histoire
En 1986, trois ans après la découverte du VIH, un deuxième type appelé VIH-2 est isolé à son tour. Selon divers spécialistes, le VIH-2 serait depuis plusieurs générations présent au sein des populations africaines ; peu fréquent, peu pathogène, il est demeuré longtemps inaperçu. De nombreuses recherches sont encore menées aujourd’hui pour mieux connaître les origines du virus, mais on sait déjà que ces deux virus (VIH-1 et VIH-2) sont très proches, 42 % de leur patrimoine génétique (homologie au niveau de leur génome). Pour chacun de ces virus, il en existe un, très proche, qui infecte les singes ; le SIV du chimpanzé est comparable au VIH-1 et le SIV du macaque est l’équivalent du VIH-2, l’infection par le VIH-2 est d’ailleurs endémique dans les régions où vivent les mangabeys, des macaques noirs, chassés pour leur viande ou employés comme animaux domestiques. Ce SIV est génétiquement très proche du VIH-2. De nombreuses études sont menées pour déterminer les origines de ces virus. Cette hypothèse semble retenue à l’heure actuelle, mais beaucoup de publications à ce sujet se succèdent et révisent totalement ou partiellement les hypothèses précédentes.
épidémiologie
Avec la progression de l’épidémie à travers le monde, différents types et sous-types du VIH se sont différenciés, et ont été identifiés selon une certaine distribution géographique. Les sous-types sont regroupés selon leurs différences génétiques, un sous-type rassemblant des souches ayant plus de 80% d’homologie génétique entre elles. Le VIH-1 est subdivisé en trois groupes : M (Majeur responsable de la pandémie), O (Outlier) ou N (Ni O ni M). Le groupe M se divise lui même en sous-type allant de A à K. Le VIH-2, lui, se subdivise en 7 sous-types (A, B, C, D et E, F et G).
Cette variabilité des virus explique les situations épidémiologiques, même si ce n’est pas la seule explication. Ainsi le VIH-1, essentiellement le groupe M, se retrouve sur tous les continents, les groupes O et N sont rares et retrouvés quasi exclusivement en Afrique centrale.
Le VIH-2 est très présent en Afrique de l’Ouest, et touche plus de 1% parmi la population générale au Cap Vert, en Côte d’Ivoire, en Gambie, en Guinée-Bissau, au Mali, en Mauritanie, au Nigeria et en Sierra Leone, à moins de 1% au Bénin, au Burkina Faso, au Ghana, en Guinée, au Libéria, au Niger, au São Tomé, au Sénégal et au Togo. Dans le reste du monde, le VIH-2 peut aussi être présent à plus de 1%, comme en Angola ou au Mozambique et à moins de 1% comme au Portugal, en France, et sporadiquement ailleurs en Europe de l’Ouest et Etats-Unis. Le sous-type B est le plus répandu en Occident, le sous-type C en Afrique de l’Est et en Inde, le sous-type E dans le Sud-Est asiatique ; quant à l’Afrique, tous les sous-types y sont représentés.
La répartition des VIH dans le monde n’est pas stable. Avec le temps, il y a de plus en plus de virus différents dans une même région du monde car l’homme voyage et transporte avec lui le VIH lorsqu’il est contaminé.
géographie
Une étude française, publiée en décembre 1998, recensait avec difficultés les maigres données concernant le VIH-2 dans le monde. Parce qu’elle y est plus développée sur le continent africain, cette épidémie est davantage étudiée, mais dans de nombreux pays, il n’existe aucune donnée.
C’est en Afrique de l’Ouest (Guinée-Bissau, Gambie, Sénégal. Côte d’Ivoire, Burkina Faso), dans le Golfe de Guinée et au Mozambique (où la prévalence peut atteindre 3% dans certaines régions), que se localisent d’importants foyers (dont la prévalence est en moyenne de 0,5 %). Ailleurs elle est retrouvée sporadiquement (Angola, Djibouti, Tanzanie, Somalie, etc.). En Asie, quelques foyers sont isolés à l’intérieur de vastes territoires (Corée, Inde), le virus n’est pas repéré en Thaïlande, à Taïwan, au Japon. La situation de l’infection demeure pour l’essentiel inconnue du Moyen-Orient (à part quelques cas en Israël) au Pacifique (à part en Nouvelle-Zélande). En Amérique Centrale et du Sud, c’est au Brésil qu’on en retrouve le plus. D’autres pôles ont été localisés dans des régions qui semblai,ent épargnées (Equateur, Uruguay, Venezuela, Haïti, Jamaïque). En Europe occidentale, le VIH-2 est dépisté de façon plus ou moins occasionnelle, c’est au Portugal que l’infection est la plus vive, suivi de la France qui recense quelques centaines de cas ; il est repéré ailleurs de façon sporadique (Norvège, Hollande, Angleterre, Espagne, Allemagne). Enfin, en Amérique du Nord, une centaine de cas étaient dénombrés aux États-Unis en 2001.
L’infection à VIH-2 s’est diffusée dans des conditions épidémiologiques, historiques et sociales particulières. Associées, elles lui confèrent une géographie singulière. Après avoir fait l’objet de vives inquiétudes, l’infection à VIH-2 n’est plus guère considérée comme un problème majeur de santé publique. En Europe, une étude transversale a analysé 186 études de séroprévalence du VIH incluses dans la base de données européenne, 45 fournissant des données tant sur le VIH-1 que sur le VIH-2. Ces études ont été menées dans 22 pays entre 1989 et 1995, et renseignent sur le VIH-2 et les différents modes de transmission. Relativement rare en Europe, le VIH-2 est responsable de moins de 1% du total des infections à VIH, et c’est au Portugal, qu’il est le plus répandu.
cohorte française vih-2
En France, l’infection par le VIH-2 concerne un faible nombre de personnes, les trois quarts des cas répertoriés sont originaires d’Afrique de l’Ouest. Le DMI-2, qui renseigne sur les personnes suivies en milieu hospitalier en France, suit un peu plus de 80.000 personnes ; 93,9 % sont infectées par le VIH-1, 0,4 % par le VIH-2 et 0,6 % par les deux, les autres n’étant pas documentées.
Aucun chiffre de prévalence de l’infection due au VIH-2 en France n’est aujourd’hui disponible, on estime cependant que 70% des patients infectés sont des femmes. L’ANRS a mis en place une cohorte, multicentrique dès 1994, afin de documenter au mieux cette infection mal connue. Il s’agit de la Cohorte VIH-2 française. En juin 2003, elle recensait 380 participants, dont 70 % sont des femmes. Les critères pour y entrer sont : être infecté par le VIH-2 uniquement, être majeur (c’est-à-dire qu’elle ne renseigne pas sur les enfants), avoir un suivi clinique en France, et avoir signé le consentement. Le suivi clinique a lieu tous les 6 mois, ; le suivi virologique est semestriel si la charge virale est indétectable et en l’absence de traitement ; et trimestriel si la charge virale est détectable et/ou si les personnes sont traitées. Rentrer dans cette cohorte permet aussi de bénéficier de charge virale gratuite (ailleurs, elles ne sont pas remboursées par la sécurité sociale et coûtent environ 150 euros). La directrice de la cohorte est Sophie Matheron ; la coordinatrice pour la région parisienne est Pauline Campa (Hôpital Bichat, Paris, téléphone : 01.40.25.80.80) et Sophie Pueyo (Inserm, Bordeaux, téléphone : 05 57 57 14 65)° pour la province.
L’infection par le VIH-2 reste cantonnée dans les populations hétérosexuelles et se répand peu dans les autres régions du monde, contrairement à l’infection par le VIH-1. Dans les pays où se côtoient les deux virus, la progression du VIH-1 est plus rapide que celle du VIH-2, dont la prévalence demeure assez stable. Ce virus, moins agressif, se transmet moins que le VIH-1, tant par voie sexuelle ou que de la mère à l’enfant. Les différentes pathologies observées avec le VIH-2 sont les mêmes que celles qui surviennent avec le VIH-1. En raison du faible nombre de personnes infectées par le VIH-2, il est difficile d’apprécier directement chez l’homme, d’un point de vue statistique, sa virulence et l’effet des traitements.
biologie
L’infection par le VIH-2 est généralement comparée à l’infection par le VIH-1, qui permet d’établir les points communs et les différences entre les deux infections. Le virus est une structure complexe, composé de matériel génétique (constitué des gènes nécessaires à sa réplication et d’une enveloppe de protéines). Ainsi, les VIH-1 et 2 ont 40 % d’homologie au niveau de l’enveloppe et 60% au niveau des gènes gag. Les deux virus partagent le même mode de transmission, s’attaquent aux mêmes cibles, les CD4, et sont l’un comme l’autre à l’origine du sida.
Une des caractéristiques des VIH est leur grande variabilité. Celle-ci tient au processus même de multiplication de ces virus qui sont obligés de transformer leur ARN génomique en ADN pour s’intégrer dans la cellule hôte. La transcriptase inverse fait des erreurs lors de la copie de l’ARN, et provoque les mutations. Mais tous les virus ne se multiplient pas à la même vitesse ni avec la même intensité dans une cellule hôte, et tous n’utilisent pas les mêmes cibles pour se multiplier. C’est pourquoi tous les VIH ne se multiplient pas de façon identique dans l’organisme. En évoluant dans l’organisme, au bout de quelques mois, les virus circulant chez une même personne peuvent être différents entre eux, de l’ordre de 2 à 3% et différents des virus provoquant l’infection.
On a constaté très vite que le VIH-2 est moins pathogène que le VIH-1. L’explication de cette différence n’est toujours pas déterminée. Le VIH-2 diffère surtout du VIH-1 par ses protéines d’enveloppe. Une technique de quantification pour ce virus a démontré que la charge virale VIH-2 est 30 fois plus faible en moyenne que celle du VIH-1, ce qui expliquerait la différence de virulence. Par ailleurs, il semble exister un profil immunitaire différent chez les patients infectés par le VIH-2, par rapport aux patients infectés par le VIH-1. L’activité du système immunitaire contre l’infection par le VIH-2 paraît plus soutenue que pour le VIH1. Des résultats in vitro ont montré que la gp105 du VIH-2 (la principale protéine d’enveloppe) contrairement à son homologue, la gp120 du VIH-1, entraîne la production de TNF-alpha par les monocytes, favorisant sans doute le contrôle de la réplication du VIH-2 par le système immunitaire.
controverse
Des données de 1995, recueillies au Sénégal, entre 1985 à 1994, à partir d’une cohorte de 756 prostituées vivant à Dakar, suggèrent que l’infection par le VIH-2 offre une protection significative, bien que partielle, contre le risque d’une infection ultérieure par le VIH-1.
A l’inclusion, 618 femmes étaient séronégatives et 138 infectées par le VIH-2. Parmi les premières, 49 ont été infectées par le VIH-2, et 61 par le VIH-1, parmi les 187 femmes infectées par le VIH-2, 7 ont été infectées par le VIH-1. Après avoir écarté les différents biais, le risque de contamination par le VIH-1 apparaît significativement inférieur chez les femmes infectées par le VIH-2 par rapport aux femmes exposées et séronégatives. Cela reste une étude préliminaire.
Des hypothèses tant immunologiques (immunité croisée entre des épitopes conservés entre les deux virus, cytotoxicité croisée entre les deux virus, mise en évidence d’anticorps neutralisants) que virologiques (inhibition de la réplication d’un virus par l’autre) tentent d’expliquer la protection observée. Ces observations épidémiologiques pourraient avoir, si elles s’avéraient vérifiées, des implications vaccinales importantes.
Cependant, une étude de mai 2002 donne des résultats contraires. En 1989, 2 300 participants ont été dépistés, 110 étant porteurs du VIH-2. En 1998, un nouveau dépistage a été effectué sur beaucoup d’entre eux, 17 personnes s’étaient infectées en plus avec le VIH-1. Sur les 1 250 personnes initialement séronégatives au VIH-1, 24 étaient contaminées. Les résultats de cette étude montrent que les risques d’infection par le VIH-1 étaient 3 fois supérieurs dans le groupe des personnes séropositives au VIH-2, sans donner de raisons biologiques (sensibilité accrue au VIH-1 en présence du VIH-2, hérédité) ou comportementales (rapports sexuels plus fréquents ou plus risqués).
Plus récemment, un article publié dans AIDS, juillet 2003, contredit et rejette également l’hypothèse d’une « protection » du VIH 2, en se basant sur plusieurs études effectuées, elles aussi, dans la sous-région du Sénégal et sur une revue récente de la littérature. La double infection par le VIH-1 et 2 reste peu fréquente, l’impact de la maladie VIH-1 est dominant par rapport à la maladie VIH-2.
dépistage
Le VIH-2 est donc caractérisé par un temps de latence plus long (où il ne se passe rien) avant l’apparition du syndrome, le cours de la maladie est moins agressif, les fonctions des cellules sont moins attaquées et il y a moins de virus dans le sang.
Depuis une dizaine d’année (rappelons que le VIH-2 est connu depuis 1986), les techniques mises au point permettent d’affirmer une infection par le VIH-2, et recoupent toutes celles utilisées pour le diagnostic du VIH-1. Le développement des anticorps est semblable dans le VIH-1 comme dans le VIH-2, ils deviennent généralement détectables dans les 3 semaines qui suivent l’infection (même si quelques patients complètent leur W Blot en trois mois).
Aujourd’hui, le diagnostic est aussi sûr, accessible et fiable que pour le VIH-1. Mais s’il est possible d’isoler le VIH-2 en culture dans des laboratoires de virologie spécialisés (uniquement ceux impliqués dans les cohortes de l’ANRS), cela ne peut pas être fait en pratique courante. Et rappelons-le, la charge virale n’est pas remboursée par la sécurité sociale ; le dépistage, lui, l’est. La charge virale n’étant pas un critère pour la mise sous traitement dans l’affection du VIH-1 elle l’est d’autant moins pour le VIH-2.
prise en charge
Depuis plusieurs années, le rapport d’experts qui émet les recommandations pour la prise en charge du VIH en France, comporte un chapitre consacré au VIH-2.
L’infection par le VIH-2 progresse plus lentement que l’infection à VIH-1. Elle évolue d’autant plus vite que la charge virale augmente et que l’âge avance. Sur le plan clinique, les infections par le VIH-1 et par le VIH-2 sont toutes les deux associées aux mêmes infections opportunistes, affections tumorales ou pathologies directement liées au virus. L’initiation d’un traitement antirétroviral est préconisé en cas de signes cliniques, à la suite au diagnostic de pathologie indicative de sida et/ou en présence d’un taux de CD4 inférieur à 350/mm3. En l’absence de ces critères, une charge virale proche de 250 copies/ml doit faire rapprocher la surveillance clinique et immunologique. Avec les techniques actuellement disponibles, une charge virale supérieure à 1.000 copies/ml est à considérer comme très élevée et prédictive d’un risque évolutif clinique. Il faut alors penser à débuter un traitement en tenant compte, comme dans l’infection à VIH-1, de l’évolution des CD4.
Parmi les antirétroviraux actuellement disponibles, seuls les analogues nucléosidiques (abacavir, AZT, 3TC, ddC, ddI, d4T, FTC, TNF) et les antiprotéases (amprénavir, indinavir, lopinavir, nelfinavir, ritonavir, saquinavir) sont efficaces contre le VIH-2. En effet, ce virus est naturellement résistant à tous les analogues non nucléosidiques (delavirdine, éfavirenz, névirapine). En cas de coinfection VIH-1/VIH-2, il convient de lancer un traitement qui doit être actif contre les deux virus.
La réponse au traitement et les effets indésirables des molécules semblent identiques à ceux décrits pour le VIH-1. Ainsi une étude issue de la cohorte française VIH-2 a documenté la prévalence de lipodystrophies chez les personnes infectées par ce virus. Les résultats indiquent un taux de 39%, similaire aux 40% des personnes touchées par le VIH-1.
Le suivi virologique mis en place dans la cohorte française du VIH-2 (charge virale tous les 6 mois pour les personnes asymptomatiques et non traitées, tous les 3 mois pour les personnes traitées, même si la charge virale devient indétectable, comme pour VIH 1) est celui que recommande le Rapport Delfraissy. Cependant en début de grossesse et en cas d’événement lié au VIH, la charge virale doit être mesurée.
enfants
Peu de cas d’infection au VIH-2 ont été recensés chez les enfants. La Cohorte Pédiatrique Française étudie les facteurs de risque immunologiques, virologiques et obstétricaux de la transmission mère-enfant du VIH-1, mais aussi du VIH-2. Le taux de transmission materno-foetale du VIH-2 est estimé, en dehors de toute intervention thérapeutique, à 3 à 4 % dans les études de cohorte (contre 20 % pour le VIH-1, 30% en cas d’allaitement). Comparé au VIH-1, la transmission du VIH-2 de la mère à l’enfant semble donc moins effective, sauf en cas de primo-infection durant la grossesse.
En France, les indications de prise en charge de la grossesse sont les suivantes : si l’infection de la mère nécessite la mise en place d’un traitement, les recommandations sont identiques à celles de l’infection par le VIH-1, en tenant compte de la résistance naturelle du VIH-2 à la névirapine. Mais la charge virale étant moins élevée, le virus est moins transmissible, du moins au début de l’infection. En l’absence d’indication maternelle, le traitement préventif de la transmission materno-foetale repose sur l’AZT en monothérapie chez la mère et chez l’enfant. L’indication d’une césarienne à visée préventive doit être discutée chez ces femmes, si la charge virale est détectable en fin de grossesse. L’allaitement n’est pas recommandé.
Enfin, la coinfection VIH-1/VIH-2 est un critère d’exclusion pour bénéficier de l’AMP. On sait quantifier la charge virale plasmatique depuis plus d’un an, mais cela reste difficile pour la charge virale dans le sperme. D’emblée la charge virale VIH-2 est inférieure à la charge virale VIH-1.