Aujourd’hui jeudi 27 janvier 2005, huit militantEs d’Act Up-Paris ont comparu devant la 29ème Chambre correctionnelle de Paris au motif d’avoir, lors d’une action menée le 30 novembre dernier, «volontairement dégradé un bien classé ou inscrit, le Palais de l’Élysée». De cette «dégradation« (un liquide teinté de colorants alimentaires rouge répandu sur les grilles et la façade du bâtiment, lavable à l’eau et nettoyé en moins de deux heures), il aurait résulté «un dommage grave».
À la veille de la journée mondiale de lutte contre le sida, nous nous étions en effet mobiliséEs pour dénoncer l’inaction et les fausses promesses du président Jacques Chirac en matière de lutte contre la pandémie au niveau international, ainsi que les orientations de son gouvernement sur l’accès aux soins. La présidente du Tribunal a mis sa décision en délibéré à trois semaines ; le jugement sera rendu le 17 février prochain.
Chirac ment, l’État poursuit les malades
Hier à Davos, le chef de l’État a réitéré les mensonges et les promesses cosmétiques que nous dénoncions lors de l’action. Rappelant que la lutte contre le sida dans le monde a besoin de 10 milliards de dollars par an, il a omis de mentionner que la contribution de la France stagne à hauteur de 150 millions, quand elle devrait, au regard de son PIB, s’élever à au moins 450 millions et quand celle de la Grande-Bretagne s’élèvera à 900 millions cette année. Chirac ne tient pas sa parole. Pendant ce temps, l’État français poursuit les malades.
«Il y a un âge pour les croisades»
Les huit militantEs sont poursuiviEs pour avoir exprimé leur colère contre le mépris de Jacques Chirac à l’égard des malades. Ils et elles luttent contre le sida depuis des années. Mais pour la Procureure, qui a requis des peines d’amende à leur encontre, cette lutte serait «une croisade» passagère liée à leur juvénilité supposée, «croisade» usant de méthodes «peu appropriées» qui mériteraient d’être punies, au risque de leur valoir l’ouverture d’un casier judiciaire. Notre lutte n’a pourtant rien d’une croisade : elle vise à nous défendre, à défendre les plus démuniEs et les plus malades par tous les moyens non-violents en notre possession, y compris par des actions symboliques fortes.
Pénalisation de la lutte contre le sida ?
La défense a montré l’inexistence du délit. Un constat d’huissier, réalisé au lendemain de l’action, invalide la caractérisation de «dommage grave» : le liquide répandu a été nettoyé en moins de deux heures, sans laisser de traces. En outre, les revendications et les déclarations des huit militantEs prévenuEs n’indiquent en rien une volonté de dégrader, ou de nuire. Cette affaire, après le procès intenté à Jean-Marc Priez sur des plaquettes de réduction des risques et celui contre AIDES à Toulouse pour une campagne de prévention (affaire «Sainte Capote»), est le dernier signe inquiétant d’une volonté de pénalisation injustifiable de l’action de nos associations.
Pendant l’audience, devant le Palais de Justice, un rassemblement [La [liste complète des associations et personnalitéEs qui ont soutenu l’appel à rassemblement est disponible sur cette page ]] devant le palais de justice a réuni une centaine de personnes venues rappeler Jacques Chirac à ses promesses et se dresser contre la poursuite judiciaire d’actes légitimes de protestation. Peu avant le rassemblement, un policier demandait à un autre «on les reconnaît comment les gens d’Act Up ?», à quoi son collègue répondait «Ils sont maigres, ils sont tout maigres.»