Peut-on en dire autant de la conférence ? Tout au plus un petit rayon de soleil bien timide est venu percer le plafond bas qui plane sur la recherche vaccinale depuis 20 ans. La température polaire des salons du Hilton n’a pourtant entamé en rien la chaleur de ces derniers échanges. En effet, c’est une discussion animée entre un panel des plus grands spécialistes des vaccins et la salle qui a conclu la Aids Vaccine 2003.
Mais revenons là où j’en étais resté hier. Samedi après midi, Bill Snow et Antony So avaient conviés les représentants de toutes les parties concernées autour du thème : «Droits de propriété intellectuelle et développement de vaccins». Gladys Monroy, en excellente juriste, a rappelé combien cette question est problématique pour le travail de recherche sur les vaccins quand on sait qu’au moins une dizaine de partenaires sont nécessaires pour aboutir à un essai clinique. Après un examen objectif des possibilités du droit pour faciliter les recherches, elle plaide pour la mise en commun des intérêts dans les initiatives de recherche (patent pool). Steven Ferguson, responsable des brevets pour le NIH, expose surtout le système public américain et donne une image de bon gestionnaire de portefeuille, genre «bon père de famille». Evidemment, en préliminaire de sa présentation, il n’a pas omis de signaler que 2003 était le 20e anniversaire du brevet Montagnier sur le VIH. Barrie J. Carter, patron de Targeted Genetic Corp., après avoir solennellement rappelé que ses propos ne sont pas un catalogue de stratégies commerciales et qu’ils n’engagent personne — et surtout pas la firme sur le plan légal, tente de convaincre tout le monde que s’il protège ses intérêts, c’est honnêtement, sans excès et avec le souci du bien commun. Encore un «bon père de famille».
L’industrie n’avait comme seul représentant sur cette question qu’un ex de chez Merck. Peut-être est-ce pour cela qu’il manipula assez peu la langue de bois mais fut plutôt intéressant en expliquant que les brevets sont essentiellement un paramètre de mesure du risque pour les financiers des grandes firmes. Il n’a pas mâché ses mots pour expliquer la perversité qui s’en dégage. Un vrai cours critique d’économie capitaliste. Enfin, Ed Pollack, le représentant de l’IAVI (International Aids Vaccine Initiative) a remis les pendules à l’heure en expliquant les travers du système et notamment en soulignant que les brevets sont un vrai problème pour les pays en développement. Il conclue d’ailleurs que la propriété industrielle est une barrière qu’il faut repousser.
Pour la dernière journée, le programme était très équilibré. De la science fondamentale ou l’on appris notamment ce qui fait la spécificité des cellules régulatrices de l’immunité, les lymphocytes T CD25+ CD4+, et comment elles opèrent. A suivi un tour d’horizon des essais de vaccin en cours et les leçons qu’on pouvait d’ores et déjà en tirer.
Et enfin, la réunion de clôture. Elle a débuté par un tour de table qui donnait en gros ceci : on a besoin de plus de science fondamentale (Margaret Johnston, NIAID, USA), même imparfaits ; il faut faire progresser les candidats vaccins vers les essais de phase III (Michel Kasatchkine, ANRS, France) ; une structure collective est nécessaire pour coordonner les efforts au niveau mondial (Gary Nabel, NIAID, USA) ; plus de fonds sont nécessaires (Chris Collins, Aids Vaccine Advocacy Coalition, USA) ; il n’existe pas seulement un fosse entre le Nord et le sud, mais aussi entre Europe et Etats Unis, ce qui rend nécessaire une structure mondiale (Giuseppe Pantaleo, CHUV, Suisse) ; l’accès aux soins et aux traitements doit être développé (Leopold Zekeng, Lab. de santé Hygiène mobile, Cameroun) ; non seulement des essais, mais aussi des soins (Jean Pape, Centre GHESKIO, Haïti) ; une vraie collaboration entre pays développés et pays en développement est nécessaire (Yming Shao, Ctr. for Aids Prevention and Control, Chine). Larrie Corey (HIV Vaccine Trials Network, USA), a présenté pour sa part, l’initiative dite pour l’instant «Airlie House Working Group» qui propose une entreprise internationale capable de conduire et d’organiser la recherche vaccinale au niveau mondial.
Il y aurait encore tant à dire. Pour ma part, je crois que la meilleure conclusion appartient à cet activiste canadien qui, de la salle, a su rappeler que si la question de l’accès aux traitements est aujourd’hui un problème mondialement reconnu, c’est parce qu’il existe un mouvement populaire que les activistes de tous horizons ont su créer. Cette mobilisation publique n’existe pas à l’heure actuelle sur la question des vaccins. Elle sera une condition majeure à l’engagement politique et à l’aboutissement de la recherche du vaccin VIH.
Rendez vous est pris pour Aids Vaccine 2004 à Lausanne du 30 août au 3 septembre.