Le 25 mars 2004 s’est tenue à l’Agence Nationale de Recherche sur le Sida (ANRS) une présentation ayant pour objectif d’informer le comité de pilotage, et notamment les associations de lutte contre le sida des premiers résultats de l’enquête VESPA (VIH : Enquête Sur des Personnes Atteintes).
vespa qu’est ce que c’est ?
L’objectif de cette étude est de rendre compte des conditions de vie et de la situation sociale des personnes vivant avec le VIH au début des années 2000. L’avènement des traitements, en réduisant et retardant les manifestations pathologiques de l’infection, a permis d’accroître l’espérance de vie de façon considérable. Par conséquent, il était plus que temps de s’interroger sur les personnes touchées et sur l’impact du VIH non plus uniquement en terme de santé mais aussi en terme de qualité de vie, d’insertion sociale, de vie affective. Les objectifs de l’enquête VESPA sont triples.
D’abord, décrire la situation sociale des personnes atteintes dans toute leur diversité, car la population concernée est hétérogène. Elle regroupe des hommes et des femmes de différentes classes d’âge, de différents groupes de transmission (homosexuelLEs, toxicomanes, hétérosexuelLEs) et d’origines différentes (immigréEs, régions françaises).
Ensuite, décrire et comprendre les liens entre les différentes sphères de vie, en étudiant le retentissement de la maladie et du traitement sur l’activité professionnelle, les revenus et les conditions de vie mais aussi la vie affective, sexuelle (en particulier les conduites à « risque ») et familiale, la parentalité.
Enfin, faire la description et l’analyse de la manière dont la maladie et la situation sociale inter-agissent l’une sur l’autre au cours du temps.
comment s’est déroulée l’enquête ?
L’enquête s’est déroulée en France métropolitaine et en Antilles Guyane. Les participantEs étaient suiviEs en consultations externes ou en hôpital de jour et devaient connaître le diagnostic de séropositivité depuis plus de 6 mois. L’enquête incluait également les étrangers, en Antilles Guyane, et en métropole seuls ceux résidant en France depuis plus de 6 mois. VESPA s’est déroulée dans 111 services hospitaliers, dont 9 en Antilles et Guyane. Pour que l’enquête soit la plus représentative possible, les participantEs étaient désignéEs par tirage au sort lors de leur passage en consultation médicale.
Les informations recueillies comporte un registre anonyme âge, sexe, groupe de transmission, situation au regard du travail, charge virale, taux de CD4 ; un questionnaire administré en face à face (en langue française en métropole, et en langue française,Créole et langues des noirs-marron dans les DFA) ; un questionnaire médical ; un questionnaire auto-administré (pour la France métropolitaine seulement en raison d’un problème d’illettrisme dans les DFA). Les données d’Antilles-Guyane recueillies au dernier trimestre 2003 ne sont pas encore analysées.
quelques chiffres
En métropole, le nombre de personnes susceptibles de participer à l’enquête était de 7 910, dont 5 107 ont été tirés au sort, et 2 959 personnes (soit 62%) ont contribué finalement à l’étude. En Antilles-Guyane, le nombre de personnes éligibles était de 1 570 ; 636 ont été tirées au sort et 405 personnes ont répondu, soit un taux de participation de 64%. Il est à noter que les biais du tirage au sort tendent à une sous-représentation de plusieurs groupes de personnes : les femmes, les personnes contaminées par transfusion, les personnes ayant entre 350-500 CD4, les personnes actives. En revanche, les personnes entre 30-39 ans et celles ayant moins de 200 CD4 ont été plus souvent tirées au sort. Ces biais ont été pris en compte lors de l’analyse des résultats.
premiers résultats
Les données préliminaires nous ont été exposé le 25 mars derniers, en voici un bref exposé. 70% des hommes et 60% des femmes ont été diagnostiqués séropositifs pour le VIH entre 1980 et 1996. Les femmes sont en moyenne diagnostiquées plus jeunes (29 ans) que les hommes (32 ans). En terme de groupe de transmission chez les hommes, les homo/bisexuels représentent plus de la moitié (56%) des personnes vivant avec le VIH. Viennent ensuite les hétérosexuels (21%) puis les usagers de drogue par voie intraveineuse (UDVI) (17%). Chez les femmes, le premier groupe de transmission est de loin celui des hétérosexuelles avec 77% des personnes contaminées, loin devant celui des UDVI (16%). Concernant l’origine, 79% des hommes contaminés sont nés en France métropolitaine, contre seulement 60% des femmes, les autres femmes étant majoritairement nées en Afrique (22%).
En terme de situation de santé, 24% des hommes et 17 % des femmes vivant avec le VIH sont au stade sida. 22% des hommes et 23% des femmes sont co-infectéEs par le virus de l’hépatite C. 61% des hommes et 59% des femmes ont une charge virale inférieure à 500 copies et un nombre de CD4 supérieur à 200/mml3. Environ 5 % des participantEs sont en situation d’échec thérapeutique (charge virale supérieure à 500 et CD4 inférieurs à 200).
A propos de l’efficacité des traitements et de leurs effets secondaires, près de 70% des participantEs trouvent celui-ci efficace. 30% n’éprouvent pas d’effets secondaires, 30% les trouvent peu gênants, 20% assez gênants et 10% très gênants. Plus de la moitié (56%) des personnes interrogées ont conscience d’une modification de leur silhouette sous l’effet des traitements et 30% ont souvent ou parfois des troubles sexuels liés à la prise des antirétroviraux.
Au moment du dépistage, l’enquête montre que beaucoup de migrants sont sans ressource. Le taux d’activité est plus élevé chez les hommes, en particulier chez les homosexuels, que chez les femmes. En revanche, il est très faible chez les migrants. L’enquête indique une baisse de l’activité professionnelle mais aussi une baisse de la proportion de personnes sans ressources entre le moment du dépistage et 2003. Les Français subissent une baisse d’activité importante, alors que les migrants sont le seul groupe à voir leur taux d’activité s’améliorer. En 2003, l’invalidité la plus forte est rencontrée chez les femmes françaises.
Concernant les conditions de vie, VESPA nous apprend que les femmes sont nombreuses (40%) à éprouver des difficultés financières contre seulement 34% des hommes hétérosexuels et 17% des hommes homosexuels. Pour des raisons économiques, il apparaît qu’une personne sur cinq ne peut manger de viande ou de poisson qu’une fois tous les deux jours : cette situation est plus fréquente chez les femmes (28%) que chez les hommes hétérosexuels (24%) et que chez les hommes homosexuels (12%). Dans le même ordre d’idées, l’enquête montre que les conditions de logement (superficie, chauffage, humidité, bruit, éloignement) sont plus insatisfaisantes chez les femmes (24%) que chez les hommes hétérosexuels (18%) et que chez les hommes homosexuels (8%). En outre ces difficultés sont plus marquées chez les malades plus récents.
Enfin, en terme de vie sexuelle, les homosexuels masculins sont les personnes qui déclarent avoir le plus d’activité sexuelle (84%) devant les hétérosexuels masculins (77%) et les femmes (71%). 40% des personnes interrogées jugent leur vie sexuelle satisfaisante contre 36% qui n’en sont pas ou peu satisfaitEs, et que 22% en sont totalement insatisfaites. En cas d’absence d’activité sexuelle, les raisons invoquées sont la peur de contaminer (60%), l’absence d’envie (60%), la peur du rejet (40%), une situation de santé trop dégradée (25%), le refus d’utiliser le préservatif (23%), des problèmes sexuels (18%). Alors que la peur de contaminer se retrouve dans tous les groupes, le manque d’envie et la peur du rejet sont des arguments plus fréquemment avancés par les femmes, le rejet du préservatif par les hommes hétérosexuels, les problèmes sexuels par les homosexuels masculins et les hommes français. Enfin, la santé et les problèmes sexuels sont des arguments souvent repris par les malades anciens (lire brèves p.25).
premières observations
L’ensemble de ces résultats, permet aux auteurs de l’enquête VESPA de décrire quatre grandes tendances dans la population des personnes vivant avec le VIH et résidant en France métropolitaine. Il apparaît d’abord que les personnes plus récemment infectées sont dans une situation sociale plus défavorable au moment du diagnostic. Dans tous les domaines les femmes présentent de moins bonnes conditions de vie. De plus pour beaucoup de migrantes, il semble que le diagnostic de séropositivité au VIH parvient dans un temps relativement court après l’arrivée en France et coïncide avec une période de grande vulnérabilité sociale. C’est pourquoi on observe ensuite une légère amélioration d’une situation qui reste cependant très précaire. Enfin, chez les autres personnes vivant avec le VIH, l’installation durable de la maladie se traduit par une détérioration de la qualité et des conditions de vie.
à venir
Reste encore tout un programme de travail une fois les données vérifiées et stabilisées, afin de constituer une banque de données originale sur les personnes vivant avec le VIH en France métropolitaine et dans les Antilles Guyane. Ces résultats bruts doivent faire l’objet d’analyses permettant de mettre à jour les mécanismes qui conduisent aux situations sociales décrites. De nombreux domaines doivent encore être explorés : le rapport à l’emploi après l’annonce de la séropositivité, les facteurs influençant la naissance et les IVG après le diagnostic, les facteurs associés à la qualité de vie, la sexualité et les déterminants des comportements sexuels à risques dans les différents groupes de personnes.
Il est par ailleurs essentiel que ces résultats et l’exploitation qui en sera faite donne aux pouvoirs publics la mesure pleine et entière de la situation véritable des personnes vivant avec le VIH, afin que tout soit mis en œuvre pour améliorer les conditions de vie de personnes qui, une fois contaminées, s’installent durablement dans la maladie.
Les auteurs de VESPA nous ont promis de réaliser une « information brève sous forme d’un document de quatre pages pour les services, à mettre à disposition des participantEs et des professionnelLEs de santé ». Ce document qui devait être publié début mai se fait attendre. Dans un courrier du 14 mai, l’un des auteurs de l’enquête nous a promis sa diffusion « dans les prochaines semaines ». Nous l’attendons donc avec impatience !