Ce 1er décembre est pour Act Up-Paris l’occasion de faire le point sur les personnes et les structures qui sont en priorité dans notre ligne de mire. Target.
Target Jacques Chirac
Jacques Chirac a annoncé au sommet du G8 en juin à Evian, puis à la clôture de la conférence de l’IAS->mot1148] en juillet, et encore à la session spéciale de l’ONU sur le sida en septembre, que la contribution de la France au Fonds mondial serait triplée l’année prochaine et atteindrait 150 millions d’euros. Pourtant, le projet de loi de finances pour 2004 ne prévoit que 50 millions d’euros. Immédiatement, Aides et Act Up-Paris ont envoyé une lettre commune pour rappeler au Président de la République sa promesse. Nous attendons toujours la réponse. Alors que la contribution de 150 millions d’euros annoncée par Jacques Chirac était déjà largement insuffisante pour répondre à l’ampleur de la pandémie, aujourd’hui, nous sommes encore obligéEs de nous battre pour que cette somme soit effectivement versée. Comment Jacques Chirac va-t-il expliquer à ses partenaires du Sud et du Nord son désengagement dans la lutte contre le sida et justifier qu’à Evian, il ne s’agissait que d’un énième effet d’annonce ?
Target les parlementaires
Depuis la rentrée, notre travail vis-à-vis de l’Assemblée nationale a concerné principalement deux dossiers :
– La loi Huriet : depuis le milieu du mois de septembre, nous nous sommes efforcés de sensibiliser des députéEs aux questions d’amélioration des droits et de la protection des personnes et de transparence de la recherche ceci par voie téléphonique et par mail, essentiellement, au travers d’un argumentaire élaboré par le groupe inter-associatif Traitements et Recherche Thérapeutique (TRT-5). Pour soutenir et parfaire ce travail, des membres du TRT-5 et d’Act Up-Paris ont rencontré certainEs députéEs. Nous en avons sollicité certainEs afin qu’ils déposent et défendent les [9 propositions d’amendements rédigés par le TRT-5. C’est finalement Martine Billard (Verts) qui a déposé l’ensemble des amendements rédigés par le TRT-5, ainsi qu’un amendement proposé par Act Up seul. Quatre de ces amendements ont été votés. Il est à noter d’ailleurs que les parlementaires socialistes se sont totalement désintéresséEs de nos préoccupations.
– L’Aide Médicale d’État (AME) : sur ce dossier en cours, nous avons produit un argumentaire axé sur l’accès aux soins, envoyé à la mi-octobre aux députéEs et sénateurRICEs. De son côté, Médecins du monde a établi une analyse déconstruisant les chiffres des dépenses liées à l’AME annoncés par le ministère des finances, qui a servi de base à une lettre ouverte de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), elle aussi envoyée aux parlementaires. Les députéEs de droite soutiennent les positions de François Fillon ou se retranchent derrière la cohésion de groupe pour justifier leur absence de réaction. Nous attendons cependant les réactions d’Etienne Pinte et Jean-Michel Dubernard (UMP), avec qui nous avions déjà été en contact sur la question de l’accès au titre de séjour pour soins. Hélène Mignon (PS), Maxime Gremetz (PC) et Martine Billard (Verts) sont intervenuEs contre le projet de loi. Nous continuons bien sûr à intervenir auprès des parlementaires et à les presser pour que l’AME soit préservée.
Target le gouvernement
L’heure n’est plus au dialogue, mais à l’action publique et à la confrontation. François Fillon, Jean-François Mattéi et Dominique Versini cumulent incompétence et mauvaise foi, mensonges et manipulation pour mettre à bas la protection sociale des étrangerEs sans-papiers [lire tous nos articles relatifs à l’Aide médicale d’État ]]. En février dernier, Dominique Versini, secrétaire d’Etat à l’exclusion, avait promis aux associations que le gouvernement n’appliquerait pas les lois restrictives votées au Sénat en décembre 2002. Début octobre, l’argumentaire du projet de loi de finances pour 2004 du Ministère des Affaires sociales fait explicitement mention de ces mêmes articles de loi. Le gouvernement entend donc, malgré ses promesses, les appliquer et faire payer un ticket modérateur et le forfait hospitalier aux sans-papiers. Pour justifier cette mesure lamentable, François Fillon explique que le surcoût de l’Aide médicale d’État (AME) serait dû à l’augmentation du nombre de demandeurSEs d’asile. Or, ces personnes ont droit à la Couverture maladie universelle (CMU)… Elles n’ont donc rien à voir avec l’AME.
François Fillon manipule les chiffres pour faire passer les sans-papiers pour des fraudeurSEs. Au cours de l’année, deux rendez-vous avec des conseillerEs techniques du ministère des Affaires sociales, obtenus après des zaps, nous ont convaincus de l’inutilité de tout dialogue. François Fillon se moque éperdument de la vie des personnes que la «réforme» de l’AME va précariser. Seule la confrontation publique et la médiatisation du racisme de sa politique pourront l’amener à changer de position. Jean-François Mattéi, quant à lui, est ministre de la Santé des FrançaisES, pas des étrangerEs irrégulierEs. Il ignorait tout du projet des réformes du 12 bis 11° (qui régule l’accès à un titre pour soins). C’est nous qui en avons informé son cabinet en juillet. Depuis, Jean-François Mattéi n’a strictement rien fait. Le 13 novembre, nous [harcelions par fax et par téléphone le cabinet et exigions un rendez-vous avec le ministre de la Santé pour qu’il défende enfin les étrangerEs sans-papiers atteintEs de pathologies graves. Au moment où nous bouclons de ce numéro d’Action, nous attendons toujours la réponse de sa conseillère technique, Anne-Claude Crémieux.
Target deux administrations, l’INPES et la DGS
Après trois ans de réflexion (!), l’Institut national pour la prévention et l’éducation à la santé (INPES) et la Direction générale de la santé (DGS) s’apprêtent à sortir une campagne de promotion du fémidom. L’idée est de diffuser 100 000 fémidoms au prix de 1 euro pièce dans les pharmacies partenaires. Celles-ci sont censées afficher un petit poster blanc et rose, car c’est la couleur des femmes, bien sûr. L’affiche présente uniquement du texte (pas de visuel graphique, pas de photo de préservatif ou de femme) avec ce merveilleux slogan écrit en gros, en italiques et scandé par des tirets comme suit : «Plouf-Plouf ce-se-ra-toi-qui-met-tras-ton-pré-ser-va-tif !».
La prévention conçue comme une corvée dont on se dégage par tirage au sort, il fallait y penser, l’INPES et la DGS l’ont fait. Les administrations assument parfaitement le sexisme du support et estiment le message «ludique». À quand : «Pif-Paf-C’est-toi-qui-auras-le-sida ?». Même en fermant les yeux sur le contenu du message, on peut avoir des doutes légitimes sur son impact. Les affichettes sont minuscules et seules des pharmacies volontaires participeront à l’opération. Or, on sait parfaitement qu’une grande majorité de pharmacienNEs refusent de vendre des fémidoms, car ils/ELLES estiment faire trop peu de marge sur ce produit et parce qu’ils/ELLES rechignent à en faire la démonstration d’utilisation. L’INPES et la DGS ont donc, une fois de plus, manqué l’occasion d’assurer une réelle visibilité à cette alternative fiable à la capote. Nous avons travaillé en amont du lancement de la campagne (le 20 novembre) pour imposer notre point de vue sur cette opération et veiller à une meilleure disponibilité du fémidom. Mais ces deux administrations ont déjà bien du mal avec les outils de prévention plus classiques. Gel et préservatifs sont indisponibles depuis le printemps dernier, et chaque association doit réellement se battre pour en obtenir. La DGS et l’INPES se renvoient systématiquement la responsabilité des ruptures de stock. En attendant, les associations ne peuvent plus assurer leur mission de prévention, et doivent se lancer dans des partenariats avec des groupes privés, extrêmement contraignants.
Target les médias
Le travail sur les médias est indispensable pour un groupe comme Act Up-Paris. Dans la mesure où nous entendons poser notre point de vue de malades dans des débats ou des discussions dont nous sommes excluEs, le relais, via la télé, la presse, la radio, etc., de nos actions et de notre discours est une nécessité. Nous assurons ce travail en invitant la presse à nos zaps : le compte-rendu de nos actions permet de faire passer un message extrêmement simple sur les problèmes que nous rencontrons.
Mais nous tâchons aussi, plus en profondeur, d’assurer un travail de vulgarisation sur des sujets dont la technicité peut rebuter les médias. C’est ce que nous avons fait sur le dossier des génériques. En 1999, avec Médecins sans frontières nous étions pour ainsi dire les seulEs à expliquer, dossier de presse après dossier de presse, la complexité des accords TRIPS sur la propriété intellectuelle. Ce fut un travail long, dont les effets ont commencé à se faire sentir très tard. Mais on peut dire que si la question des génériques émerge aujourd’hui dans les médias, c’est en grande partie grâce à ce travail de longue haleine. Pourtant, le fonctionnement même des médias pose problème.
Les journaux privilégient souvent le sensationnalisme, notamment à l’annonce d’avancées de la recherche. On se souvient ainsi que, l’hiver dernier, lors de la présentation par l’ANRS de résultats intéressants sur les vaccins thérapeutiques ou immunogènes (stimulant le système immunitaire des personnes séropositives), le Parisien avait fait un compte-rendu extrêmement racoleur, laissant entendre que des vaccins préventifs, et même «curatifs», seraient très bientôt disponibles. L’impact sur le grand public avait été considérable et l’ensemble des associations avaient été littéralement submergées d’appels de personnes cherchant des précisions. Entre les coups médiatiques des chercheurSEs, qui ont besoin de reconnaissance pour obtenir des financements, et l’absence de scrupules de certainEs journalistes avides de scoops pseudos-scientifiques, la place est restreinte pour une information de qualité.
De nombreuxSES journalistes, notamment télé ou radio, cherchent avant tout des témoignages individuels de situations difficiles, afin de les présenter dans une perspective essentiellement misérabiliste. L’idée que des malades puissent se réunir, débattre et combattre ensemble leur est totalement étrangère. La parole collective est une notion qu’ils/ELLES ne comprennent pas. Si nous assumons pleinement une parole à la première personne, nous refusons cependant d’être présentéEs sans volonté, sans combativité — tout simplement car cela épargne aux médias de parler des responsabilités politiques qui conduisent aux situations dans lesquelles nous nous trouvons.
C’est enfin l’indifférence des médias vis-à-vis du sida qui remet le plus en cause notre travail. L’année dernière, pour le 1er décembre, seule Arte s’est fendue d’une soirée d’information spéciale. Les autres chaînes, se sont contentées de sujets trop rapides dans les JT. Avec 10 000 morts par jour, le sida devrait pourtant être un peu plus au cœur des préoccupations des journalistes.
Conformément au principes haktiviste «don’t hate the media, become the media», nous avons mis en place des outils pour qu’Act Up soit le propre relais de son information. Le site www.actupparis.org transmet en temps réel l’information sur nos actions et nos publications. Il est de plus en plus fréquenté, notamment par les journalistes.