Au cours d’une session intitulée « ART : when and what to start or change » [[Antirétroviraux (ARV) : à quel moment et par quoi faut-il commencer ou changer ?]], une intervention détaillant les résultats d’une recherche réalisée en Afrique du Sud pour déterminer le meilleur moment de la mise sous traitement a attiré notre attention (Intervention MoOrB1080 : Implications of selection criteria for antiretroviral therapy in South Africa, H. Hausler, South Africa / United Kingdom]).
Cette étude détermine des critères de prises en charge qui ne sont pas ceux de l’OMS, et qui suggère une prise en charge au stade 4 ou en dessous de 200 CD4. Le principal reproche que l’on peut faire à ce travail est de ne pas prendre compte d’autres critères, et en particulier celui de la charge virale qui fait partie des recommandations pour une meilleure prise en charge des malades. Le responsable de l’étude argumentait en rappelant les difficultés économiques de la prise en charge sous ARV en Afrique du Sud, parce que, d’une part cet examen est trop coûteux et que d’autre part la prise en compte des nouveaux critères d’accès aux ARV édictés par l’OMS dans le cadre du plan «3 par 5» [[3 millions de personnes sous traitements en 2005]] ferait doubler le nombre de personnes sous traitements, augmentation que l’Afrique du Sud ne peut actuellement financer. Ce sont donc d’anciennes recommandations de l’OMS qui ont été prises en compte. Évidemment, l’argument est imparable. Il manque toujours de l’argent pour les traitements et les outils de diagnostic et de suivi (on a d’ailleurs constaté que les recherches sur des outils à faible coût n’étaient plus si marginales, et l’on s’en réjouit).
Le plus contestable dans cette approche est de ne pas faire la distinction entre la conclusion et la recommandation. Que les recommandations des chercheurs prennent en compte les réalités financières, on peut le comprendre. Mais sur quels résultats nous appuyer pour demander plus d’argent si les essais concluent en fonction des critères économiques existants, et non en fonction de recommandations scientifiques permettant une prise en charge optimale ?
Ces questions se posent également à l’écoute du compte rendu d’un essai en cours [LbOrB09 de la session LB02] incluant 300 femmes enceintes et qui leur propose d’ajouter 4 ou 7 jours de Combivir à la mono-dose de Névirapine qu’elles reçoivent à l’accouchement. Cet essai vise à réduire les résistances à la Névirapine. 7 jours de traitement sont plus intéressants que 4 et un auditeur prendra la parole pour demander l’avis de l’orateur sur un autre essai identique qui vise à démontrer l’efficacité d’une prescription de Combivir pendant 21 jours. La réponse de l’orateur sera identique dans les deux cas : l’intérêt de ces essais n’est pas de savoir si les résistances seront réduites significativement et si cela représente un intérêt médical, mais seulement de valider qu’une prescription de 21 jours de Combivir ne représente pas un coût trop élevé.
Il est évident que notre culture française qui dissocie la prise en charge médicale et son coût ne nous aide pas à être d’accord avec cette analyse. Mais, nous restons persuadés que des essais réalisés dans les pays du Sud (et en particulier en Afrique du Sud) sont indispensables pour obtenir des recommandations optimales. Les chercheurs doivent être consultés sur l’impact des restrictions économiques, mais en aucun cas, ils ne doivent les intégrer dans les contraintes de leurs essais.