L’IL-2 est une protéine essentielle au développement des CD4, cellules produites en permanence par l’organisme afin de lutter contre les infections. Par conséquent, en l’associant à un traitement antirétroviral elle pourrait à la fois augmenter le nombre et l’efficacité des CD4 que nous produisons.
intro
Les premiers essais cliniques portant sur l’IL-2 se sont attachés à montrer l’intérêt de cette molécule ainsi que sa plus ou moins bonne tolérance par l’organisme. Des essais plus récents visent à en rechercher les doses et les meilleures façons de la prendre. Les premiers essais cliniques ont inclu plus de 1000 personnes (avec une charge virale souvent contrôlée et plus de 350 CD4/mm3). Les résultats montrent que prise par voie sous cutanée par cycle de 5 jours toutes les 6 ou 8 semaines, l’IL-2 a pour effet d’augmenter le nombre de CD4, au-delà de ce qui est obtenu avec un traitement antirétroviral seul.
D’autres essais ayant inclus des personnes avec un taux de CD4 inférieur à 250/mm3 mais associé à une charge virale peu élevée, ont fait apparaître également un bénéfice sur la remontée du taux de CD4.
effets indésirables
Les effets indésirables de l’IL-2 sont connus, leur liste est longue. Malgré une prise en charge individuelle nécessaire, ils ont un impact non négligeable sur la qualité de vie des personnes. Il est difficile de faire un bilan bénéfice/qualité de vie, bien que les effets de l’IL-2 s’estompent au bout de quelques jours après la fin de chaque cure. Enfin, on a constaté la survenue ou la résurgence de maladies opportunistes au moment de la remontée des CD4. Une surveillance attentive s’impose donc.
récapitulatif
Le tout premier essai concernant l’IL-2 mené par l’ANRS (ANRS 048) s’est terminé en avril 2002. Il avait inclu une centaine de personnes et comparait un traitement par AZT et IL-2 conventionnelle ou pégylée* à un traitement par AZT seul. Les participantEs à l’essai avaient des CD4 compris entre 250 et 500/mm3. Ensuite est venu l’essai ANRS 079 (lire Protocoles n°2) du même investigateur, Yves Lévy, qui comparait une trithérapie, associée à de l’IL-2 sous-cutanée à cette même trithérapie seule. Les 120 participantEs avaient le même état immunitaire (CD4 compris entre 250 et 500/mm3). L’essai s’est terminé en janvier 2003.
Une étude pilote (Ilstim ANRS 082, lire Protocoles n°3) avec de l’IL-2 sous-cutanée, concernait cette fois-ci des personnes ayant des CD4 compris entre 25 et 200/mm3, donc avec un état immunitaire beaucoup plus précaire que dans les essais précédents. Il y a eu 70 personnes incluses. L’essai, commencé en 1997, s’est terminé en juin 2000. Il s’agissait de vérifier si, à un stade avancé de la maladie, il était possible de restaurer partiellement la fonctionnalité des CD4, et d’augmenter le nombre de cellules mémoires suivies et de cellules naïves. C’est, grâce à ces résultats, qu’il a été possible d’ouvrir en France une Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) pour des personnes traitées ayant une charge virale contrôlée, mais avec des CD4 inférieurs à 200/mm3 (condition qui permet l’apparition d’infections opportunistes). Au total environ 300 personnes ont participé à ces essais.
Une fois l’administration des cures d’IL-2 terminée, en raison des modalités propres à chaque essai et de la qualité des réponses obtenues, un suivi plus ou moins long était prévu, avec un certain nombre de cures supplémentaires à intervales variables.
On constate, au fil du temps, que la restauration immunitaire est possible, lorsque le traitement antirétroviral est assez puissant, mais que les participantEs ne récupèrent pas la totalité des fonctions lymphocytaires CD4, en particulier la réponse spécifique anti-VIH.
Ces trois essais cités relèvent de l’immunothérapie non-spécifique, c’est-à-dire d’un traitement dirigé sur le système immunitaire.
pour le futur
Il restait alors à explorer les capacités à contrôler la maladie à plus long terme par la vaccination thérapeutique spécifique. Une vaccination devient spécifique à partir de l’instant où elle s’adresse au virus en cause, c’est à dire qu’ici, l’IL-2 est associée à une partie du virus, qui sert d’antigène->mot435] déclenchant la réaction immunitaire. Plusieurs essais utilisent ce mode de vaccination ([Vaccil-2 (ANRS 093) terminé en 2003, Primovac (ANRS 095) Alvac et lipopeptides, lire Protocoles n°13). D’autres stratégies existent aussi, notamment, les interruptions transitoires (intermittentes).
Deux grands essais internationaux doivent apporter des éclaircissements sur cette question. Chacun d’eux fait appel à deux types de personnes ayant un état immunitaire très différent et se fait sur une période de suivi très prolongée.
– Silcaat (ANRS 122) (lire Protocoles n°10) essai repris par l’ANRS à partir de 2003, suite à la défection de la firme Chiron . Cet essai s’adresse à des personnes ayant des CD4 compris entre 50 et 300/mm3 et une charge virale inférieure à 10 000 copies/ml. 110 participantEs seront incluEs en France sur les 2 000 prévuEs au niveau mondial. Le suivi est de 6 à 7 ans.
– Esprit (ANRS 101) (lire Protocoles n°16). Cet essai s’adresse à des personnes ayant plus de 300 CD4. 182 personnes sur les 200 prévues ont été inclues en France. Le suivi est de 4 à 6 ans. Il s’agit ici de vérifier le bénéfice, sur l’évolution de la maladie au long terme, de l’IL-2 associée à un traitement antirétroviral, en comparaison à un traitement antirétroviral seul.
Au total, moins de 1 000 personnes, en France, auront été et seront concernées par ces essais, terminés depuis peu ou en cours. Les doses d’IL-2 sous-cutanée pratiquées varient parfois (de 4,5 MUI* 2 fois/jour ou bien 6 MUI 2 fois/jour ou bien encore 7,5 MUI 2 fois/jour), et ce, par cures de 5 jours toutes les 8 semaines le plus souvent. Dans d’autres essais, la dose choisie sera de 1,2 MUI/j pendant 6 mois.
aujourd’hui
D’autres essais sont en cours ou vont débuter :
– Iliade (ANRS 118) (lire le Protocoles n°28), stratégie d’interruption du traitement antirétroviral avec de l’IL-2 sous-cutanée, pour 140 personnes ayant plus de 500 CD4/mm3.
– Interstart (ANRS 119) (lire le Protocoles n°31), maintien du taux de CD4 au-dessus de 300/mm3 avec de l’IL-2 sous-cutanée, sans traitement antirétroviral pour 130 participantEs.
– Etoile (ANRS 123) (lire le prochain numéro de Protocoles), pour 98 personnes en situation d’échec thérapeutique, après un génotype un traitement optimisé sera proposé (choix de molécules nouvelles) auquel s’ajoutera de l’IL-2. Cet essai n’a pas encore commencé à inclure.
que conlure ?
On peut constater qu’un nombre important de personnes ont reçu des traitements comprenant de l’IL-2, avec des résultats parfois très positifs. En effet, plus le taux de CD4 est élevé au départ, plus la réponse est forte. Dans d’autres situations, ces résultats peuvent être moins bons et surtout d’une durée plus courte. Se pose la question du devenir de toutes ces personnes. Malgré des suivis prolongés prévus en fin d’essai, que sont-elles devenues ensuite ? Ont-elles bénéficié d’un renouvellement du traitement, avec des cures espacées dans le temps ? Ou bien sont-elles perdues de vue ?
L’ANRS a mis en place, à plusieurs reprises, des cohortes permettant de connaître l’évolution et le devenir de personnes ayant toutes des points en commun. C’est le cas notamment du suivi des personnes mises sous inhibiteurs de protéase au fur et à mesure de leur mise à disposition, avec Aproco (lire Protocoles n°2), particulièrement riche en informations, puis Aprovir, Aprochart (lire Protocoles n°13), puis Copilote. D’autres approches sont possibles, ainsi l’essai Ribavic ANRS HC 02 qui, depuis fin 2003, est prolongé par une cohorte constituée par certainEs participantEs incluEs dans l’étude. Ne serait-il pas possible et utile d’imaginer le regroupement de personnes ayant eu un traitement comprenant de l’IL-2, sorties des essais depuis des intervalles de temps variable ?
Beaucoup de réponses sont à venir dans ce domaine, mais n’oublions pas que l’Interleukine est un médicament cher, que de plus en plus l’industrie rechigne à participer à cette recherche. Les essais à venir seront rares et difficiles à réaliser. Le dernier en date, Etoile, en est un bon (ou mauvais) exemple, car on ne sait toujours pas à ce jour, s’il aura lieu, l’ANRS ne pouvant acheter ce produit très cher.