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REACT UP
C’est le mot d’ordre choisi par les militantEs d’Act Up-Paris pour la manifestation du 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida.
Il y a quelques années, nous appelions à la «remobilisation générale» face à l’épidémie. Pour ce qui concerne la France, depuis l’arrivée de la droite au pouvoir, ce slogan reste plus que jamais d’actualité. En effet, depuis mai 2002, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin n’a eu de cesse de démontrer sa totale incompétence en matière de santé publique. Le drame lié à la canicule cet été en a été l’exemple le plus spectaculaire.
Le bilan du ministre de la Santé Jean-François Mattéi est calamiteux. Depuis qu’il est en poste, les associations ont vu leurs crédits gelés ou supprimés, la politique réduction des risques en direction des usagers de drogues, qui avait pourtant fait ses preuves depuis longtemps, est abandonnée au profit de l’approche répressive de son collègue ministre de l’Intérieur, l’Agence Nationale de Recherche contre le sida n’a survécu que grâce à la mobilisation associative et médicale — aujourd’hui son budget a été réduit. Quand les circulaires des ministres des affaires sociales, de l’intérieur ou de la justice peuvent avoir des conséquences sanitaires graves (remise en cause de l’Aide médicale d’Etat, par exemple), Jean-François Mattéi ne bouge pas. Mieux, son cabinet félicite régulièrement Act Up ou d’autres associations de faire le travail à leur place.
Sur le plan international, Jacques Chirac peaufine son image en multipliant les effets d’annonce et les grands discours humanistes. Malheureusement, la traduction de ces discours dans les faits se fait toujours cruellement attendre. Les laboratoires continuent à faire pression pour imposer leur logique commerciale au détriment de la santé publique. Les politiques, OMC en tête, se sont montrés incapables de résister à ce lobby. Pourtant, tous les jours, 10 000 malades meurent du sida. Et de nouveaux foyers d’épidémie sont en train d’exploser.
Mêmes attaqués de toutes parts, les malades du sida et toutes celles et tous ceux qui souhaitent que cette épidémie cesse de tuer, doivent réagir. En d’autres termes : React Up. Voici le message que nous souhaitons faire passer auprès du public. Depuis le début de l’épidémie, ce sont les malades qui ont fait avancer la lutte. Nous devons continuer dans ce sens.
REACT UP : LA MANIFESTATION
Cela fait bientôt 15 ans qu’Act Up défile à chaque journée mondiale de lutte contre le sida. Cette manifestation est un moment fort de la vie de l’association. Il est à la fois un moment de grande visibilité, grâce à la campagne d’affichage qui précède, mais aussi un moyen de faire passer notre discours auprès du grand public.
Cette année le défilé partira de Barbès (sous le métro). Il se rendra au Centre Georges Pompidou, en passant par le boulevard Magenta, la rue du Temple, la rue de Turbigo, la rue Réaumur jusqu’à Beaubourg. L’heure de départ a été fixée à 18 heures.
Au début du parcours, les militants feront le traditionnel «die-in». Ils se coucheront par terre, en silence. Cette action, très forte émotionnellement, symbolise les morts du sida.
A l’arrivée au centre Pompidou, prévue vers 20 heures, le Patchwork des noms effectuera sa cérémonie du souvenir, accompagnée par Mélo’Men, le chœur gay.
Si Act Up est l’association qui appelle à la manifestation et en prend la responsabilité auprès de la préfecture, les autres associations de lutte contre le sida, ainsi que les associations gaies et lesbiennes se joignent traditionnellement au cortège, avec leurs propres slogans et leurs propres banderoles et pancartes.
Ce défilé doit être celui de tous les acteurs et actrices de lutte contre le sida, ainsi que celui de toutes celles et tous ceux qui souhaitent voir cesser cette épidémie. Contre le sida, une journée ne suffit pas, mais cette journée nous servira à exprimer toute notre colère et notre détermination.
REACT UP : LA CAMPAGNE D’AFFICHAGE
Deux affiches d’appel à la manifestation sont actuellement collées un peu partout à Paris par les militants d’Act Up-Paris.
Dans la première affiche, nous soulignons qu’à l’heure actuelle «Tout régresse, sauf le sida». Dans la seconde, nous exprimons nos revendications. Nous avons particulièrement développé deux dossiers sur lesquels nous travaillons : la libération sans condition des détenus malades en prison et la protection des droits des minorités.
Une recherche soucieuse de la vie et du bien-être des malades
Les trithérapies ont permis de sauver de nombreuses vies. Mais depuis leur mise sur le marché, les malades n’ont cessé de parler des effets secondaires des traitements. Nous attendons toujours des laboratoires pharmaceutiques que pour chaque molécule soit mise en place de véritables essais post AMM permettant de mesurer et de prévenir les effets secondaires souvent lourds et handicapants que subissent les séropositifs au quotidien. Pour les malades en échappement thérapeutique, les laboratoires doivent élargir l’accès compassionnel de nouvelles molécules. Ces accès, que ce soit sur le T-20 ou sur le Tipranavir sont encore insuffisants. Ils permettraient pourtant de sauver des vies. Le Sénat doit débattre au mois de janvier de la révision de la loi Huriet. Lors de l’examen à l’Assemblée Nationale, nous avons proposé plusieurs amendements qui ont été retenus, pour sauvegarder la place des malades dans la recherche. Nous savons que rien n’est définitivement acquis.
Une prévention affichée, ciblée et aux effets enfin tangibles
Les résultats du baromètre gay, qui vont bientôt être publiés, ne sont pas bons. Un répondant sur trois à un questionnaire distribué dans les lieux communautaires gay déclarent avoir eu des rapports anaux sans préservatif. Dans 70 % des cas, ces rapports étaient effectués avec une personne dont le répondant ignorait le statut sérologique. Les chiffres de la déclaration obligatoire de séropositivité seront sans doute inquiétants. S’il y a de quoi être très inquiet, il n’y a malheureusement pas de quoi s’étonner. Ces chiffres sont le résultat direct du manque d’engagement des pouvoirs publics dans la prévention. Voilà 15 ans qu’Act Up-Paris exige des campagnes largement visibles, ciblées, directes qui parlent franchement de sexe et de plaisir. Cela fait des années que nous demandons de développer la prévention à l’école. Quand des spots télés audacieux ont été réalisés, les gouvernements de droite comme de gauche les ont censurés, Par ailleurs, l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES) vient de rater une nouvelle occasion de populariser le fémidom en sortant une affiche mysogyne et ridicule, infantilisant une fois de plus les femmes. Pourtant, en France, aujourd’hui, elles sont au coeur de l’épidémie. React Up.
L’accès à une prise en charge globale et efficace pour les séropos des pays du sud
6 millions de malades africains traités en 2005. C’est l’objectif que se sont fixés les politiques, les associations de malades et les médecins à la conférence de Paris cet été. Mais cet objectif ne sera jamais atteint si les pays du G8 ne se décident pas à financer le Fonds Mondial à une hauteur décente. Pour l’instant la France donne 50 millions d’euros. Jacques Chirac a annoncé le triplement de cette somme. Cette annonce n’a toujours pas été suivie d’effet. Aujourd’hui, il y a 40 millions de séropositifs dans le monde, 10 000 malades meurent chaque jour et de nouveaux foyers d’épidémies sont en train d’exploser (Russie, Asie du Sud-Est). Des responsabilités politiques sont en jeu.
L’égalité entre homos et hétéros, en droit comme en fait
La discrimination a toujours été un terreau idéal pour la propagation de l’épidémie de sida. Il aura fallu pratiquement 10 ans pour obtenir le pacs, un texte encore très imparfait, en particulier au niveau des couples binationaux, les homosexuelLEs continuent d’être victimes de discrimination dans la vie de tous les jours : au travail, à l’école, en matière d’adoption, etc. Jacques Chirac ne peut pas déclarer d’un côté que “ tous les citoyens français ont les mêmes droits et les mêmes devoirs ” et laisser co-exister au sein de son pays des lois discriminantes à l’égard des gays, des lesbiennes et des trans. Nous exigeons l’égalité totale des droits entre homos et hétéros. Ni plus, ni moins.
Libération sans condition des malades en détention
Alors que des projections épidémiologiques faisaient état du nombre d’un millier pour les seuls malades du sida détenus dans les prisons françaises en 2000, seulement 58 personnes ont à ce jour bénéficié d’une suspension de peines pour raisons médicales, qui s’applique pourtant à tout malade en détention dont le pronostic vital est réservé à court terme, ou dont l’état de santé est durablement incompatible avec la détention. Encore faut-il nuancer ce nombre : trop de détenus ayant vu leur peine suspendue sont décédés dans le mois qui a suivi leur sortie. De fait, la suspension de peine pour raisons médicales n’est pratiquement appliquée qu’aux détenus en fin de vie. C’est que le Ministère de la Justice se donne tous les moyens pour ne pas faire rendre effectif l’article 10 de la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades – pour ne pas faire sortir de prison les détenus gravement malades. Sauf lorsqu’il s’agit de Maurice Papon. Dominique Perben préfère le respect des impératifs sécuritaires et la surincarcération, quitte à ce que des malades atteints de pathologies graves meurent en détention, faute d’avoir pu recevoir des soins appropriés à leur pathologie, et parce que leur état de santé est de toute façon incompatible avec la détention.
Une circulaire de la Chancellerie, en date du 7 mai 2003, a tout d’abord introduit le critère du trouble à l’ordre public comme condition à l’octroi d’une suspension de peine. Elle a été relayée cet automne au Sénat, lors du débat sur le projet de loi
«Évolutions de la criminalité», par un amendement déposé par M. Zochetto, qui conditionnait la suspension de peine à l’absence de risque de renouvellement de l’infraction. La logique est claire : il s’agit de vider de sa substance la seule disposition protégeant les malades en détention, en remplaçant les critères médicaux par des critères sécuritaires. A l’heure qu’il est, notre mobilisation et notre travail de lobby ont permis de faire déposer un amendement de suppression de l’amendement Zochetto par le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, et de le faire adopter par la Commission des lois de l’Assemblée. La partie n’est toutefois pas encore gagnée, et nous restons vigilants. C’est sur l’évolution de cet amendement que nous testerons, sans appel possible, le Ministère de la Justice.
En regard de ce que sont la santé et l’accès aux soins en détention, inégaux à ceux susceptibles d’être reçus à l’extérieur malgré les intentions de la loi de janvier 1998 – quand ils ne sont pas tout simplement absents ou refusés – il faut donc se battre pour une application effective et égalitaire de la suspension de peine pour raisons médicales, et pour une application pleine et entière d’une qualité et d’une continuité de soins équivalents à ceux offerts à l’extérieur. Mais, au-delà, et parce que le régime de la détention est radicalement rétif à la priorité des impératifs sanitaires, c’est bien l’inincarcérabilité des personnes atteintes de pathologies graves qu’il faut défendre.
Amélioration et protection publique et effective des droits des minorités
Le gouvernement Raffarin a décidé d’attaquer de toute part les droits des minorités, en les désignant comme cibles et comme responsables tour à tour de l’insécurité, de toutes les fraudes, de dépenses excessives, etc., notamment en manipulant par des chiffres fantasmatiques. Or, cela n’a comme première conséquence qu’une entrave au droit à la santé (accès aux soins, au suivi médical, au dépistage, à la prévention, à la protection maladie, etc.) pour toutes les populations concernées, ce qui se solde par le renforcement ou la création de véritables apartheids médicaux et sanitaires.
Les impératifs de santé sont incompatibles avec les politiques répressives.
En ce qui concerne les étrangers, le gouvernement, en particulier François Fillon, a décidé de revenir à la charge sur les restrictions de l’Aide Médicale d’Etat, contrairement aux engagements pris par Dominique Versini au printemps dernier. En voulant rendre payant un dispositif, déjà lacunaire, qui garantissait aux sans-papiers une gratuité des soins, François Fillon ne fait rien d’autre qu’appliquer la préférence nationale au système de santé. Tout est bon : introduction d’un ticket modérateur, paiement du forfait hospitalier, restriction des critères d’ouverture de droits, restriction du panier de soins, etc.., ceci soit par décrets transmis au Conseil d’Etat (pour les mesures déjà votées l’année dernière) ou via le projet de loi de finances rectificative pour 2003. Ces mesures ne feront que renforcer l’inégalité d’accès au système de santé pour les sans-papiers, qui déjà sont contraints à n’entamer des démarches de soins que lorsque leur état de santé est gravement atteint. Elles les condamneront à l’exclusion sanitaire, à la maladie et à la mort.
Le gouvernement doit cesser de harceler les sans-papiers et de remettre en cause l’Aide Médicale d’Etat. Les sans-papiers doivent être, tous et toutes, régulariséEs, et intégréEs à la société.
Des revenus décents pour chacun d’entre nous
La santé (prévention, dépistage et accès aux soins) ne peut pas être une priorité quand votre vie est frappée par la précarité. L’épidémie de sida fait son lit sur la pauvreté. Lutter contre le sida, c’est aussi lutter pour que tous aient accès à des revenus décents.
– La baisse de l’impôt sur le revenu a augmenté le niveau de vie des foyers les plus riches. Elle s’accompagne de la hausse d’autres impôts (locaux par exemple) et de taxes qui frappent durement les plus pauvres alors même que leurs revenus est au plus bas. C’est le cas de tous les bénéficiaires de minima sociaux, telle l’Allocation Adulte Handicapé. Son montant, comme celui du RMI, est revalorisé régulièrement en fonction de l’indice des prix ; mais il n’a jamais été augmenté pour accroître le niveau de vie des plus précaires.
Les minima sociaux, notamment l’AAH, doivent être radicalement augmentés.
– La réforme du RMI en RMA indique clairement que le gouvernement s’oppose à toute forme de revenus qui ne soient pas directement liés à un travail. Ces dispositions sont extrêmement inquiétantes pour tous les précaires. Parmi eux, les personnes vivant avec le VIH et qui bénéficient de l’AAH peuvent douter de la pérennité de leurs ressources. Depuis plusieurs années, les administrations font tout pour leur couper cette prestation, prétextant qu’avec les trithérapies, les personnes séropositives seraient capables de travailler.
L’accès des personnes vivant avec le VIH à une prestation déconnectée du travail doit être défendu.
– Chacun doit pouvoir prétendre à un revenu décent. Les minima sociaux doivent être accessibles pleinement aux détenus et aux personnes hospitalisées. Les étrangers sans-papiers doivent aussi pouvoir y prétendre.
Documents joints