Nous savons touTEs que les détenuEs malades n’ont rien à faire en détention, Jean-Michel vient de mourir, il était malade du sida et coinfecté par l’hépatite C.
Jean-Michel nous avait contactéEs au printemps 1999 pour un gros problème de prescription médicale. Dans l’urgence, nous avions ameuté toutes les instances, médicales et judiciaires. Le 3 mai 1999 nous faisions un communiqué de presse «mourir pour une douche» où nous dénoncions ses conditions de détention. Jean-Michel s’était ouvert les veines pour que l’Administration pénitentiaire respecte la prescription médicale d’une douche quotidienne et pour que son régime sans graisse ni sel soit, lui aussi, respecté. Nous arriverons après quelques coups de gueule à faire en sorte que Jean-Michel reçoive les soins que les médecins avaient prescrits. Jean-Michel a voulu devenir membre d’Act Up et être considéré comme un militant. Ses témoignages sont précieux, son courage mérite le respect.
Il dénonçait tous les dysfonctionnements, ne laissant rien passer d’un point de vue médical ou pénitentiaire. De notre côté, nous demandions sa libération comme nous le faisons pour toute personne atteinte de pathologie grave. Malgré les nombreuses demandes de grâce médicale, de conditionnelle, rien ne bougera.
Dès 1999, Mme Viallet, alors directrice de l’Administration pénitentiaire était informée de sa situation, ainsi que l’IGAS. Mme Guigou, alors Garde des sceaux, ne jugera pas utile de transmettre sa demande de grâce médicale à l’Elysée. Mme Lebranchu qui lui succède ne fera pas mieux. Avant d’être auditionnée par l’Assemblée nationale pour le rapport «La France face à ses prisons», Act Up donnera la parole aux détenuEs qui le désirent. Jean-Michel nous enverra un témoignage accablant, touTEs les députéEs faisant partie de la commission d’enquête avaient la possibilité de lire ce témoignage, il faut croire qu’ils et elles ne l’ont pas lu.
La situation de Jean-Michel animera toujours notre colère. Nous n’irons pas à un seul rendez-vous sans évoquer la situation des détenuEs malades et son cas en particulier.
En 2001, il devra à nouveau se trancher les veines pour une nouvelle prescription non suivie, là encore personne ne bougera. Le temps passe, Jean-Michel se bat comme il peut. Avec l’aide d’autres associations il recevra un soutien important. Le 4 mars 2002, la loi sur le droit des malades est votée, l’occasion d’un nouvel espoir pour Jean-Michel il témoignera dans la presse (Nouvel Obs). Nouvelle déception : sa demande sera refusée, les Gardes des sceaux se succèdent, l’état des détenuEs malades se détériore. A son arrivée, M. Perben est saisi de son dossier. Jean-Michel entrevoit un espoir de sortie par une conditionnelle médicale, il veut venir travailler à Act Up. Il n’aura pas eu le temps de nous préciser les conditions de son travail à nos côtés, dès sa sortie de prison il séjournera à l’hôpital où il décèdera.
Au delà de notre vive émotion, notre colère ne s’amoindrit pas : dès le début, il nous avait demandé de le considérer comme un militant d’Act Up, ce que nous avons toujours fait, mais nous avons perdu plus qu’un militant. Tout au long de notre expérience avec Jean-Michel, aucunE interlocuteurRICE n’aura de réponse à nous opposer. Quand nous disons que les personnes atteintes de pathologies graves n’ont rien à faire en prison, nous savons ce que nous disons. Le gouvernement actuel a désormais le sang de Jean-Michel sur les mains. Act Up a perdu un de ses militants.
Lettre reçue à Act Up le 21 02 2000.« Monsieur, Suite à votre souhait de recevoir le témoignage de détenus, je vous écris pour vous envoyer le mien. J’essaierai d’être le plus clair possible et vous donnerai aussi mes ressentiments face à ce que je vis. Je suis atteint du SIDA dépisté depuis novembre 87. Egalement d’une hépatite C dépistée en 92 et d’une pancréatite depuis un an. Ces maladies, les traitements, l’alimentation et une mauvaise hygiène de vie due à l’incarcération font que je suis devenu un sujet à risque à un infarctus… PS : dernier détail, après 69 mois en maison d’arrêt, je suis enfin prévu pour la centrale de Poissy que je devrai rejoindre avant l’été. Encore de l’humanité de la part de la “ justice ” : si j’avais été affecté sur un autre CD (centre de détention) j’aurais pu bénéficier de permissions dès mon arrivée, en effet, en CD les permissions sont possibles au tiers de peine. Alors qu’en centrale, il faut qu’il vous reste moins de trois ans à faire pour prétendre aux permissions, je devrai donc attendre encore trois ans avec les remises de peines. Cette affectation est une façon de faire comprendre aux détenus qu’il faut subir et se taire, même si vous avez le droit pour vous. Ils s’arrangent pour vous faire payer le fait de vous rebeller, mais alors elle est où la solution pour nous ?» |