Depuis plusieurs années, la Direction générale de la santé (DGS) propose un plan triennal qui fixe les objectifs et les axes prioritaires du Ministère de la santé en matière de politique nationale de lutte contre le sida. Le précédent programme étant arrivé à terme, les associations ont été consultées pour l’élaboration d’un nouveau programme.
Si le programme triennal entend poser les bases d’une politique, il ne doit pas seulement servir la communication du Ministère de la santé par des effets d’annonce. Alors que l’ensemble des données épidémiologiques révèlent clairement que le niveau des contaminations reste anormalement élevé en France, plus que jamais, les directives posées dans ce programme triennal nous semblent devoir se traduire par des actes. L’expérience des programmes précédents montre que trop souvent des mesures qui y figuraient ne furent jamais mises en œuvres (prévention en direction des populations issues de l’immigration, des femmes). Ce nouveau programme triennal est d’autant plus important qu’il doit déterminer l’élaboration des Programmes régionaux de santé (PRS) dans le cadre des expérimentations en matière de régionalisation. Ces PRS apparaissent particulièrement cruciaux. Les choix en matière de lutte contre le sida ne peuvent être seulement abandonnés aux services déconcentrés et cette régionalisation doit absolument être contrebalancée par une instance de suivi et d’évaluation au niveau national à laquelle participent les associations afin que ce programme ne reste pas lettre morte. L’élaboration d’un programme implique une hiérarchisation des actions et des moyens, déterminant ainsi des cibles prioritaires, mais la stricte utilisation des données épidémiologiques peut à elle-seule rendre compte de la réalité des conduites à risques et des populations concernées, ne serait-ce qu’en raison des retards au dépistage. Partant du fait que la prévalence serait relativement faible dans la population hétérosexuelle, il est inacceptable de lire dans le document préparatoire que la prévention en direction des hétérosexuelLEs ne s’articulera qu’autour des Infections sexuellement transmissibles (IST). Cela alors que l’affaire de Colmar nous semble, au contraire, révéler les lacunes de la sensibilisation à l’épidémie chez les hétéros. Dans le contexte actuel de banalisation de l’épidémie, il est nécessaire de veiller à ce que la prévention des IST ne se fasse pas au détriment de la prévention du sida. Faut-il vraiment rappeler qu’on ne guérit pas du sida et qu’on en meure toujours ? Aussi pour maintenir un bon niveau d’information dans la population, la prévention en direction des jeunes doit clairement devenir un axe prioritaire. Aujourd’hui encore, aucune séance de prévention n’a lieu dans les lycées. Dans son état actuel, le programme triennal fait scandaleusement l’impasse sur plusieurs populations. Il est inconcevable de rejeter des mesures en direction des prostituéEs à « une stratégie plus globale en cours de développement ». Les mesures répressives mises en œuvre par le gouvernement depuis plus de deux ans ont eu des conséquences dramatiques sur la prévention en direction des prostituéEs. Il convient aujourd’hui d’évaluer les conséquences de cette politique sur la prévention et le ministère de la Santé doit se positionner indépendamment d’une logique répressive sur cette question avec un point de vue de santé publique. Le document présenté aux associations n’aborde pas non plus la question épineuse de la prévention en destination des prisonnierEs, malgré une prévalence du VIH élevée en prison. Là encore, il est nécessaire que le ministère de la Santé assume ses responsabilités et n’abandonne pas au seul ministère de la Justice les actions à mener. Par ailleurs, aucun point particulier du programme n’est consacré aux trans. Plusieurs études américaines montrent que les trans sont les plus touchéEs par l’épidémie. Aucune étude similaire n’a été menée jusqu’à présent en France. Celles-ci doivent être réalisées de toute urgence et dès à présent le ministère doit mettre en place des mesures ambitieuses pour s’adresser aux trans en terme de prévention. Il est parfois difficile de faire abstraction des nombreux satisfecits que donne le programme triennal aux actions passées. En ce qui concerne les campagnes grand-public[[à voir sur le site de l’INPES ]], comment se contenter de deux campagnes annuelles dans les média grand public, mais ne bénéciant que d’une très faible diffusion (la très bonne campagne du 1er décembre n’a été diffusée qu’une dizaine de jours). Quand sera-t-il enfin possible en France d’obtenir dans les média grand public des campagnes de prévention continuelles qui abordent explicitement l’ensemble des pratiques et des situations, et qui varient les cibles et les tons ? Le but de la prévention n’est-il pas que chaque personne puisse rencontrer un message qui soit adapté à sa situation et dans lequel elle puisse se reconnaître ou s’identifier ? Beaucoup d’associations ont le sentiment que l’on se trouve à un tournant de la politique de prévention. Ce sentiment qui semble partagé tant par les acteurRICEs de prévention sida que par les institutionnelLEs semble plutôt relever d’une sorte de « burn out ». Le désarroi suscité par l’augmentation des contaminations en France s’explique assez largement, tant par les espoirs qu’avaient suscité l’arrivée des trithérapies en 1996 que par la banalisation de l’épidémie qui a conduit à son invisibilisation et à la baisse de la mobilisation dans la lutte contre le sida. Par ailleurs les retards liés à la prise de conscience du phénomène du relapse et de l’augmentation des pratiques à risque ont laissé de nombreuSESx acteurRICEs associatifVEs démuniEs. On entend souvent que tout aurait été tenté. Mais on néglige surtout la différence de prévention entre les acteurRICEs de la lutte contre le sida qui ont connu vingt ans d’épidémie et les nouvelles générations. Depuis de nombreuses années surtout, il y a de moins en moins d’acteurRICEs bénévoles de la prévention sur le terrain. Or rien ne peut remplacer le relationnel dans la transmission d’un message de prévention. Quels moyens se donne-t-on réellement pour remobiliser ces acteurRICEs ? Il est possible de renouveler des messages de prévention à partir des nouvelles données de l’épidémie (reprise de contamination, IST, risques de surcontamination). La prévention homo devrait faire l’objet d’une fiche action plus développée. Il faut veiller à ce qu’elle appelle une description précise des situations (couples sérodifférents, jeunes couples séronegs, pratiques à risque occasionnelles, séropos, séronegs). Le programme dès à présent prévoit des consultations prévention ou de sexologie pour les séropos. Du point de vue de la prise en charge thérapeutique des séropos, le programme reprend pour l’essentiel les recommandations du rapport Delfraissy et les aspects issus de [la réforme des CISIH, ainsi que la reconduction des missions de l’ANRS. Le programme triennal ne fait donc qu’acter ce qui se met déjà en place. Le ministère affiche un maintien des budgets pour la lutte contre le sida. Qu’en est-il en réalité de l’adjonction des IST sur ce programme, de l’inflation ? On peut s’interroger sur l’ambition de cette politique à moyens constants compte tenu de l’augmentation du nombre de séropos et des contaminations en France.Par Act Up-Paris|2023-11-24T16:16:12+01:00mardi 1 février 2005|Catégories : Archives|Mots-clés : Action 97, ministère/secrétariat à la Santé, Politique de santé publique de lutte contre le sida|
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