La loi pour la sécurité intérieure commence à être appliquée. On constate d’ores et déjà l’impact de des mesures qui en découlent. Une crise sanitaire se profile. Mais cela, Jean-Paul Proust, préfet de police de Paris et Yves Bot, le procureur de la république, s’en foutent.
Depuis début avril, nous assistons aux premières applications en acte des articles de la Loi pour la Sécurité Intérieure sur la prostitution. La situation actuelle étant extrêmement disparate, il nous a fallu entamer une réaction sur tous les fronts : par une série d’actions publiques avec des prostituéEs sur des lieux de prostitution (rue Saint-Denis, Bois de Boulogne, etc.), par un zap de Nicolas Sarkozy lui-même à la mairie du 17ème arrondissement lors de la signature du contrat de sécurité de l’arrondissement, le 21 mai dernier, par la création d’un pôle de travail regroupant plusieurs organisations (PASTT, SAF, GISTI, ADDE, ARCAT, SM, les Verts-Paris…).
À Paris, 103 dossiers ont été instruits en un mois. Un des premiers signes forts a été donné par la circulaire d’application produite par Yves Bot, procureur de la République de Paris. Profitant de l’espace laissé vacant par l’absence de décrets d’application et de texte de la Chancellerie, Yves Bot a saisi l’occasion pour indiquer la façon dont il entendait mettre en œuvre l’article de la LSI (article 225-10-1 du Code pénal) punissant le racolage de deux mois d’emprisonnement et 3 750 e d’amende. Cette circulaire est discriminatoire : elle recommande de faire passer les prostituéEs étrangèrEs en situation irrégulière en comparution immédiate (en ajoutant au délit de racolage une infraction à la législation sur les étrangerEs), ce qui ne leur permet pas de préparer une défense convenable.
On a pu noter par ailleurs une multiplication des irrégularités de procédure à l’occasion de ces premiers jugements : traducteurRICEs reçuEs hors délais, absence d’enquête sociale pour les personnes mineures, etc. Pour autant, les relaxes sont loin d’être systématiques : la première peine d’emprisonnement a été prononcée, le 9 mai, par le tribunal correctionnel de Bordeaux à l’encontre d’une prostituée kosovare en situation irrégulière. La production de cas de double peine n’a plus rien d’une anticipation : cette personne a écopé de deux mois ferme, en attendant son expulsion. La disparité des peines prononcées prouve à la fois l’incohérence de ces mesures et l’arbitraire de la définition du délit de racolage dans la loi. A l’échelle nationale, la situation est donc clairement inégalitaire.
Dans le même temps, le Préfet de police de Paris, Jean-Paul Proust, communique en mettant en avant, comme il se doit, les dossiers ayant bénéficié d’un «traitement administratif et social», par rapport au «traitement judiciaire» : 15 prostituéEs étrangèrEs ont été expulséEs (dont «certaines avec leur accord»), 26 ont reçu un Arrêté de Reconduite à la Frontière, 31 ont reçu une Autorisation Provisoire de Séjour. Face à une telle disparité de traitements, on est en droit de se demander quels critères président à ces prises de décision. On peut de plus douter de la concertation avec les associations dont se targue Jean-Paul Proust pour défendre son bilan. C’est comme si, avec Yves Bot, ils s’étaient partagés les deux versants de la loi dans son application à Paris : au procureur l’emprisonnement pour racolage, au préfet l’octroi du titre de séjour sous délation, les deux s’accordant néanmoins sur les mesures d’éloignement.
S’en féliciter, comme le fait la Préfecture de police en communiquant son bilan après un premier mois d’application, est odieux. En plus de l’expulsion, ces mesures reconduiront les personnes expulsées sous la dépendance des réseaux, et / ou mettront gravement leur vie en danger. Les traitements antirétroviraux ne sont pas encore disponibles partout, et ne sont majoritairement pas pris en charge par les systèmes de santé. Une fois les personnes rapatriées, c’est l’exclusion qui les attend, et pour certaines, la mort.
Ces mesures répressives, ouvertement discriminatoires, ne font qu’empirer les conditions de travail des prostituéEs : elles rendent difficiles la négociation et l’utilisation du préservatif, font reculer leur accès aux droits et aux soins. Ainsi, des prostituéEs témoignent être contraintEs depuis un certain temps de changer leurs pratiques, le préservatif redevient un luxe qu’ils/elles ne peuvent plus se permettre. Tout cela dans un climat de panique généralisée, en raison des agressions des clients et des violences policières : une prostituée africaine dit par exemple avoir été gardée à vue quatre jours sans boire ni manger dans un commissariat parisien. A l’heure qu’il est, nous n’avons pas encore de données suffisantes pour dresser un bilan des impacts sanitaires de ces mesures, mais les seuls témoignages que nous pouvons recevoir çà et là laissent présager du pire. La situation de crise sanitaire est déjà en place. La santé est incompatible avec la répression.
Act Up-Paris exige :
– l’abandon de la comparution immédiate pour les prostituéEs étrangèrEs en situation irrégulière ;
– l’arrêt immédiat des expulsions des prostituéEs étrangèrEs, et de touTEs les étrangèrEs ;
– l’arrêt de l’emprisonnement pour racolage ;
– l’abrogation de la Loi 2003-239 pour la Sécurité Intérieure.