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La suite de nos chroniques depuis la conférence européenne sur le sida (EACS) à Varsovie.

Est-ce une effet de proximité ou une réminiscence d’une histoire récente, la neuvième édition de la conférence européenne sur le sida joue aux poupées russes : elle accueille aujourd’hui mardi le premier atelier de l’EACS intitulé « résistance et pharmacologie ».

De nouvelles molécules puissantes et faciles à prendre

La journée commençait par la traditionnelle session plénière. José Gatell y a brossé un tableau assez complet de la situation des traitements antirétroviraux. Revenant en grande partie sur les sessions de lundi, il a tenté une synthèse en évoquant les facteurs prédictifs de réussite d’un traitement à long terme. La personne qui s’en tirera le mieux a débuté un traitement après 2000, n’est pas descendu sous 350 T4 et n’est pas usager de drogues injectables.

Il est clair aussi que les classiques traitements associant deux nucléosides avec un inhibiteur de protéase ou un non nucléoside sont les solutions classiques qui sont à recommander en première intention. Le fait de s’épargner les nucléosides n’élimine pas clairement les risques de troubles métaboliques et les lipodystrophies. Les traitements en une seule prise par jour deviennent plus nombreux. Pour autant l’adhérence à ces régimes n’est assurée que si leur nombre de pilules n’est pas trop élevé. Et l’avenir ? Le clinicien espagnol considère que les nouvelles molécules doivent avant tout être plus puissantes, efficaces contre les virus résistants et plus faciles à prendre. La piste ouverte des vaccins thérapeutiques a encore du chemin à faire mais devra permettre des arrêts de traitements. L’émergence des nouveaux traitements et l’expérience du nord devra permettre l’accès de traitements dans les pays en développement.

Mutations

Puis ce fut au tour de Vincent Calvez d’ouvrir l’atelier « résistances et pharmacologie ». Il a rappelé dans quelles conditions apparaissent des mutations du virus lui conférant une résistance aux traitements antirétroviraux. Lors d’un premier traitement, il peut s’agir d’une insuffisance de puissance du traitement ou d’un manque d’adhérence. Chez les personnes qui ont déjà expérimenté d’autres traitements, l’accumulation progressive de résistances antérieures complique la tâche en rendant les traitements de substitution moins efficaces.

Les mécanismes de résistance ne sont pas les mêmes selon les différentes classes d’antiviraux. Ainsi les analogues nucléosidiques perdent en efficacité au fur et à mesure de l’accumulation de mutations. Seules certaines mutations rendent le virus insensible à certaines molécules précises, la plus célèbre dans ce genre est certainement M184V qui rend la lamivudine->mot374] totalement inefficace. Les non nucléosides sont très vulnérables : une seule mutation peut rendre le virus insensible à toute la classe de ces molécules. Pour les inhibiteurs de protéase, les choses sont plus complexes. C’est principalement l’accumulation de mutations qui rend le virus insensible à ces antiviraux. Mais il existe certaines mutations clé qui confèrent au virus une insensibilité à l’ensemble des antiprotéases et d’autres, mineures qui ne concernent qu’un ou quelques produits de ce type. Le moyen de lutter contre ces résistances passe essentiellement par l’usage de nouvelles molécules qui restent actives malgré les mutations du virus. Il en est ainsi de l’Abacavir et du Ténofovir mais aussi, comme [on l’a vu lundi, de la Didanosine pour les nucléosides. Chez les « non nucs » [non nucléosides] il semble qu’il faudra attendre la sortie prochaine du TMC 125 en cours d’essais de phase III pour disposer d’une solution de secours. Quant aux antiprotéases, la meilleure alternative est l’utilisation de Ritonavir en booster.

Produits in vitro et vraie vie

Au cours de cet atelier, il a beaucoup été question des tests de résistance génotypiques et phénotypiques. Ces mesures de la résistance virale aux médicaments font débat. En effet, ce n’est pas tout de disposer de ces outils recommandés d’ailleurs dans le rapport Delfraissy dans un certain nombre de cas de figure difficiles à résoudre, encore faut il être capable d’interpréter les données produites.

Rappelons rapidement que le test génotypique consiste à analyse le génome viral afin de connaître les mutations qu’il a subi sous la pression sélective des antiviraux. Ce test est aujourd’hui assez facile d’accès mais ne donne pas une vision stricte de l’efficacité des médicaments. Son interprétation repose sur le savoir d’experts et sur l’expérience. Le test phénotypique consiste à mesurer en laboratoire l’efficacité des antiviraux contre la souche virale à tester. Plus long, plus difficile et surtout plus coûteux que le test génotypique, il fournit, semble-t-il, un résultat concret mais il ne faut pas négliger la différence entre l’usage d’un produit in vitro et la vraie vie. La meilleure méthode, comme le résume Jonathan Schapiro, c’est, en cas d’échappement à un traitement, d’envisager une nouvelle stratégie en concertation avec le patient, de considérer les options de traitement restantes puis d’utiliser les tests de résistance comme appui à cette réflexion. Tous ici s’accordent sur le fait que les tests ne doivent pas être suivis aveuglément. Bon nombre d’essais cliniques sont d’ailleurs venus étayer ce point de vue.

Gilles Peytavin, notre célèbre spécialiste français de la pharmacologie est venu renforcer l’arsenal des outils d’analyse des conditions de fonctionnement des antiviraux. En expliquant comment utiliser les dosages de médicament dans le sang, il montre que les résistances ne sont pas la seule chose en cause lorsqu’un traitement pose problème. Que ce soit parce qu’il est sous dosé et qu’il y a alors risque d’apparition de résistances ou qu’il puisse être sur dosé, provoquant des problèmes de toxicité, l’antiviral testé peut, par cette méthode, être ajusté au mieux de son efficacité. Là encore, tout est dans la qualité de l’interprétation des résultats comme dans le choix de la bonne décision.

Aides au diagnostic non remboursées

Ce travail d’atelier, bien plus que seulement une occasion d’apprendre des techniques, fut pour tous une occasion de discuter de clinique dans un contexte plus concret. Les séances de discussion de cas ont permis de constater combien les cliniciens, virologues, immunologues et autres pharmacologues ont des points de vue différents et parfois opposés mais aussi combien ils se complètent par leurs spécialités. Les paroles de sages sont probablement venues pour nous, activistes, plutôt des cliniciens dont on sent les préoccupations très influencées par le contact quotidien des malades.

Mais n’oublions pas que si ces techniques, tests génotypiques, phénotypiques et dosages plasmatiques, sont des aides formidables au diagnostic, si ils figurent en bonne place dans les recommandations officielles de prise en charge, leur accès est encore très limité parce qu’ils sont réservés à la pratique hospitalière car ils ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. Que dire alors du monde qui sépare cette prise ne charge d’une sophistication extrême lorsqu’on la compare aux techniques des dispensaires de la campagne africaine où l’on compte parcimonieusement les accès à une simple mesure de lymphocytes T CD4 ?