Objet : titres de séjour pour soins et menaces sur les prérogatives des médecins inspecteurs.
Madame, Monsieur,
Le 6 juillet dernier, nous vous informions des menaces que le projet de loi sur l’immigration faisait peser sur l’accès à un titre de séjour pour soins (article 12 bis 11° de l’ordonnance de 1945 modifiée). Un amendement à l’article 7 de ce projet, déposé par le rapporteur Thierry Mariani, et préparé par le ministère de l’intérieur, prévoyait en effet que, dans le cadre d’une procédure 12 bis 11°, le préfet puisse saisir une commission médicale pour établir une contre-expertise, contestant ainsi l’avis du médecin inspecteur compétent.
Cet amendement repose donc sur un soupçon de fraude pesant sur le demandeur, son médecin traitant, mais aussi sur les médecins inspecteurs des DDASS ayant à traiter ce type de demande. Ce n’est pas la première fois que les compétences des médecins inspecteurs des DDASS sont remis en cause par ce gouvernement. En décembre 2002 déjà, Nicolas Sarkozy diffusait une circulaire, amendée en janvier 2003, dans laquelle il accusait explicitement ces fonctionnaires de «complaisance». L’amendement, adopté en commission des lois et proposé lors de la première lecture à l’Assemblée Nationale, le 8 juillet, est donc l’aboutissement logique de cette politique qui, sous prétexte de lutter contre de prétendues dérives d’un dispositif, restreint l’accès à un titre de séjour pour soins, et remet en cause les compétences professionnelles des médecins inspecteurs des DDASS.
Nous avons fait valoir, auprès du gouvernement et des parlementaires, que cet amendement remettait gravement en cause le secret médical. Comment, si ce n’est par une rupture de la confidentialité, le préfet pourrait-il se permettre de juger d’un avis émanant d’un médecin praticien et des DDASS ? Cet argument a été entendu, et lors de la première lecture à l’Assemblée le 8 juillet, le texte a été modifié. Seuls un MISP ou un médecin de la préfecture, et non le préfet lui-même, pourront saisir une commission médicale.
Si cette modification permet la préservation du secret médical, elle entretient encore le soupçon de la fraude qui, nous le répétons, pèse autant sur les demandeurs que sur les médecins inspecteurs en charge des dossiers. En tant que MISP, vous continuez donc à être suspecté-e par le gouvernement et par les députés de complaisance envers les soi-disants «abus» dont se rendraient coupables des demandeurs de titres de séjour pour soins.
Nous tenons par ailleurs à vous signaler que votre ministre de tutelle, Jean-François Mattéi, a refusé de défendre, au sein du gouvernement, l’intérêt des étrangers atteints de pathologies graves, et par là même le travail des MISP. Seules des associations, membres de l’Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers (ODSE), comme Act Up-Paris, ont fait valoir votre domaine de compétences auprès du ministère de l’intérieur et des députés pour défendre le dispositif lié au 12 bis 11°.
Face à ces attaques et l’inertie de votre ministre, vous pouvez avoir deux réponses. Ou bien vous taire, donc accepter la remise en cause de votre honnêteté et de votre professionnalisme, et aller dans le sens du gouvernement, en restreignant toujours plus l’accès au titre de séjour pour raison de soins. Ou bien défendre vos attributions et vos compétences, contester la logique sur laquelle repose le démantèlement du 12 bis 11° et soutenir la régularisation des étrangers atteints de pathologie grave.
Il est aberrant qu’une association de malades comme Act Up-Paris soit une des rares structures à défendre vos attributions, alors même que votre ministre de tutelle refuse de prendre publiquement la parole pour défendre à la fois l’intérêt des malades sans papiers, ainsi que votre intégrité et votre expertise.
C’est pourquoi nous vous demandons de réagir publiquement contre les attaques dont vous êtes la cible, et contre le démantèlement du titre de séjour pour soins.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées,
Jérôme Martin Vice-Président ; Victoire Patouillard Présidente