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Le 23 août dernier à Marseille, un homme et une femme sont morts des suites d’une embolie pulmonaire vraisemblablement causée par un «cocktail de drogues» alliant (au moins) alcool, ecstasy et cocaïne.

C’est en tout cas ce qui ressort des communications du Parquet de Marseille, très largement reprises par la presse et les médias à la fin du mois d’août. Pourtant, à l’heure où nous écrivons, les analyses toxicologiques, seules données susceptibles d’éclairer le résultat brut de l’autopsie, n’ont toujours pas été rendues publiques et aucune des structures (associations ou centres hospitaliers) que nous avons contactées sur Marseille n’était en possession de plus d’information. De ce fait divers en forme de soufflé trop cuit, la commission Drogues & Usages d’Act Up-Paris voudrait tirer au moins deux enseignements : le premier touche aux carences du dispositif français sur l’analyse des produits, le second à la difficulté de prévenir les accidents dans un contexte de répression accentuée et d’information muselée.

Tous les usagèrEs et observateurs & observatrices peuvent témoigner d’une chose : le fameux «cocktail mortel» décrit par la presse est l’un des plus courants qui soit, notamment dans les milieux festifs. L’association alcool + cocaïne + ecstasy (ACE) est extrêmement répandue, même si l’on sait qu’elle n’est pas sans poser problème (notamment du fait de l’alcool) et qu’elle est par ailleurs assez incohérente du point de vue des effets recherchés (la coke diminue les effets de l’ecstasy et inversement). Néanmoins, le fait que deux personnes meurent de la même manière, à la même heure et au même endroit à cause de cette seule association laisse perplexe. Il est en fait assez vraisemblable que l’un des produits incriminés ait été surdosé (3 % environ des cachets d’ecstasy dépassent les 100 mg de MDMA, la poudre vendue comme cocaïne peut contenir entre 0 % et 100 % de produit actif) ou coupé avec un produit dangereux (c’était une des hypothèses envisagées officiellement) ou bien encore que les deux personnes décédées aient consommé un autre produit (opiacé, kétamine, GHB…) puisqu’elles s’étaient isolées dans une chambre. Dans tous les cas, il est évident que l’analyse toxicologique est donc d’une importance cruciale pour que les acteurs & actrices de prévention puissent délivrer des alertes précises aux usagèrEs. En effet, une information aussi vague que celle délivrée jusqu’à présent ne peut pas toucher les usagèrEs concernéEs. Le fait de dire que l’association ACE est «mortelle» a peu de chance de freiner sensiblement les usages chez des personnes qui en consomment régulièrement, depuis des années, sans avoir connu le moindre problème. En revanche, s’il apparaît que la composition des produits était en cause ou encore que c’est une association avec un produit tiers qui a entraîné la mort, l’information est particulièrement importante à diffuser parce qu’elle peut être entendue.

En France, il existe pourtant plusieurs systèmes de collectes et plusieurs systèmes d’alerte sur les produits en circulation, mais ces systèmes sont à la fois nettement sous-dimensionnés et insuffisamment connectés entre eux. Le principal réseau de collecte associant intervenantEs de la prévention, police, gendarmerie et douane, le réseau SINTES (Système National d’Identification des Toxiques et Substances), en est un exemple. Ce réseau qui a collecté et analysé environ 2 000 échantillons par an depuis sa création en 1999 ne fournit effectivement qu’une infime partie des résultats de ses analyses aux acteurs & actrices de prévention et ce, avec des délais de plusieurs mois puisque la base de données n’est pas accessible directement par les équipes. Celles-ci n’ont accès qu’à des «notes» émises à rythme variable par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). La dernière note, parue le 22 septembre, portait ainsi sur un échantillon de 2C-I (une drogue de synthèse assez rare, excepté dans certains cercles, mais déjà identifiée par le SINTES à plusieurs reprises) ; l’échantillon avait été collecté lors du Teknival de Metz le 1er mai dernier, cinq mois auparavant. Autrement dit, cette base de données, censée prévenir les intoxications, permet de connaître les produits dangereux plusieurs mois après leur collecte, quand une grande partie d’entre eux ont été totalement écoulés. De ce fait, une partie des associations (Techno+, entre autres) se sont retirées du dispositif, car elles n’en voyaient plus le bénéfice. A quand une véritable base de données accessible à touTEs et coordonnée au niveau européen pour délivrer une information fiable en temps réel sur les produits en circulation ?

L’autre aspect préoccupant de la politique de prévention révélée par ce fait divers c’est, bien sûr, encore une fois, son articulation avec une logique répressive résolument dominante. Les quatre personnes présentes dans l’appartement au moment des faits avaient immédiatement prévenu les pompiers, sans chercher à fuir en abandonnant les victimes, contrairement à ce qui s’était passé lors de précédents incidents. Pourtant la première action du Parquet fut de les mettre toutes en examen pour «acquisition, détention, transport et usage de stupéfiants» et de requérir à leur encontre un «contrôle judiciaire ferme» à l’issue d’une garde à vue prolongée (source AFP). Quel grief peut justifier un tel acharnement ? Le fait d’avoir consommé des produits que des centaines de milliers de personnes consomment à l’occasion ? Le fait d’avoir failli être victime d’un empoisonnement ? Le fait de ne pas avoir abandonné deux personnes dans le coma ? Le fait d’avoir alerté les pompiers ? De tels messages émis par l’autorité judiciaire vont à l’encontre de toute responsabilisation des usagèrEs de drogues et sont injustifiables en termes de santé publique.