Les gens de l’InVS sont peut-être des gens très biens… N’empêche qu’on commence à être ulcéréEs de voir combien le dispositif de déclaration obligatoire de séropositivité tarde à se mettre en place. Prévue dès 1998, ce n’est qu’en mars 2003 que la Déclaration obligatoire de séropositivité (DO VIH/sida) est entrée en application. Après avoir présenté un premier projet qui ne garantissait pas l’anonymat des personnes, l’InVS a tardé à mettre au point son dispositif de veille sanitaire. Après 5 années à l’aveugle sur l’épidémie de sida en France, le moins que l’on puisse dire c’est que la DO éprouve de sérieux retards au démarrage.
Le seul quatrième trimestre 2003 concentre à lui seul près de la moitié des nouvelles notifications (1 700 sur un total de 3 500 fiches pour les déclaration de sida et VIH). En extrapolant le nombre de nouveaux diagnostics de séropositivité parvenus à l’InVS pendant cette période, on arriverait non pas aux 2 293 nouveaux diagnostics d’infection VIH avancés par l’InVS pour 2003, mais à plus de 4 500 contaminations sur l’année. On sait que le rythme des notifications ne cesse d’augmenter et l’InVS semble débordé par l’afflux des fiches de déclaration.
Pour 2004 il semble que l’on puisse déjà s’attendre à presque 6 000 notifications de nouveaux diagnostics de séropositivité (entre 1 600 et 1 800 notifications reçues par trimestre pour les seuls nouveaux diagnostics VIH dont il convient de soustraire environ 17% de doublons). L’InVS nous explique que le dispositif monte en charge et qu’il ne devrait pas se stabiliser avant 2 ans. Il ne sera donc pas possible de connaître l’incidence de l’épidémie avant plusieurs années.
Les résultats du dispositif de déclaration obligatoire de séropositivité montrent déjà que les 4 500 à 5 000 contaminations annuelles ressassées par les épidémiologistes depuis plusieurs années pour mieux s’en convaincre étaient gravement sous-estimées. En outre, il faut bien avoir conscience que la DO ne concerne pas l’ensemble des contaminations qui ont lieu en France aujourd’hui. Naturellement, elle ne concerne que les diagnostics constatés. Or plus de la moitié des personnes chez qui on identifie un sida déclaré ignoraient leur séropositivité, ce qui montre bien à quel point le recours au dépistage reste encore trop peu fréquent en France. Par ailleurs, les Centres de Dépistage Anonyme et Gratuit (CDAG) ne font pas partie du dispositif de déclaration obligatoire. On a du mal à se convaincre qu’un test positif fait dans un CDAG donne forcément lieu à un autre prélèvement dans le circuit traditionnel.
Tandis qu’en Grande-Bretagne, la Health Protection Agency annonce 7 000 contaminations, on peut s’attendre au pire dans notre pays où la prévalence est considérablement plus élevée. On a constamment l’impression que l’InVS préfère, sur l’autel d’une hypothétique vérité scientifique, se tromper en donnant une évaluation basse plutôt qu’en estimant le nombre réel des contaminations. Les données de la DO indiquent que l’épidémie s’avère plus sévère en France qu’on ne l’a prétendu. Est-ce pour ne pas reconnaître ses erreurs que l’InVS tarde à alerter les politiques et l’opinion publique alors même qu’il s’agit de son travail de veille sanitaire ?
L’évaluation du dispositif de déclaration obligatoire accumule aussi les retards. Alors que la dernière réunion du comité d’évaluation avait eu lieu au printemps, la réunion suivante initialement prévue au mois d’octobre a été déplacée au mois de décembre : trop tard pour avoir un quelconque impact sur la récolte des données pour 2004. Dommage, encore une année de perdue ! Diverses études envisagées pour évaluer les problèmes rencontrés n’ont toujours pas été lancées. Sous prétexte de délais liés aux procédures d’appels d’offre, une enquête auprès des professionnelLEs de santé pour évaluer les difficultés du dispositif finalisée au printemps n’a toujours pas été menée. Quant aux tournées dans les CISIH promises par l’InVS pour relancer les médecins sur la DO, elles n’ont toujours pas eu lieu (mis à part une visite dans les Antilles-Guyane plutôt motivée par la présentation des résultats de l’étude Vespa) alors même que l’on constate de fortes disparités entre les régions dans la mise en place de la DO.
En ce qui concerne les cas de sida déclarés pour lesquels on dispose de données complémentaires, on s’aperçoit que les médecins ont une forte tendance à sous-déclarer. A titre d’exemple, en 2002 le DMI-2 (base de données qui rassemble 60% des malades suivis dans le système hospitalier) recense 1 800 décès chez les malades du sida tandis que la DO n’en fait apparaître que 681… En 2003, les médecins ont de plus manifestement tendance à sous-déclarer les cas de sida et les décès. Qu’en est-il réellement de la déclaration de séropositivité ?
Si le nouveau dispositif de déclaration obligatoire apporte d’ores et déjà des informations intéressantes sur les populations les plus touchées par les contaminations, il faut aussi s’interroger sur la qualité des données recueillies. Pour les nouveaux diagnostics de séropositivité, 21% des modes de contamination ne sont pas renseignés, 17% des nationalités restent inconnues, 14% des consentements ne sont pas renseignés pour la surveillance virologique… Manifestement les médecins remplissent mal les fiches. Souvent, celles des laboratoires parviennent à l’InVS sans être accompagnées de celles des clinicienNEs, car ces dernierEs ne les remplissent pas au moment de l’annonce du diagnostic. Les malades ne reviennent pas forcément les voir car ils/elles ne choisissent pas nécessairement le/la médecin qui leur a annoncé leur séropositivité pour le suivi de leur pathologie.
Derrière les plaintes récurrentes concernant les difficultés du dispositif français, on entend bien que c’est le système d’anonymat qui est mis en cause. En aucune manière cela ne pourrait justifier un quelconque retard. Faut-il rappeler que la DO ne peut se concevoir autrement pour garantir les droits des malades ? Faut-il aussi rappeler le caractère obligatoire de la DO ? Que fait l’InVS et que font les médecins inspecteurs/inspectrices des Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) pour améliorer la collecte des informations ? La surveillance virologique présentée comme une nouveauté mondiale ne nous fera pas oublier que la France ne dispose toujours pas en 2004 d’un système de surveillance épidémiologique du sida efficace.