Le rapport Delfraissy 2004 n’est pas une révolution mais une révision, il apporte de nombreuses précisions ou améliorations grâce aux résultats des recherches et aux nouveaux médicaments apparus depuis la dernière révision de 2002.
Une belle coordination
La révision 2004 du rapport Delfraissy sur la « Prise en charge thérapeutique des personnes infectées par le VIH » est en cours de diffusion cet automne. Pourtant, à entendre de nombreux commentaires reçus sur nos lignes ou bien en prêtant attention aux questions qu’on nous pose régulièrement, il semble qu’à beaucoup d’endroits, le fruit du travail intense et périodique du groupe d’expertEs françaisES reste encore beaucoup trop ignoré de bon nombre de praticienNEs. Et cela semble d’autant plus vrai qu’on s’éloigne de son centre de production, Paris. Et pourtant, dans la plupart des situations de la vie d’unE séropositifVE face à la maladie, ce rapport fournit des éléments clairs pour guider et orienter les choix qui sont devenus au fil des années de plus en plus complexes. Originalité du système de santé français, le groupe d’expertEs sous la direction du professeur Delfraissy inclut des représentantEs des malades qui participent pleinement à la constitution de ce rapport, en apportant au groupe un point de vue d’une communauté avec ses inquiétudes et ses attentes face à l’évolution de la maladie et de ce qu’on en éprouve.
Le rapport 2004 est une révision, pas un rapport complet, autrement dit, seuls sont présents les chapitres qui traitent de la prise en charge thérapeutique. Ne jetez donc pas votre exemplaire 2002, il contient encore une grande quantité de renseignements et de recommandations toujours d’actualité. Ce rapport est destiné avant tout aux professionnelLEs de santé. Mais nous croyons fermement que c’est aussi un outils qui peut rendre bien des services aux malades, que ce soit pour améliorer leur propre connaissance de la maladie en redressant les idées fausses et les rumeurs qui circulent parfois ou pour découvrir qu’il existe des solutions à des problèmes que l’on rencontre, mais aussi en permettant d’améliorer son rapport avec son médecin. Offrez-lui un exemplaire, surtout lorsqu’il insiste pour vous faire essayer la dernière molécule en vogue du laboratoire qui a signé son bloc-notes tout neuf ou lorsqu’il vous répète, une fois de plus, que vos effets indésirables, « c’est dans la tête ». Voici en bref un résumé non exhaustif des points forts du crû 2004.
Recommandations
Le groupe d’expertEs insiste sur l’amélioration nécessaire de la prise en charge dans les départements et territoires d’outre-mer. Compte tenu des nouvelles données épidémiologiques produites par l’Institut de veille sanitaire (prise en charge trop tardive chez 50% des séropositifVEs), le groupe recommande le développement de stratégies de dépistage ciblées, car trop de personnes sont prises en charge tardivement en particulier les populations migrantes. Cette situation qui pose un vrai problème est celle des personnes qui découvrent leur séropositivité trop tardivement, souvent en venant consulter à l’hôpital. La moitié des personnes chez qui il est nécessaire de débuter un traitement consultent trop tard (avec des CD4 inférieurs à 200) et présentent un risque de mortalité 16 fois supérieur aux personnes suivies suffisamment tôt. Face à ces risques aggravés, les expertEs recommandent une surveillance médicale attentive et rapprochée jusqu’à ce qu’ils soient dans un état satisfaisant.
Choisir un premier traitement est toujours un problème, surtout lorsque le nombre de médicaments se multiplie. Le rapport donne les clés de ce choix, mais aussi écarte certaines idées reçues ou mauvaises habitudes : le traitement doit être individualisé. Il n’y a pas de recette standard et surtout pas pour favoriser l’observance. Les expertEs recommandent la prudence quant à l’utilisation de combinaisons non validées et précisent que la simplification ne doit pas se faire au détriment de l’efficacité. Mais ils précisent aussi qu’il ne faut pas modifier un traitement qui marche sans une bonne raison valable et justifiée.
Si la prévention de l’échec doit être une préoccupation constante dès la mise en route d’un traitement, le rapport insiste sur l’intérêt de l’éducation des personnes atteintes et la mise en place de consultations d’observance. Pour autant, malheureusement, l’échec existe : 35 % des personnes n’atteignent pas l’indétectabilité après six mois de traitement, 5 % sont en échec sévère. Dans ces cas, les expertEs recommandent de ne pas interrompre un traitement sans avoir d’alternative, parce qu’il est infiniment plus délétère de se retrouver sans traitement à ce moment que de maintenir une pression sur le virus, même avec un traitement qui n’est plus assez efficace. Mais ces situations sont parfois difficiles à traiter, le multi échec est l’affaire de spécialistes, précise le rapport, et les nouvelles molécules doivent pouvoir bénéficier aux personnes en multi-échec, mais utilisées efficacement, en évitant absolument de les « griller » par une utilisation mal appropriée.
Les tests de résistance génotypiques sont à utiliser dans les cas d’échec et de primo-infection. Le dosage des INNTI et des IP doit être utilisé en cas d’échec, d’effets indésirables ou de risque d’interaction médicamenteuse, notamment en cas de traitement concomitant de l’hépatite C.
Sur la question des effets indésirables des traitements, le rapport s’intéresse tout particulièrement aux complications résultant de l’usage de traitements au long cours. Il précise qu’il faut évaluer le risque cardiovasculaire comme un élément fondamental de la prise en charge et préconise l’arrêt du tabac, considéré comme l’un des risques majeurs de complications et surtout le paramètre d’importance sur lequel il est possible d’agir. Dans les cas de lipoatrophie, il ne faut pas nécessairement arrêter le traitement, mais utiliser les méthodes réparatrices du visage lorsqu’elles sont souhaitables. La réponse proposée en cas de lipohypertrophie est le remplacement des antiprotéases par un non nucléoside, quand cela est possible.
Le groupe d’expertEs recommande un test de dépistage à toute personne qui consulte pour une infection sexuellement transmissible, ainsi que la proposition du test au partenaire. Mais il recommande aussi aux séropositives un examen gynécologique annuel et aux séropositifVEs ayant des rapports sexuels anaux, une anuscopie afin de dépister les dysplasies.
L’infection par le virus de l’hépatite C concerne plus d’un quart des personnes infectées par le VIH. L’hépatite C évolue plus vite chez les séropositifVEs coinfectéEs. D’autre part, 5 % des séropositifVEs présentent une activité du virus VHB. Certains traitements contre le VIH sont aussi actifs contre le VHB (la lamivudine et le ténofovir). Il est donc essentiel d’en tenir compte dans le choix des médicaments lorsqu’on est coinfectéE VIH/VHB. C’est pour ces raisons que le rapport recommande de rechercher systématiquement les virus VHB et VHC lors d’une découverte de VIH et de recommencer la sérologie VHC régulièrement chez les personnes non infectées, ainsi que de vacciner contre le VHB les personnes qui n’ont pas d’immunisation contre ce virus.
Dans le domaine de la transmission mère-enfant, le rapport 2004 innove suite aux résultats publiés récemment sur l’apparition de résistances aux traitements utilisés habituellement pour limiter la transmission materno-fœtale. En effet, bon nombre d’études ont montré que tant les femmes enceintes sans traitement que les enfants malheureusement contaminéEs sont porteurSEs de virus résistants aux traitements qui ont été utilisés pour limiter la transmission. C’est pourquoi les expertEs recommandent l’utilisation de traitements suffisamment suppresseurs afin d’éviter l’apparition de ces résistances, en plus de leur rôle habituel dans la réduction de la transmission mère-enfant.
Enfin, le rapport du groupe d’expertEs rend les professionnelLEs de santé attentifVEs à la question des maladies opportunistes (connaissance, prise en charge et prophylaxie). En effet, loin d’avoir disparu avec l’apparition des trithérapies, ces maladies sont très présentes, surtout chez les personnes prises en charge tardivement, mais aussi chez les malades en échappement.