L’enthousiasme qu’a suscité l’arrivée des trithérapies est depuis longtemps retombé. Certes, on meurt moins du sida qu’au début des années 90 – du moins dans les pays où les traitements sont accessibles. Mais la mortalité liée au vih a depuis lors repris sa progression, ses causes ne cessent de se diversifier et notre état de santé de se dégrader.
Une mortalité en hausse
Le système de surveillance la mortalité ne permet pas de donner des chiffres fiables quant à la mortalité liée au vih. On doit donc se contenter d’une enquête mortalité produite en 2000, et qui sera reconduite simplement en 2005, ce qui ne permet aucunement un suivi régulier, donc une alerte des politiques et de l’opinion publique.
Faute d’une surveillance globale, nous regardons autour de nous. Les décès se multiplient. Cet été, trois membres ou proches de l’association sont morts, ce qui ne nous étaient pas arrivé depuis 1996. De nombreux militants ont perdu des connaissances ou des proches. La mort est à nouveau bien présente, beaucoup plus qu’elle ne l’a été ces dernières années.
Des causes de décès de plus en plus diverses
Quand on est séropositif, on peut mourir d’une infection liée au sida, quand les traitements n’ont plus d’effets et que le système immunitaire s’est dégradé. Mais les causes de la mortalité peuvent être tout autres : un cancer non classant sida (dont l’incidence peut être jusqu’à deux fois plus élevé chez les séropositifs [Prise en charge thérapeutique des personnes infectées par le vih, recommandations 2004 du groupe d’experts Delfraissy, page 35. Ce rapport est librement [disponible en format pdf ]]), une ou plusieurs hépatites, des accidents cardio-vasculaires, des infections bactériennes, des suicides, etc. C’est cette variété même des causes de décès qui n’est pas suffisamment étudiée et qui fait que la mortalité liée au vih est aujourd’hui sous-estimée.
Plus inquiétant encore, nous avons récemment perdu des ami-es ou des amant-es dont les indicateurs biologiques étaient bons. Leur charge virale (qui mesure l’activité du vih dans le sang) était indétectable, leur taux de CD4 (qui indique l’état du système immunitaire) était correct. Le virus s’en est pris directement à leur cerveau, via le liquide céphalo-rachidien, entraînant encéphalite, coma et décès. Quel avenir avons-nous si le vih déjoue sans cesse les thérapeutiques dont nous disposons, et si la recherche n’avance pas assez vite pour le contrer ?
Une dégradation générale de notre état de santé
Il faut le réaffirmer sans cesse : les traitements contre le vih ne sont pas anodins. Nous payons au prix fort leur efficacité, qui n’est par ailleurs pas définitive. Quels que soient les progrès effectués depuis des années, les traitements existants ne peuvent être pris une vie entière. Les effets secondaires sont trop lourds : diarrhées, nausées, vomissements, neuropathies (qui entraînent des douleurs insupportables au bout des membres et des terminaisons nerveuses), rash cutanés et autres problèmes dermatologiques, calculs rénaux, troubles du comportement, insomnies, cauchemars, déséquilibres de la répartition des graisses qui déforment les silhouettes et causent des accidents cardio-vasculaires, ostéoporoses qui provoquent des fractures spontanées, etc. Le sida n’est en aucun cas devenu une maladie chronique. À Act Up-paris, l’état de santé de nombre d’entre nous est préoccupant, notamment à cause d’infections pulmonaires ou d’accidents cardio-vasculaires.