Aujourd’hui se termine à Arusha, Tanzanie, la 9ème réunion du Conseil d’Administration du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Cette réunion devait lancer un 5ème cycle de financement et d’appels à projets avec des mois de retard. Les Etats-Unis (préférant subventionner leur programme bilatéral) et la France (préférant ne rien débourser du tout) sont de nouveau parvenus, après un lobbying intense, à repousser un peu plus le financement de programmes de lutte contre les trois pandémies qui tuent 16 000 personnes chaque jour. Si la mobilisation des activistes a pesé dans la décision de ne pas reporter sine die ce 5ème cycle et contraint le Conseil d’Administration a tout de même fixer une date, septembre 2005 soit 10 mois après, la situation n’en reste pas moins dramatique.
Le Fonds mondial a besoin a minima de 3,8 milliards en 2005 pour être capable de reconduire la phase 2 des projets locaux déjà subventionnés et financer de nouveaux projets. Aujourd’hui, moins d’1 milliard de dollars ont été promis. Pour la seule reconduite des projets déjà financés, le Fonds mondial estime à 1,4 milliard de dollars les sommes nécessaires. Autrement dit, nombre de malades qui bénéficient de médicaments ARV via le Fonds mondial depuis deux ans, n’auront bientôt plus de traitements. Quant aux nouveaux projets qui attendaient d’être soumis à ce 5ème cycle, ils vont devoir encore attendre d’être validatés puis financés ; les malades concernés peuvent espérer au mieux avoir leurs traitements début 2007.
Tout en continuant à renier leurs promesses[[Lors de l’Assemblée générale extraordinaire des Nations unies en juin 2001, les Etats membres déclaraient entrer «en guerre» contre le sida et s’engageaient «d’ici à 2005, à atteindre, par étapes successives, un montant annuel de dépenses globales de 7 à 10 milliards de dollars pour la lutte contre l’épidémie». Les pays du G8, lors du sommet de Gênes de 2001, se sont engagés à atteindre un total de 10 milliards de dollars par an pour la lutte contre la pandémie de sida.]], 3 milliards de dollars seulement pour les trois premières années, les pays riches se cachent derrière un système de contribution qu’ils ont eux-mêmes imposé. Il est simple, il repose sur leur bon vouloir sans contrainte de périodicité ni contrainte de contributions par répartition équitable [[Un calcul par pays relatif à leur PNB. Ce système permettrait pourtant de se baser sur des prévisions et donc d’apporter plus de sécurité dans les financements de projets.]]. Et comme le Fonds mondial ne peut financer des projets qu’à hauteur des fonds disponibles, la boucle et bouclée. Aussi est-il possible pour les «bailleurs», et notamment pour la France, de retourner la situation et d’expliquer que faute de contributions pérennes, envisager un 5ème cycle ne serait pas raisonnable : «Il n’y a pas assez d’argent pour lancer de nouveaux projets […]. Il faut faire preuve de prudence, sinon on court le risque de ne pas pouvoir financer des programmes et décevoir les attentes.» déclarait récemment Mireille Guigaz, ambassadrice sida de la France [[«L’élan brisé du Fonds mondial», Libération du 18 novembre 2004.]]. C’est ainsi au prix de centaines de milliers de morts que le gouvernement français entend répondre à la lutte contre l’épidémie.
Act Up-Paris dénonce les effets meurtriers de la gestion purement comptable appliquée par le gouvernement français à la question de la lutte contre le sida dans les pays en développement. A l’heure où George Bush met 15 milliards de dollars sur la table pour promouvoir l’abstinence et les médicaments brevetés des firmes américaines dans les pays ravagés par le sida, Jacques Chirac doit consentir un effort financier au moins équivalent en termes de PNB (soit 500 millions d’euros pour le sida, contre moins de 100 à l’heure actuelle).
Act Up-Paris exige :
– L’accélération du rythme de financement du Fonds mondial (au lieu de son ralentissement) ;
– Le respect par la France et les autres pays européens des engagements pris en 2001 à l’ONU et au G8 de consacrer 10 milliards de dollars par an à la lutte contre la pandémie ;
– Le déblocage immédiat, sous régime d’exception budgétaire, des sommes promises afin de permettre aux pays en développement de résister à l’offensive anti-préservatif et anti-génériques du programme bilatéral de George W. Bush.