«Le sida, ça en est où ? Ca monte ou ça descend ?» Philippe Douste-Blazy à Act Up, le 26 05 04.
Juin a commencé avec la sortie des chiffres de la déclaration obligatoire de séropositivité (DOS). Comme nous le répétons depuis des années, ils témoignent d’une explosion de l’épidémie chez les hétérosexuelLEs et d’une reprise chez les pédés. On aimerait tellement ne pas avoir à dire “ nous vous l’avions bien dit ”. L’actualité du mois sera dominée par la question de l’égalité des droits : le premier mariage homo le 5 juin, les marches des fiertés en France lui donneront un écho sans précédent. Mais comment la communauté pourrait-elle être fière de ses combats en matière de mariage, d’adoption, de droit des transgenres, etc. si, dans le même temps, elle continue, encore et toujours, à négliger le sida ? Est-ce qu’Act Up va continuer à combattre seule les discours bareback, qui nous font croire que baiser sans capote, c’est fun, c’est l’ultime transgression contre les tabous, alors même que le VIH ne recule plus chez les pédés ? Qui peut tolérer que des établissements gays s’enrichissent sur le dos de leur clientèle sans leur proposer la prévention et l’hygiène minimum ? Pouvons-nous accepter sans rien faire que des jeunes gays commencent leur vie sexuelle en étant mal informés de la réalité de l’infection, des handicaps que le VIH représente dans la vie quotidienne ? Evidemment, la nullité ou l’absence de prévention, dans les médias grand public comme à l’école, sont en grande partie responsables de cette situation. Mais s’en tenir à cette seule dénonciation reviendrait à dédouaner notre communauté de toute possibilité d’agir. La communauté que nous voulons est combattive, hystérique, festive, intransigeante. Elle a de la mémoire : nous n’oublions pas que l’épidémie a décimé les homosexuels qui n’ont eu d’autre choix que de se mobiliser et d’être exemplaires face au sida. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ? Nous devons combattre pour l’égalité des droits, contre les discriminations homophobes, sexistes et transphobes, mais nous devons aussi, en même temps, lutter contre l’épidémie, la reprise des pratiques à risque et des contaminations. C’est une question de cohérence et de survie. Ce numéro d’Action est entièrement consacré à cette communauté que nous voulons. Lors d’un rendez-vous avec Act Up, Philippe Douste-Blazy nous demandait en substance où en était le sida. Les chiffres de la DOS étaient pourtant disponibles depuis une semaine. Quand on lui explique la situation catastrophique, il se demande ce qu’il peut bien faire. “ Il faudrait envoyer un message fort… ”. On lui propose la date de la Marche des fiertés pour intervenir sur la reprise de l’épidémie chez les gays, il répond qu’il n’y a pas que les homosexuels… Non, effectivement, il y a aussi les femmes, les jeunes, les migrantEs, les détenuEs, les prostituéEs, les usagerEs de drogues, etc. Pour chaque situation, le nouveau Ministre de la santé se dit concerné et prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir. Il affirme par exemple exiger de la part de ses collègues de l’Intérieur ou de la Justice qu’ils rendent prioritaires les impératifs de santé contre les principes sécuritaires ambiants. Mais Philippe Douste-Blazy a tout à nous prouver. Il vient de proposer une réforme de la Sécurité sociale après une négociation tronquée avec les partenaires sociaux et sans avoir pris l’avis des usagerEs du système de soins. Il multiplie les interventions publiques pour annoncer des réformes de contrôle et de restriction d’accès à la santé (consultation à 1 C, contrôle accru sur l’usage de la carte vitale, etc.). Bref, autant d’actes politiques qui contredisent largement la bonne volonté qu’il a manifestée au cours de ce rendez-vous. Le mois de juin sera décisif pour le ministre. C’est à ce moment, et pas après, qu’il pourra nous donner la preuve que ses déclarations sont suivies d’effets. Philippe Douste-Blazy nous a en effet promis d’accélérer l’inscription à la nomenclature, donc le remboursement à 100 %, d’examens ou d’actes aussi importants que la mesure de la masse osseuse, les dosages plasmatiques, les tests génotypiques, le New Fill®, la charge virale de l’hépatite D ou encore le fibrotest©. Nous attendons des résultats concrets au cours de ce mois. De la même manière, il s’est engagé à créer une mission interministérielle sur la santé en prison, revendication de longue date d’Act Up-Paris, ainsi qu’à régler l’absence, depuis un an, de consultation VIH à la prison de Fleury. Là encore, si rien n’a avancé, nous saurons à quoi nous en tenir.