Ce petit guide des droits du manifestant arrêté, intitulé Que faire en cas d’arrestation lors d’une manifestation ? a été élaboré à partir des formations données par le Syndicat de la magistrature en juin et juillet 2003, aux manifestants de l’anti G8 et au collectif des intermittents du spectacle.
1. Lors d’un contrôle d’identité
Vos droits
– Si vous êtes de nationalité française, vous pouvez établir votre identité par tout moyen, il n’est pas obligatoire d’avoir sur vous une pièce d’identité.
– Si vous êtes de nationalité étrangère, vous devez, en principe, toujours avoir avec vous le titre ou les documents vous autorisant à circuler ou à séjourner en France (une carte de séjour, un passeport avec un visa datant de moins de 3 mois, un récépissé de demande de titre de séjour ou encore une convocation à la préfecture etc.). En effet, la police peut à tout moment contrôler la régularité du séjour en France des étrangers. Les mineurs étrangers peuvent prouver par tout moyen leur identité, ils sont donc inexpulsables du territoire français.
Les motifs du contrôle d’identité (article 78-2 du code de procédure pénale) : outre les contrôles spécifiques des étrangers, les forces de l’ordre peuvent contrôler votre identité s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que vous avez commis ou tenté de commettre une infraction, que vous vous préparez à commettre un crime ou un délit, que vous êtes susceptible de fournir des renseignements sur une enquête pénale en cours ou que vous faites l’objet de recherches judiciaires. Mais le Procureur peut aussi requérir des contrôles d’identité pour les infractions qu’il précise (recherche de stupéfiants, port d’armes par exemple).
Enfin l’identité peut être contrôlée pour «prévenir une atteinte à l’ordre public». Les motifs du contrôle sont donc très larges, mais ils doivent répondre à l’un de ces critères, sous peine de nullité du contrôle. Par exemple, le fait de porter un auto-collant (ou une banderole), avec un sigle syndical ou associatif, ou une inscription licite quelconque, ne justifie en aucun cas un contrôle d’identité. La police n’a pas le droit de vous demander de retirer l’auto-collant, car c’est une atteinte à la liberté d’expression. Autre exemple : vous avez le droit de photographier ou de filmer une manifestation, et rien n’interdit de filmer les policiers dans des lieux publics. Ils n’ont pas le droit de confisquer votre matériel ou le film.
La rétention en vue de vérifier votre identité (article 78-3 du code de procédure pénale): Si vous n’avez pas de preuve de votre identité, vous pouvez être retenu par la police qui souhaite vérifier votre identité pendant 4 heures maximum à partir de début du contrôle. Ne tentez pas de vous soustraire par la force à un contrôle d’identité, c’est un délit de rébellion. Restez toujours calme et poli.
Conseils pour les contrôles d’identité
Vous avez le droit de faire aviser le procureur de la république de votre rétention. Si vous êtes mineur, le procureur de la République doit être informé dès le début de la rétention. Exercez votre droit de le faire prévenir. Une copie du procès-verbal de contrôle d’identité doit vous être remise après 4 heures (s’il n’y a pas de garde à vue à la suite). Exigez-ce document. Vous avez le droit de prévenir votre famille ou toute personne de votre choix. Si vous êtes mineur, vous devez être assisté par votre représentant légal . Si les policiers sont agressifs lors d’un contrôle d’identité, restez polis, ne les tutoyez pas, même s’ils vous tutoient, ne faites aucun geste violent à leur égard, car cela peut entraîner des procédure d’outrage, de rébellion, ou de violences sur personne dépositaire de l ‘autorité publique ; des peines d’emprisonnement sont encourues et vous pouvez être jugés en comparution immédiate (flagrants délits). Prenez les coordonnées de toutes les personnes qui peuvent témoigner de la scène. Si vous êtes emmenés au commissariat, demandez à tout témoin de prévenir vos proches ou un avocat. Si vous refusez de collaborer à la vérification de votre identité (en faisant des déclarations manifestement fausses, par exemple), vos empreintes et une photo peuvent être prises. Et si vous refusez de vous soumettre à cette mesure, vous pouvez être punis de 3 mois de prison et 3 750 euros d’amende (article 78 -5 du Code de procédure pénale [CPP]).
Avant de signer un procès-verbal, relisez-le attentivement. Si vous n’êtes pas d’accord avec le contenu des procès-verbaux, (documents rédigés par les policiers et décrivant l’interpellation ou la vérification d’identité) vous pouvez refuser de les signer. Si vous estimez que le procès-verbal contient des erreurs ou des imprécisions, vous devez demander au policier qui l’a tapé de le rectifier ; s’il refuse, vous pouvez vous-même faire des ajouts manuscrits à la fin du procès-verbal, suivis de votre signature.
Lors de l’interpellation, la police peut seulement accomplir sur vous une palpation de sécurité. Il s’agit d’une recherche extérieure, à travers les vêtements, d’objets dangereux pour la sécurité du porteur ou d’autrui. Cela ne peut en aucun cas consister en des attouchements ou une fouille à corps. Ayez toujours les coordonnées d’un ou plusieurs avocats sur vous.
2. Lors de la garde à vue
Un officier de police peut décider de vous retenir au poste 48 heures maximum s’il soupçonne que vous avez commis ou tenté de commettre une infraction. Si la garde à vue fait suite à un contrôle d’identité, la durée de la garde à vue (48 heures) se calcule à partir de l’heure de votre interpellation par la police (les 4 heures de rétention pour le contrôle d’identité incluses). Vous devez être immédiatement informé de vos droits dans une langue que vous comprenez (article 63-1 du CPP). Si l’interprète ne peut se déplacer, cela se fera par les moyens de télécommunications autorisés.
Vos droits
Dès le début de la garde à vue, le procureur doit être informé par l’officier de police judiciaire. Vous pouvez être retenu au maximum 48 heures (96 heures lorsque des stupéfiants sont en cause, selon l’article 63-1 du CPP). La prolongation d’une garde à vue de 24 heures à 48 heures doit être autorisée par le procureur. Un mineur, s’il a plus de 13 ans, ne peut être retenu que 24 heures. Vous avez le droit de savoir quelle infraction vous est reprochée. Vous devez demander que ce soit écrit sur le procès-verbal.
Vous avez le droit de voir un avocat que vous avez choisi ou un avocat qui est mis à votre disposition si vous n’en connaissez pas. Vous devez rencontrer votre avocat immédiatement au début de la garde à vue et à la 20ème heure (72ème heure en cas de stupéfiants), pendant 30 minutes de manière confidentielle (article 63-4 du CPP). En cas de prolongation de la garde à vue au delà de 24 heures, vous pouvez encore voir l’avocat à la 36ème heure.
Dès le début de la garde à vue « sans délai », vous pouvez faire prévenir, par l’intermédiaire d’un policier ou par téléphone, un proche (la personne avec qui vous vivez habituellement, l’un de vos parents, l’un de vos frère ou soeur, un ami, votre employeur, etc. (article 63-2 du CPP).
A tout moment lors de la garde à vue, à votre demande ou à celle d’un membre de la famille, vous avez le droit de demander d’être examiné par un médecin qui vient sans délai. Après 24 heures de garde à vue, vous avez le droit de demander une seconde fois à voir un médecin. Si vous avez moins de 16 ans, un médecin est désigné dès le début de la garde à vue pour vous examiner. Lorsque l’infraction concerne les stupéfiants, un médecin doit vous examiner dès la première heure de garde à vue, puis toutes les 24 heures, en plus des examens que vous pouvez personnellement demander, durant la garde à vue qui peut ici durer 96 heures. Il est possible que vous subissiez une fouille à corps afin de rechercher des indices en rapport avec l’infraction flagrante qui vous est reprochée. Il s’agit alors non seulement de fouiller vos vêtements mais aussi l’intérieur de votre corps. Mais la fouille à corps ne peut être effectuée que par un policier de même sexe que vous.
Conseil lors des gardes à vue
Relisez très attentivement le procès verbal. Vous pouvez choisir de vous taire lors des interrogatoires. Attendez d’avoir demandé conseil à votre avocat avant de répondre aux questions posées par les policiers. Vous pouvez refuser de signer le procès-verbal (documents décrivant les conditions de garde à vue et des auditions). Si vous n’êtes pas sûr de son contenu, mieux vaut ne pas le signer ou ajouter vous-même des précisions à la fin du document, avant de le signer.
Si vous n’avez pas les moyens de payer les frais d’un avocat, vous pouvez demander à l’État français de prendre en charge totalement ou partiellement ces frais selon le montant de vos revenus mensuels. C’est l’aide juridictionnelle.
Les policiers n’ont pas le droit de vous faire subir des violences, ni physiques, ni morales (article 222-13 du CP et article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme). Si vous subissez des violences (coups, insultes, humiliations, refus de repas…) parlez-en à votre avocat et demandez un examen médical afin que ces violences soient constatées dans un établissement hospitalier et qu’un certificat médical précisant la durée de l’arrêt de travail soit établi. La solution la plus efficace est de porter plainte devant un juge d’instruction avec constitution de partie civile. Une somme d’argent vous sera demandée à titre de consignation, sauf si vous avez l’aide juridictionnelle.
Si des violences contre des biens ou des personnes vous sont reprochées, il est très important d’avoir pris les coordonnées des personnes pouvant témoigner en votre faveur. Avant de manifester, ayez sur vous des petits papiers où vous avez écrit votre nom et votre téléphone, pour pouvoir les distribuer en urgence aux témoins, au moment où la police vous emmène, et tâchez de prendre les coordonnées des témoins.
Vous avez des droits que les policiers ne peuvent vous refuser, comme ceux de voir un interprète, un avocat , un médecin. S’ils vous ont été refusés, faites noter sur le procès-verbal que vous les avez demandés ou bien noter le vous-même avant de le signer. Parlez- en impérativement à votre avocat, car le non respect de vos droits rend toute la procédure nulle.
Si les policiers vous ont dit que vous figuriez sur le STIC (Système de traitement des infractions constatées), il s’agit d’un fichier de police (ou de gendarmerie) sur lequel sont inscrites des personnes «mises en cause» dans une précédente procédure (sans pour autant avoir été condamnée). Demandez aux policiers de vous lire les mentions du fichier qui vous concernent, et si vous n’êtes pas d’accord, vous pouvez écrire au Procureur de la République pour faire rectifier ou effacer ces informations.
3. Lors de la comparution immédiate
La comparution immédiate est une procédure qui permet de faire juger quelqu’un à la suite de la garde à vue devant le tribunal correctionnel. C’est le procureur qui décide si on vous juge immédiatement, ou si on vous relâche pendant la garde à vue, ou à la fin de la garde à vue : en ce cas la police peut vous remettre une convocation devant le tribunal, avec une date d’audience.
Le procureur peut aussi décider de vous faire juger le jour-même, en comparution immédiate, si vous risquez une peine de prison égale ou supérieure à 6 mois, c’est-à-dire pour la plupart des délits commis lors d’une manifestation.
Conseil très important
Vous avez le droit de refuser d’être jugé le jour-même lorsque le juge vous demande si vous acceptez la comparution immédiate (article 397 du CPP). Mais vous risquez d’aller en prison pendant 2 à 6 semaines en attendant. Parlez en à votre avocat. Le risque d’aller en prison en attendant d’être jugé, même si vous avez une famille ou un travail, est réel.
Attention : devant le tribunal, soyez calme et poli. Écoutez les conseils de votre avocat, dont la présence est obligatoire, sur l’attitude à avoir et surtout sur les déclarations à faire au juge. Vous avez le droit de faire appel contre la décision du juge qui vous condamne. Vous pouvez demander l’aide juridictionnelle pour payer les frais d’avocat et les frais de justice, si vos revenus sont très faibles (en gros, inférieurs au SMIC).
4. Lors d’une rétention administrative d’un étranger
Si vous êtes étranger en situation irrégulière, le préfet peut décider de vous reconduire à la frontière. Dans ce cas, le préfet peut vous placer en rétention administrative pendant 48 heures pour préparer votre renvoi. Au delà de ces 48 heures, vous pouvez être maintenu en rétention pendant encore 10 jours au maximum sur décision du juge des libertés, soit 12 jours dans un centre de rétention au total. Si vous êtes demandeur d’asile, retenu par la police (4 jours) à l’entrée du territoire français, vous pouvez être ensuite placé en rétention pendant 16 jours sur décision du juge, soit 20 jours au total en rétention.
Vos droits
Vous devez être informés de vos droits dès le début de votre rétention dans une langue que vous comprenez. Vous avez le droit de faire un recours contre la décision de reconduite à la frontière mais le recours n’est pas suspensif (vous restez en rétention). Vous avez le droit de demander l’assistance d’un médecin, d’un avocat, d’un interprète et de communiquer avec votre consulat et avec une personne de votre choix. Vous avez le droit de faire appel contre la décision du juge de prolonger la durée de votre rétention. Comme en garde à vue, vous devez être bien traité en rétention (ne subir aucun violence ni physique, ni morale).
Conseils pour la rétention d’un étranger
Une association, la CIMADE, se trouve sur certains lieux de rétention afin de pouvoir vous aider, notamment à contester la décision de reconduite à la frontière. Demandez à la rencontrer au plus vite. Pour une information sur les droits des étrangers, contacter aussi le GISTI ou l’ANAFE.
5. Lors de la fouille d’un véhicule
Sauf lorsqu’il s’agit d’un véhicule d’habitation (caravanes par exemple), la police peut fouiller un véhicule, y compris le coffre, si elle a des raisons plausibles de soupçonner qu’un crime ou un délit flagrant a été commis par l’un des occupants. La police peut aussi immobiliser un véhicule pendant 30 minutes et le fouiller avec l’accord du conducteur (ou à défaut le procureur) pour prévenir d’une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens.
6. Les vigiles
Sur arrêté du préfet, dans les lieux et à des dates précisées dans cet arrêté, les vigiles peuvent procéder à des palpations de sécurité (donc sur les vêtements), en cas de menaces graves pour la sécurité publique. Ces palpations sont faites par une personne du même sexe que l’intéressé. Les vigiles peuvent aussi faire ouvrir un sac à main, et ne peuvent le fouiller qu’avec le consentement de la personne.