Dans la bataille mondiale pour des traitements contre le sida à des prix abordables, l’Inde a gagné une réputation de « Robin des bois » du monde en développement. Avec des lois souples sur les brevets et une solide industrie de médicaments génériques, le pays a émergé comme le principal fournisseur de médicaments contre le VIH/sida à des prix abordables dans les pays pauvres. Par conséquent, il est progressivement devenu, au grand dépit des partisans du libéralisme économique, une épine dans le pied des compagnies pharmaceutiques de spécialités et de leurs alliés à l’Organisation Mondiale du Commerce.
Le 26 février 2005, les compagnies de marque pourraient tirer cette épine de leur pied. Sans aucune obligation légale, le gouvernement indien examine des amendements à sa loi sur les brevets visant à assurer une protection sans précédent à toutes les innovations technologiques, y compris aux médicaments contre le sida. Promulgués par décret présidentiel le 26 décembre, les amendements devraient être votés par le Parlement indien lors de la prochaine session parlementaire qui s’ouvre le 26 février.
Avec le durcissement des lois indiennes sur les brevets, une lueur d’espoir s’éteint pour les personnes vivant avec le sida. La mise sur le marché des génériques a en effet permis d’abaisser le prix de certains médicaments contre le VIH/sida de 12.000 $ US à 140 $ US par an. Dans les pays asiatiques où les règles sur les brevets sont strictes, comme le Pakistan, les médicaments peuvent coûter jusqu’à huit fois ce qu’ils coûtent en Inde.
Pour les pays touchés par le sida en Afrique, les conséquences pourraient être terribles. Les ministères de la santé de nombreux pays africains, du Ghana à la Namibie en passant par le Burkina Faso comptent aujourd’hui sur l’Inde pour s’approvisionner en médicaments de qualité et abordables contre le VIH/sida.
Ces gouvernements font maintenant appel à l’Organisation Mondiale de la Santé pour que l’Inde ne retire pas ces médicaments à ceux qui en ont le plus besoin, que ce soit en Afrique ou dans d’autres régions pauvres. Les activistes indiens rappellent en effet qu’en Inde 500 000 personnes ont besoin d’un traitement contre le sida mais n’ont pas les moyens pour le payer. La promesse formulée il y a un an par le gouvernement indien de traiter 100 000 malades dans les zones les plus affectées du pays n’a toujours pas été tenue. Si les amendements proposés prennent force de loi, l’Inde s’éloignera encore un peu plus de la possibilité de garantir un accès aux médicaments essentiels à ses citoyens les plus pauvres.