Aujourd’hui, à Genève, l’OMC s’apprête à valider un accord sur l’accès aux médicaments génériques. Ceci se produit près de deux ans après que l’OMC a mandaté ses États membres pour régler la question de l’exportation des génériques. Pourtant, et cet avis est partagé par de nombreux experts, au Nord comme au Sud, cet accord ne fera que renforcer les difficultés d’accès aux génériques pour les pays en développement qui ne sont pas en mesure de produire eux-même des médicaments. Cet accord est un leurre, pire, une trahison de la déclaration de Doha ratifiée en décembre 2001.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Depuis le début des négociations, les États-Unis, tête de pont de l’industrie pharmaceutique, ont tenté par tous les moyens de revenir sur l’acquis majeur de Doha : la reconnaissance du droit des pays à passer outre les brevets pour promouvoir la santé publique et l’accès aux médicaments. Ils ont pris le temps de faire plier un à un chacun des pays, qui, au départ, s’opposaient à leur politique restrictive en matière d’accès aux génériques.
En dépit des déclarations faites à d’innombrables reprises par Jacques Chirac et Pascal Lamy, la France et l’Europe ont une fois de plus pris le parti de céder à ces exigences. Il y a quelques mois, les responsables du Quai d’Orsay, à Paris, et de la Direction Générale du Commerce, à Bruxelles, invoquaient « la nécessité de trouver un compromis avec les Américains » pour justifier la faiblesse de leur position. Quelques mois plus tard, ils laissent finalement les États-Unis mener la danse et, au terme de multiples pressions et chantages, imposer aux pays en développement un texte qui ne fait que multiplier les entraves à l’accès aux génériques.
Fin 2002, la Commission européenne était l’instigatrice du « texte de Motta », qui imposera aux pays des procédures administratives d’une lourdeur et d’une complexité telles qu’elles rendent cette solution totalement inutilisable. A ce texte les Américains ajoutent désormais un complément. Et ce n’est plus seulement la complexité de la procédure qui permettra de bloquer les pays exportateurs, c’est aussi la perspective de sanctions directes et rapides à leur encontre de la part des pays riches, à commencer par les États-Unis.
On attendait un mécanisme fiable et simple pour permettre aux pays en développement d’utiliser des génériques quand ils ne peuvent payer les prix prohibitifs des multinationales. On obtient aujourd’hui un mécanisme de contrôle et de sanctions contre les pays qui souhaiteraient le faire.
Quelle en sera la conséquence ?
La condamnation à mort de millions de malades pour satisfaire l’intérêt économique de la première puissance mondiale alliée à l’industrie la plus rentable au monde. Sous tutelle américaine, l’OMC fait ainsi preuve d’une double incapacité : incapacité de ses accords à être en adéquation avec les besoins d’une majorité de pays, incapacité de l’organisation à constituer un espace de négociations équitables.
Ce sont sous ces hospices que s’apprête a débuter la conférence interministérielle de Cancun : mépris de la situation des populations, mépris à l’égard des pays en développement, mépris des règles internationales.