En tant que trans (transsexuelLE et transgenre), la nécessité du traitement hormonal et/ou chirurgical nous contraint à intégrer un parcours trans qui comprend dans l’équipe médicale un psychiatre, un endocrinologue, un chirurgien et dans le processus d’évaluation, un protocole.
Dans le parcours officiel, le «candidat trans» comme l’énonce les institutions médicales est totalement pris en charge autant financièrement (étiqueté par l’ALD à 100 % : Affection Longue Durée) que psychiquement, par l’évaluation (pourtant indémontrable !) de sa conviction d’être. L’inexistence d’une entité transsexuelle au profit de celle d’individus transsexuels est certaine. Force est de constater le paradoxe par la présence même du protocole et de ses critères d’évaluation reposant sur des données arbitraires qui nous réduisent et nous maintiennent dans une infantilisation, voire une soumission totale. Ce protocole arbitraire – fondé sur des règles non écrites – prend la forme d’un suivi psy sous contrainte, qui constitue un véritable harcèlement moral. La personne transsexuelle est contrainte d’intégrer une hétéro-norme ultra-rigide pour pouvoir exister socialement ; ce qui exclut d’emblée les transgenres qui ne pourront avoir accès ni aux hormones ni aux opérations car ne répondant pas à cette hétéro-norme tant attendue. Cette psychiatrisation et pathologisation à outrance (cf l’intégration du terme transsexualisme dans le DSM IV) comprend des critères de sélection.
Exemples
Sur Paris, «unE vraiE/bonNE transsexuelLE» est une personne :
– de plus de 23 ans,
– qui n’a jamais été mariée,
– qui n’a pas d’enfant,
– qui n’est pas prostituée,
– qui est à destinée hétérosexuelle via «TransLand»,
– qui a un casier judiciaire vierge ;
Sur Lyon, pour le GRETIS (Groupe de Recherche et d’Etudes sur les Troubles de l’Identité Sexuelle), l’entrée dans le protocole médical est soumise à certains critères :
– être âgéE de 25 au moins et de 40 ans au plus (ce dernier critère est relatif, il peut être assoupli à certaines conditions) ;
– avoir un logement stable et des ressources fixes ;
– ne pas avoir des pratiques actuelles de prostitution ;
– ne pas avoir d’engagements familiaux importants, notamment d’enfants à charge ;
– ne pas être isoléE (ce critère est relatif) ;
– ne pas avoir eu de geste d’auto-mutilation (ce critère est relatif) ;
– ne pas être séropositifVE au VIH ; ceci contre-indique l’intervention génitale.
L’incohérence du «protocole» est manifeste puisqu’il présente des critères d’évaluation variables suivant le lieu géographique de la prise en charge, même s’il y a volonté commune de «construire» des sur-hommes et sur-femmes «hétéro-normativéEs» ; idem pour le changement d’état civil où les tribunaux exigent la «castration» (vaginoplastie pour les Male To Female et hystero-ovariectomie pour les Female To Male) avant tout changement d’identité civile, alors que certains chirurgiens sous peine d’être poursuivis pour mutilations, ne pratiquent ces interventions irréversibles qu’après changement d’état civil…
Ainsi, après au moins 2 ans de suivi psy (sans aucune garantie d’accord à l’issue de ce délai) qui consistent en «des entretiens réguliers au cours desquels est effectué de façon traditionnelle un examen psychiatrique complet» (en réalité 3 à 4 séances maximum dans l’année !), et si «le diagnostic est posé en conclusion d’une discussion conjointe des médecins qui intervient lorsque chacun estime avoir suffisamment d’éléments, en ce qui le concerne», le traitement hormonal à vie et les interventions chirurgicales sont autorisées. Dès qu’il y a stérilisation définitive, la personne transsexuelle peut demander le changement d’état civil. Il ne sera fait qu’après expertise judiciaire (il faudra compter 2 300 euros – à débourser de sa propre poche – auprès de la triade psy-endocrino-chir) ; et représente un véritable viol physique et psychologique. Ainsi, ce protocole ne fait que refléter la main-mise, la prise de pouvoir des institutions médico-juridiques sur ce corps ultra-sacralisé qui ne nous a jamais appartenu.