Dans un contexte de criminalisation des séropositifVEs, le vocabulaire change. On ne parle plus de malades, de transmission du virus, mais de coupables, de victimes et de crime. Et en matière de victimisation, les femmes sont évidemment en première ligne.
Ni victimes, ni coupables. Cette phrase, la commission femmes d’Act Up la martèle depuis plusieurs années. Elle est plus que jamais d’actualité. En une semaine, deux femmes sont venues à la permanence juridique d’Act Up pour se renseigner : récemment contaminées par un homme, elles voulaient porter plainte. À Marseille, un collectif de femmes s’est organisé pour «faire la peau» à ces maris qui les ont contaminées. Quand Nicolas Sarkozy et Dominique Perben instaurent le dépistage obligatoire des personnes suspectées de viol, c’est pour aider soi-disant à la prise en charge des victimes d’abus sexuels. Encore ce terme de victime qui revient. Et face à eux/elles, il y a les bourreaux, les criminelLEs : les coupables. Les femmes de Marseille ne voient-elles pas qu’en voulant poursuivre en justice ceux qu’elles suspectent de leur avoir transmis le virus, elles deviennent de facto, en tant que séropositives, de futures coupables ? Ne voient-elles pas qu’un jour, c’est à elles que l’on voudra «faire la peau» ? En Suède, une femme séropositive a récemment été condamnée à un an de prison pour «mise en danger de la vie d’autrui» suite à des rapports sexuels non protégés avec trois hommes sans les informer de son état. Or cette criminalisation des séropositifVEs semble faire abstraction du fait qu’au moins deux partenaires doivent participer pour qu’il y ait transmission, brouillant ainsi le message le plus important sur le plan de la santé publique, selon lequel chacun est tenu de prendre des précautions à chaque fois qu’il a des rapports sexuels. Et surtout, n’oublions pas que la grande majorité des cas de transmission de VIH sont accidentels et non délibérés. Les intentions coercitives, bien qu’elles puissent créer l’illusion d’action, ne font que détourner l’attention de l’essentiel : qu’en est-il des efforts fournis en matière de prévention ciblée pour les femmes, d’éducation aux sexualités, de campagne de dépistage ? Qu’en est-il des efforts pour une réelle prise en compte des femmes séropositives et de leurs spécificités ? Et qu’en est-il de la prise en charge psychologique des victimes de viols par la loi de Nicolas Sarkozy ? Une fois encore, le discours d’empowerment des femmes prend tout son sens. Refuser d’être des victimes, c’est redonner toute son importance à une sensibilisation à l’épidémie, c’est permettre une prise en charge de la prévention par les femmes grâce à des outils de prévention spécifiques, c’est inciter à des dépistages réguliers et pas seulement lors du premier examen prénatal, c’est lutter au quotidien pour que cessent les rapports de domination dans les couples. Faire d’unE séropositifVE unE criminelLE potentielLE peut-il améliorer toutes ces insuffisances de nos politiques de santé publique ? Nous cherchons à donner à la société d’autres modèles de femmes séropositives que ceux de pauvres filles ou de salopes : ceux de femmes engagées et responsables, de femmes vivantes et belles.