Aujourd’hui une vingtaine de militantEs d’Act Up-Paris ont investi le siège social du laboratoire Roche sur l’île de la Jatte pour dénoncer l’abandon du développement d’une molécule, le T 1249, et plus généralement la politique de développement des nouvelles molécules anti VIH/sida menée par la firme pharmaceutique. Cet abandon, compte tenu de la multiplication des résistances aux traitements et de l’absence de nouvelle perspective thérapeutique, signe l’arrêt de mort de nombreuxSES malades.
«Nous souhaitons vous annoncer que suite à des problèmes de formulation le développement clinique du T 1249 est arrêté» déclarait mardi 6 janvier dans un mail adressé aux associations de malades Estelle Shabelman du laboratoire Roche. Le T 1249, après le T 20 (Fuzéon), devait être le deuxième produit d’une nouvelle classe de molécule, les inhibiteurs d?entrée. Développés par le laboratoire américain Trimeris sous la houlette marketing et commerciale de Roche, ces nouveaux médicaments qui bloquent l’entrée du virus dans les cellules avant même que celles-ci ne soient infectées permettent d’envisager un contrôle plus efficace de l’infection. Ils offrent ainsi une nouvelle chance de survie pour les malades en échec thérapeutique majeur (c’est-à-dire les malades pour lesquelLEs aucun des traitements disponibles sur le marché n’est plus efficace). Ceux-ci représentent 5 à 10 % des malades du SIDA en 2003 en France (selon le DMI 2, la base de donnée qui regroupe la moitié des 120.000 séropositifs suivis à l’hôpital). Dans ce contexte, la poursuite du développement du T 1249 est donc vitale pour les malades. Le T 1249 comme le T 20 sont des polypeptides composés de dizaine d’acides aminés qui ne peuvent être administrés par voie orale contrairement à l’ensemble des autres antirétroviraux VIH/sida. Aujourd’hui le T 20 (Fuzéon) se présente sous forme injectable (2 injections par jour), son utilisation engendre principalement un effet indésirable : l’apparition de nodules au niveau des zones d’injection qui se résorbent lentement et peuvent persister pendant un mois. Certaines personnes se retrouvent ainsi couvertes de dizaines de points d’impact. Cet inconvénient, qui entraîne la réticence des médecins à le prescrire plus largement, explique en partie (avec le coût du produit : 20 000 euros/an) l’échec commercial du Fuzéon. Roche prévoyait des ventes pouvant atteindre 400 millions de dollars par an mais les ventes américaines de Fuzéon n’ont pas dépassé 11 millions de dollars pour les trois premiers trimestres 2003. Pour garantir un succès commercial plus important au T 1249, le Laboratoire Roche a souhaité disposer d’une formulation qui nécessite moins d’injections (2 fois par semaine par exemple). Les problèmes rencontrés par Trimeris dans la mise au point d’une nouvelle présentation du produit expliqueraient la décision d?arrêt de son développement par Roche. La décision du laboratoire Roche est scandaleuse pour au moins trois raisons : – elle n’est d’évidence motivée que par le chiffre d’affaires jugé insuffisant du T 20 (Fuzéon). – elle a été prise suite aux difficultés de développement de formulation alors que le T 1249 pourrait être prescrit sous la forme employée dans les essais cliniques (qui avaient déjà atteint la phase II) aux malades qui en ont un besoin vital, particulièrement ceux qui sont aujourd’hui résistantEs au T 20. – l’absence de nouvelles perspectives thérapeutiques (mise en évidence à la CROI de San Francisco) rend indispensable le développement de tout nouveau produit. Encore une fois, cet abandon témoigne de la désinvolture des industriels du médicament face à l’un des aspects les plus cruciaux de la lutte contre le VIH : l’augmentation de la résistance du virus aux médicaments antirétroviraux chez de plus en plus de malades qui, de ce fait, sont en détresse. A l’heure où la lutte contre le sida a besoin de produits nouveaux et performants pour affronter l’échec thérapeutique, l?usage de la seule logique commerciale dans la recherche pharmaceutique est criminel. Act Up-Paris exige : – La reprise du développement du T 1249 et du T 20 pour accéder à des formulations plus simples à utiliser et moins lourdes en termes d’effets indésirables – Que les malades incluEs dans les essais cliniques puissent continuer d’utiliser cette molécule au terme de ces essais si toutefois Roche persistait dans sa stratégie d’abandon – Que le T 1249 soit accessible aux malades pour lesquelLEs il n’existe plus d’autre option thérapeutique dans le cadre de l’accès compassionnel.