Depuis deux ans, l’arrivée de nouveaux tests de détection ultrasensibles du virus de l’hépatite B (VHB) permet de diagnostiquer, de manière préventive, certaines formes d’hépatite B dites «occultes» ou formes latentes. Il y a peu, elles étaient imprévisibles, rarement diagnostiquées et pourtant étaient à l’origine de réactivations parfois fulgurantes.
Ces hépatites B latentes ont été reconnues les premières fois, au début des années 80, suite à des greffes du foie. Les équipes médicales avaient pourtant bien vérifié, en effectuant des dépistages par PCR sur les donneurs décédés, que les nouveaux greffons étaient sains, mais à l’époque, leurs seuils de détection n’étaient que de 10 000 copies/ml, et laissaient donc passer des greffons contaminés. Suite à la greffe et à l’initiation du traitement immunosuppresseur, quelques semaines après, les receveurSEs artificiellement immunodépriméEs développaient alors une hépatite B aiguë, à la surprise générale des équipes médicales, entraînant un risque important de décès.
Au début des années 90, d’autres équipes médicales utilisant des traitements immunosuppresseurs ont constaté, comme en cancérologie ou en hémodialyse, d’autres cas de réactivation d’hépatite B aiguë. A défaut de pouvoir prévenir ces hépatites B latentes, les équipes se sont habituées à dépister et traiter systématiquement les hépatites B aiguës au moindre signe de réaction immunitaire. Aujourd’hui, de nouveaux outils de dépistage nous permettent de les diagnostiquer de manière préventive. Pour mieux comprendre, voici une piqûre de rappel sur la réponse immunitaire, assez complexe, du VHB.
Immunité, antigène et anticorps
Suite à une exposition au virus de l’hépatite B, les cellules infectées vont présenter de nouveaux éléments à leur surface, dérivés du virus et qui joueront le rôle d’antigènes pour le système immunitaire. Ceux-ci vont agir comme de véritables marqueurs, signature de la présence d’un élément étranger permettant à des anticorps spécifiques de les repérer et donc de détruire ces cellules marquées. L’antigène (Ag) spécifique de l’hépatite virale B chronique est l’Ag-Hbs. C’est lui qui permet de diagnostiquer une hépatite B. De plus, sa persistance au-delà de 6 mois signe le carcatère chronique de cette atteinte du foie.
Le VHB est à l’origine de plusieurs antigènes, appelés Ag-Hb, correspondant aux différentes parties du virus. De la même façon, le corps humain réagit en produisant plusieurs types d’anticorps (ac) spécifiques de ces antigènes appelés ac-anti-Hb. Pour le VHB, il y a trois sortes de cibles pour les anticorps appelées C, E et S : le «core» ou noyau du virus appelé C, son enveloppe appelée E, et sa surface appelée S. Afin d’éradiquer le virus, l’organisme doit fabriquer successivement chacun des anticorps anti-Hbc, anti-Hbe, puis anti-Hbs. Nous ne nous intéresserons qu’aux anticorps anti-Hbc, produits en premier, signature de l’exposition au VHB, et aux anticorps anti-Hbs, produits en dernier et signant théoriquement une éventuelle guérison, mais pas dans tous les cas.
Les immunoglobulines (Ig), que l’on appelle anticorps, existent sous cinq types différents, mais nous ne nous intéresserons qu’aux deux principaux, à savoir les IgM et les IgG. Pour chacun des anticorps, il y a au moins deux sortes d’immunoglobulines. Parmi les anticorps anti-Hbc, qui sont les premiers détectables, les IgM-anti-Hbc, signent une hépatite B aiguë et les IgG-anti-Hbc sont les seuls à avoir un rôle protecteur, s’ils sont présents en quantité suffisante.
Diagnostic et dépistage
Aujourd’hui, quand unE médecin veut savoir si unE malade a croisé le virus de l’hépatite B et s’il/elle en est toujours porteur, il va demander une recherche des anticorps totaux de l’hépatite B. Il s’agit donc, comme on peut le lire sur les résultats d’examens, des ac-anti-Hbc, divisés en IgM-anti-Hbc et IgG-anti-Hbc, mais aussi des ac-anti-Hbe et des ac-anti-Hbs. Il/elle demandera aussi la recherche des Ag-Hbe et Ag-Hbs, puisque l’Ag-Hbc n’est pas détectable dans le sang. C’est à partir de ces sept marqueurs biologiques principaux que l’on définit les différentes formes et les différents stades de l’hépatite B.
Si une personne est porteuse d’ac-anti-Hbc, cela veut dire qu’elle a déjà croisé le VHB car ce sont les premiers anticorps à apparaître en cas d’hépatite B, mais aussi les plus fiables, et ceux qui restent dans le temps. De plus, si la personne a déjà des ac-anti-Hbs, cela voudrait dire qu’elle est protégée contre ce virus et qu’elle est donc guérie, soit naturellement, soit grâce à une vaccination.
Les immunodépriméEs et les séropositifVEs au VIH ont des périodes où leur immunité est instable. Dans ces moments-là, tout se fragilise. En effet, le système immunitaire, surtout dans ce contexte, est une affaire d’équilibre fragile et les notions d’activité, mais aussi de protection, restent dépendantes de certains seuils. En dessous de 200 CD4, les protections immunitaires, acquises dans le passé, ne sont plus efficaces. Lors de la remontée des CD4, en cas de facteurs de risques, il serait alors judicieux de vérifier que ces protections soient à nouveau efficaces. Car cette fluctuation des CD4 nous rend vulnérables dans le temps. Chez les immunodépriméEs, il ne faut pas seulement rechercher à dépister, mais il faut surtout quantifier et analyser.
Des erreurs lourdes
Ainsi, pour être sûr qu’une personne ayant des pratiques à risques a besoin d’un vaccin, il faut vérifier que le taux d’ac-anti-Hbs soit au minimum est supérieur ou égal à 10 mU/ml, sinon la protection contre le VHB ne sera pas suffisante. S’il n’y a qu’une recherche de ces anticorps, sans dosage demandé, unE médecin pourrait, par erreur, conclure à une protection contre le VHB, alors même qu’un vaccin serait vraiment nécessaire.
Autre exemple, encore plus délicat, pour savoir si une personne est vraiment atteinte d’une hépatite B chronique, la simple recherche de l’Ag-Hbs peut dans certains cas être faussement négative, soit à cause de nouveaux mutants qui échappent encore aux tests classiques, soit à cause d’un faible taux d’Ag-Hbs, inférieur aux seuils de détection des tests disponibles. En effet, il vient d’être récemment démontré que le taux d’Ag-Hbs est corrélé à la charge virale VHB. Ainsi, unE malade répliquant très faiblement du VHB, sans qu’il puisse être détecté par les mesures de charge virale, pourra de la même manière avoir un très faible taux d’Ag-Hbs, inférieur au seuil de détection classique. C’est cette situation qui correspond à ce que les médecins ont baptisé les hépatites B latentes. Il s’agit donc d’une hépatite B sans Ag-Hbs, et sans VHB détectables par les tests standards malgré, une possible présence de l’antigène et du virus à des quantités très faibles.
Mais encore plus surprenant, l’hépatite B étant une infection particulièrement fluctuante, le VHB arrive quand même, dans 15 % des cas environ, à répliquer malgré la présence d’ac-anti-Hbs qui sont pourtant censés signer une guérison.
Des solutions techniques et sensibles
Depuis que nous connaissons ces formes de maladies associées à une très faible réplication virale, nous nous apercevons que des scénarios, considérés jusque-là comme impossibles, existent bel et bien. Aujourd’hui, grâce à l’arrivée de nouveaux tests ultrasensibles de détection du VHB, mais aussi de l’Ag-Hbs, il est enfin possible de diagnostiquer ces formes particulières d’hépatite B.
Tant que l’hépatite est latente, tout va bien, mais il est impératif de savoir qu’elle a tendance parfois à se réveiller de manière assez brutale et quelquefois sévère. C’est ce qu’on appelle une réactivation d’hépatite B latente. C’est le premier danger lié aux hépatites B latentes.
Réactivation d’hépatite B latente
Chez les personnes immunodéprimées et séropositives au VIH, les réactivations d’hépatite B sont dues à plusieurs mécanismes :
– la chute accélérée des taux des ac-anti-Hbs. Malgré une présence détectable de ces anticorps, une réplication même faible du VHB est possible. La protection n’est atteinte qu’à partir de 10 mU/ml d’ac-anti-Hbs. En dessous de ce seuil, une réinfection au VHB est toujours possible en cas de prise de risques ;
– l’émergence de nouveaux réservoirs de VHB, rendue possible par une immunodépression accrue ;
– le développement d’Ag-Hbs mutants. Leur dépistage n’est pas possible par les tests classiques actuels, ce qui rend plus difficile le diagnostic de l’hépatite B latente.
Ces réactivations d’hépatites B latentes ont souvent lieu à l’occasion de :
– problèmes d’hépatotoxicité (traitement lourd, alcool, psycho-stimulant, réaction auto-immune, etc.) ;
– hépatites de restauration immunitaires (à l’initiation ou au changement du traitement antirétroviral) ;
– clairance immune ;
– séroconversions au VHB (lors de l’arrivée des ac-anti-Hbe et ac-anti-Hbs) ;
– mutations (Pré-core, résistances aux analogues nucléosidiques, etc.) ;
– surinfections virales (par le VHA, VHC, VHD ou VIH) ou surcontamination avec un autre génotype du VHB.
Pas de cirrhose VHB
Aujourd’hui, nous savons que cette forme d’hépatite latente n’est pas rare chez les immunodépriméEs. Un taux de réplication du VHB, inférieur à 10 000 copies/ml, est trop faible pour réellement déclencher des mécanismes de fibrogenèse et donc occasionner des lésions sur le foie et même une cirrhose. Mais avec l’hépatite B, il est possible de développer un cancer sans passer par une cirrhose.
Une hépatite latente n’accélère la survenue de cirrhose qu’en présence du VHC, cependant, à elle seule, elle peut favoriser la survenue de cancer du foie. C’est pourquoi il est primordial de connaître l’existence de cette forme particulière d’hépatite B pour pouvoir la dépister et mettre en place une surveillance adaptée afin de prévenir suffisamment tôt la survenue de tumeurs ou d’hépatocarcinome.
Asymptomatique mais dépistable
C’est le cas grâce à l’arrivée des techniques de mesures de la charge virale de l’ADN du VHB, méthode de PCR et grâce aussi à l’abaissement progressif de leurs seuils de détection, beaucoup plus sensibles, en dessous de 1 000 copies/ml et jusqu’à 20 copies aujourd’hui.
Comme pour toutes les hépatites virales, le foie est un réservoir volumineux siège d’une réplication virale intense. La particularité de l’hépatite B réside dans le fait que le précurseur du VHB, contrairement aux autres hépatites virales, ne circule pas dans le sang et reste «à l’abri» dans le foie, générant sans fin du VHB. Ce précurseur s’appelle de l’ADN-VHB «super-enroulé» (ccc-DNA). C’est le seul marqueur impérativement présent dans tous les cas d’hépatite B chronique, même dans certaines hépatites latentes qu’on ne détecte que difficilement. Ces méthodes de dépistage ne sont encore qu’au stade de la recherche, espérons pouvoir bientôt détecter directement ce précurseur et oublier ainsi cette triste saga des hépatites latentes.
Cancer ou pas
N’ayant aucune idée de l’impact clinique de cette nouvelle forme d’hépatite B latente, des chercheurEs italienNEs ont essayé de déterminer si un risque de cancer du foie était possible avec une hépatite B latente. Les mécanismes de fibrose ne sont pas actifs dans ce contexte du fait de la charge virale VHB est très faible. Par contre, les mécanismes cancérigènes (pro-oncogène) étant différents, il fallait vérifier s’ils étaient actifs malgré une faible quantité de virus.
Ces chercheurEs ont donc détecté la présence d’ADN du VHB dans le tissu hépatique de personnes atteintes de cancer du foie, mais n’ayant pas d’Ag-Hbs ou d’hépatite B chronique diagnostiquée. Sur les 107 personnes porteuses d’hépatocarcinome, 73 étaient atteintes d’hépatite C, 5 d’hépatite éthylique et 29 d’hépatites d’origine indéterminée. Ils/elles ont tout d’abord trouvé que 77 % avaient des ac-anti-Hbc isolés, et même 10 % d’entre elles avaient des ac-anti-Hbs. Donc au moins les trois quarts de ces personnes avaient déjà croisé le VHB. Ils/elles ont alors aussi testé un groupe-contrôle de 190 participantEs atteintEs d’hépatite chronique non B, tous Ag-Hbs négatifs, mais porteurSEs soit d’ac-anti-Hbs (86 cas), soit d’ac-anti-Hbc (86 cas), soit des deux (18 cas) et n’ayant pas d’hépatocarcinome.
L’ADN viral de l’hépatite B a pu être détecté positif chez 63 % des personnes atteintes d’hépato-carcinome, mais aussi chez 32 % des personnes du groupe-contrôle ayant simplement une hépatite chronique. Chez ces dernières, les hépatites B latentes semblaient associées à l’hépatite C, mais pas chez les personnes atteintes de cancer.
Cette étude a permis de démontrer que, même avec une charge virale VHB inférieure à 10 000 copies/ml, sans Ag-Hbs et donc avec une hépatite B considérée comme latente (mais aussi comme guérie pour d’autres médecins peu avertiEs), l’activité pro-oncogène et le risque de cancer sont réels. Mais de plus, elle a aussi permis de démontrer que les ac-anti-Hbc isolés, associés majoritairement à une hépatite C chronique active, étaient liés à une accélération de la fibrose et une survenue plus rapide de la cirrhose. Aucune mutation spécifique du VHB n’a pu a priori être associée aux cas d’hépatites B latentes.
Cette recherche brillante n’est pourtant pas la première sur le sujet puisque l’INSERM, dans sa newsletter «Bases de connaissances INSERM sur les hépatites virales» d’avril 2004, réfléchit au dépistage systématique de ces hépatites B latentes chez toutes les personnes atteintes de n’importe quelle maladie hépatique chronique ou de cirrhose du foie, afin de pouvoir prévenir la survenue d’une cirrhose accélérée ou d’un cancer, comme l’ont suggéré les plus éminentEs spécialistes italienNEs.
Epidémiologie des hépatites B latentes
Les études évoquées ci-dessous ne sont pour la plupart que de petites études incluant rarement plus de 100 participantEs, même si elles ont été publiées dans la littérature scientifique internationale ou présentées lors de congrès de médecine. Nous avons examiné environ vingt-cinq études sur les hépatites B latentes dans différents types de services hospitaliers.
Hépatite fulminante et greffe : les premières études ont eu lieu dans les centres de transplantation, comme celui de la Nouvelle-Orléans aux USA, sur des personnes en hépatite fulminante non-B ou après une greffe du foie. Dans ce contexte, environ un tiers des participantEs à cette petite étude étaient porteurSEs d’hépatites B latentes.
Cancer : chez les personnes négatives au VHB, au Japon et en Italie, atteints d’un cancer du foie, on retrouve de 40 à 60 % de porteurSEs d’hépatites B latentes, et en étudiant celles et ceux qui sont porteurSEs de l’ac-anti-Hbc isolé, alors on trouve jusqu’à 80 % de porteurSEs d’hépatite B latente. L’ac-anti-Hbc isolé a alors été suggéré comme pouvant être, à lui seul, un bon marqueur d’hépatite B latente.
Hémodialyse : dans les services de dialyse rénale, les taux sont plus faibles, aux environs de 20 à 30 % de porteurSEs d’hépatites B latentes.
Hépatite C : les études mentionnées précédemment indiquent une forte association entre une hépatite C chronique et l’ac-anti-Hbc isolé, et donc aussi avec un nombre accru d’hépatites B latentes. Ce nombre atteint 20 à 30 % d’hépatites B latentes et peut aller jusqu’à 40 à 50 % chez les usagerEs de drogue par injection. Par ailleurs, il a été vérifié plusieurs fois que l’hépatite B latente en co-infection du VHC accélérait la survenue de la cirrhose du foie.
Dons du sang : en Chine et en Inde, des pays particulièrement touchés par l’hépatite B, 10 % des donneurSEs de sang sont atteintEs d’hépatite B latente. Si par contre, on sélectionne les porteurSEs d’ac-anti-Hbc isolé, que ce soit en Italie ou au Japon, on arrive à environ 35 % d’hépatites B latentes. Et une étude espagnole arrive même, dans ce cas, à 64 % d’hépatites B latentes.
Co-infection VIH-VHB
Vu que la situation d’ac-anti-Hbc isolé est la plus fréquente chez les personnes immunodéprimées, plusieurs études de recherche sur les hépatites B latentes chez les séropositifVEs VIH ont alors été lancées. Précisons qu’il y a une grande différence entre les Etats-Unis où l’ac-anti-Hbc isolé chez les séropositifVEs VIH ne représente que 15 % des cas, et l’Europe où il représenterait 40 à 80 % des cas. Cette différence serait due aux différentes répartitions de génotypes : aux USA, majoritairement le génotype A, en Europe, majoritairement le génotype D méditerranéen, particulièrement sensible aux mutations diverses.
Tout d’abord, de manière peu surprenante, les études américaines ne retrouvent que 3 à 10 % de co-infection VIH-hépatites B latentes. Par contre, en France, le Dr Piroth de l’hôpital de Dijon, initiateur dès 1999 de la première enquête hospitalière de prévalence des co-infections VIH-VHC en France, ouvre une étude sur les co-infections VIH-hépatites B latentes en 2002. Il trouve parmi ses patientEs VIH 16 % de porteurSEs de l’ac-anti-Hbc isolé, soit 37 personnes. Et parmi ces 37 personnes, 13 sont effectivement porteuses d’hépatites B latentes sans Ag-Hbs détectable, soit 35 % d’hépatite B latente parmi les ac-anti-Hbc isolé, ou encore 6 % parmi tous ses patientEs VIH.
Seul ennui, ces études ont toutes été focalisées sur les porteurSEs d’ac-anti-Hbc isolé. Or des chercheurEs ont démontré que chez les séropositifVEs, même avec des ac-anti-Hbs positifs, mais en faible quantité, il est possible d’avoir une réplication du VHB et donc une hépatite B latente.
La première étude qui a réellement pris en compte aussi bien les porteurSEs d’ac-anti-Hbc que d’ac-anti-Hbs isolé ou combinés afin de chercher à détecter le VHB chez des séropositifVEs VIH a été initiée par le Dr Santos, à Rio de Janeiro au Brésil. Il publie que si 16 % des porteurSEs d’ac-anti-Hbc isolé sont porteurSEs d’une hépatite B latente, par contre, chez les porteurSEs d’ac-anti-Hbs, censéEs être guériEs, il a trouvé aussi 20 % d’hépatites B latentes.
C’est en 2004 que l’étude de la cohorte suisse VIH, composée à 80 % d’usagerEs de drogues par injection, apporte les chiffres les plus alarmants en dépistant le VHB chez les séropositifVEs VIH, porteurSEs d’ac-anti-Hbc et/ou d’ac-anti-Hbs. 70 % des porteurSEs d’Ac-anti-Hbc isolé étaient déjà co-infectéEs VIH-VHC. Ils constatent que 51 des 57 personnes de cette étude sont porteuses d’hépatites B latentes, soit 90 %. On peut conclure qu’en Suisse, la recherche d’hépatite B latente pourrait tripler la prévalence de co-infection VIH-VHB et décupler les tri-infections VIH-VHB-VHC, parmi les séropositifVEs au VIH.
La France n’est pas très loin de Zurich, pourtant cette étude a fait bondir bon nombre d’hépatologues ne croyant pas ces chiffres possibles. Ont-ils/elles pensé à notre réaction ? Et que vont-ils/elles nous répondre quand nous allons leur demander de nous prescrire un test de recherche ultrasensible de l’ADN du VHB ? Se rappellent-ils/elles que pour les co-infectéEs VIH-VHC, ils/elles nous l’ont déjà joué : «l’hépatite c’est pas grave, on verra plus tard !», avant de nous dépister une cirrhose du foie.
Qui est à risque ?
Nous venons de détailler grâce aux études précédentes les différents contextes et facteurs de risque de forte prévalence d’hépatite B latente. Il s’agit donc tout d’abord de personnes n’ayant pas d’Ag-Hbs, mais aussi :
– des séropositifVEs VIH se rappelant avoir fait une hépatite B aiguë ayant été diagnostiquée comme guérie par la suite ;
– les co-infectéEs VIH-VHC, du fait de la forte corrélation entre hépatite B latente et le VHC ;
– les séropositifVEs VIH n’ayant comme seuls marqueurs d’une exposition au VHB que les ac-anti-Hbc et/ou ac-anti-Hbs, surtout isolés ;
– les usagerEs de drogues, les hémophiles et transfuséEs, puisque le risque parentéral est le plus fort risque de transmission.
Le diagnostic de cette éventuelle hépatite B latente est d’autant plus pertinent qu’un changement de traitement antirétroviral VIH est envisagé, ou que vous êtes dans une période d’élévation notoire et rapide des CD4, et ce afin d’éviter des surprises de réactivation. Mais aussi si vous êtes déjà en cirrhose, à cause d’une autre hépatite alcoolique ou virale, et notamment l’hépatite C. Il faudrait alors, en cas de diagnostic positif, mettre en place ou renforcer la surveillance de survenue d’une tumeur (échographie abdominale et taux d’alpha-foetoprotéine tous les 3 mois, scanner et IRM en cas de doute), et en cas de besoin de traitement anticancéreux, éviter les immunosuppresseurs, si c’est possible. Pour cela la seule solution est de faire les dépistages régulièrement afin de détecter des tumeurs les plus petites possibles, plus faciles à traiter.
Pour résumer, voici la recommandation pour les usagerEs ou ex-usagerEs de drogues par injection, les transfuséEs et hémophiles, les co-infectéEs VIH-VHC, ayant fait dans le passé une hépatite B «guérie», dont il reste comme seuls marqueurs les ac-anti-Hbc et/ou ac-anti-Hbs, surtout isolé, et d’autant plus en cas de cirrhose ou à la veille d’un changement de traitement VIH : demander absolument à votre médecin traitant le VIH et/ou l’hépatite de prescrire une recherche du VHB par PCR ultrasensible, ayant un seuil de détection inférieur à 1 000 copies/ml, que nous détaillons dans le chapitre suivant.
Pourquoi et comment se faire dépister ?
Sur 150 000 personnes séropositives au VIH en France, on peut estimer qu’il s’agit d’au moins 20 000 malades pour qui ce test pourrait, d’un seul coup, donner sens et expliquer plusieurs événements immunitaires ou sérologiques passés. Toutefois, pour la majorité de ces personnes, cette découverte n’aura que peu d’incidence sur le présent, mais pourrait être utile afin d’améliorer la prise en charge et minimiser par la suite les risques de réactivation de cette hépatite B latente et pouvoir prévenir un risque accru de cancer du foie.
Tout d’abord chaque fois qu’on réalise dans un laboratoire un test de charge virale quantitatif ou une recherche qualitative du virus, quel qu’il soit, la sensibilité de détection et les références commerciales de ce test ou le type de technique employée doivent impérativement être explicitement détaillés sur la feuille de résultats, chose qui est encore négligée dans certains laboratoires hospitaliers, et pas les moins connus. De la même façon, votre médecin doit détailler précisément sur son ordonnance une échelle de sensibilité du test prescrit (inférieur à 1 000 copies/ml).
Pour mesurer une charge virale d’ADN du VHB inférieure à 10 000 copies/ml, il existe différents types de tests commerciaux :
– COBAS amplicor monitor® (Roche), semi-automatisé, de 200 à 200 000 copies/ml,
– Versant® III (Bayer-Chiron), bDNA semi-automatisé, de 2 000 à 100 millions de copies/ml,
– Superquant® (N.G.I.), PCR, de 100 à 5 milliards de copies/ml.
– RT-PCR, (laboratoires privés et hospitaliers) PCR en temps réel.
– Amplicor monitor® (Roche), RT-PCR (Real Time PCR), de 1 000 à 4 millions copies/ml,
La PCR en temps réel, dernière évolution des PCR, permet un gain de temps considérable puisque la lecture d’une charge virale passe de 4 jours à 20 minutes pour le laboratoire. De plus, elle permet une lecture linéaire avec une sensibilité accrue permettant de dépister l’ADN du VHB, avec le même outil, de 20 copies à 20 milliards de copies/ml.
Le mépris du vocabulaire
Malgré la pression des malades, les hépatologues «old school» utilisent encore des termes péjoratifs, voire méprisants à l’encontre de leurs patientEs. Par exemple, en cas d’échec thérapeutique à l’interféron, ils/elles préfèrent baptiser les malades de «mauvaiSEs répondeurSEs» ou de «rechuteurSEs», plutôt que de constater la situation clinique de manière scientifique en parlant simplement d’échappement ou d’échec thérapeutique. Le Pr Trépo, hépatologue de l’Hôtel-Dieu à Lyon, qui ne garde pas sa langue dans sa poche heureusement, déclare : «Il n’y a pas de mauvais répondeurSEs ou de rechuteurSEs, il n’y a que des malades mal priSEs en charge !». Heureusement que pour se battre à nos côtés, contre les hépatites et le VIH, il y a des médecins et des hépatologues humainEs, engagéEs et attentifVEs.
Dans le domaine des hépatites virales, les chercheurEs et les hépatologues en quête de gloire et de star system «comme avec le sida !», utilisent un vocabulaire digne des journalistes à sensation et de leur langage racoleur. Alors qu’ils/elles n’ont toujours pas compris les leçons de base du sida en termes de respect des malades, ils ont donc baptisé ces hépatites B latentes, les hépatites «occultes». Ils/elles n’ont aucun souci de la réaction d’unE malade à qui on annonce une telle nouvelle en guise de diagnostic.
Des recommandations claires
Nous attendons des pouvoirs publics la mise en place très rapide d’une étude de cohorte sur la prévalence et l’incidence des hépatites B latentes chez les immunodépriméEs et les malades chroniques en France.
La conférence de consensus européenne sur la co-infection VIH-hépatites s’est tenue les 1er et 2 mars 2005, à Paris. Nous attendons de cette conférence qu’elle affirme des recommandations claires sur la possibilité d’un dépistage individuel volontaire avec ces dernières techniques, accessibles à tous les malades porteurSEs d’infections chroniques ayant un potentiel retentissement sur le foie.
De plus, il paraît capital que ces recommandations puissent définir, pour la première fois, des règles plus claires en ce qui concerne notamment le domaine de l’après cirrhose dans la co-infection VIH-hépatites, où les pratiques médicales de prise en charge des décompensations hépatiques sont encore bien différentes d’un service à l’autre.
C’est aussi l’occasion de lancer une alerte ciblée aux CSST (Centre de soins spécialisés aux toxicomanes) afin qu’ils se saisissent tous et tout de suite de la prise en charge urgente des problèmes d’hépatites chez les usagerEs de drogues. Par ailleurs, il faut absolument que les hépatologues leur ouvrent leur porte et daignent aller une après-midi par semaine travailler avec les équipes des CSST. Certains hépatologues n’hésitent pas, par ailleurs, à appeler publiquement ces centres, des «réservoirs à virus». Ce sont eux/elles les hépatologues «occultes», les meilleurEs alliéEs de l’épidémie d’hépatites virales en France. Il va aussi falloir en venir à bout, les dépister, les éduquer et les guérir en urgence, touTEs ces malades.
Nous ne céderons pas sur ces points, quant à eux très clairs et tout aussi urgents. La visibilité de nos combats n’attendra pas l’arrivée de sensibilités nouvelles plus aptes au dialogue et au travail en réseau, mais devra encore les imposer sur la place publique.