’on lui prescrit. À ce jour nous n’avons toujours aucune réponse. Mais le pire s’est produit récemment. Au moment où vous lisez ce témoignage, mon ami est dans un service psychiatrique, suite à une tentative de suicide. Je viens d’apprendre qu’il a été violé par trois détenus sous les douches quelques jours avant son transfert. Comme d’habitude en prison, ses cris n’ont pas été entendus. Les trois détenus, les surveillants ont probablement tous supposé qu’un homosexuel apprécierait de se faire enculer violemment par des inconnus.
En 11 ans, mon ami aura donc subi deux viols en milieu carcéral.Première incarcération : premier viol : transmission du VIH. Deuxième incarcération : second viol : tentative de suicide. Dois-je encore espérer le voir sortir de cette prison, ou dois-je déjà prévoir sa place au cimetière et la plaque sur laquelle serait inscrite : Assassiné avec la complicité de l’Etat de ce beau pays, la France.
Torture, viol, contamination, non-respect des droits élémentaires à la santé, etc. Ces pratiques sont le fait de l’Etat et des juges qui maintiennent en prison des personnes qui ne devraient pas s’y trouver, qui entretiennent homophobie et discriminations.