Aujourd’hui mercredi 23 mars, le Parlement indien a adopté un projet de loi déposé seulement 3 jours ouvrables auparavant et visant à réviser la loi indienne des brevets. Act Up-Paris dénonce une trahison de 40 milions de malades du sida de la part de gouvernement indien.
Le projet de loi adopté aujourd’hui est plus restrictif que même ne l’exige l’OMC, dans la mesure où :
– il prévoit un délai incompressible de 3 ans après l’octroi d’un brevet durant lesquels la licence obligatoire n’est pas disponible, bloquant ainsi le projet du génériqueur indien Cipla de commercialiser à court terme une version générique du meilleur médicament anti-VIH au monde, le ténofovir [section 84(6)] ;
– il rend inapplicable les clauses de sauvegarde de l’accord de l’OMC sur les brevets, en prévoyant que lorsqu’un laboratoire conteste en justice un aspect d’une licence obligatoire émise sur son brevet, la mise à disposition du générique est alors suspendue jusqu’au jugement final de l’affaire, qui prend généralement plusieurs années (en sachant que le laboratoire est libre de déposer une nouvelle plainte juste après) ;
– il prévoit aucun délai maximal pour l’examen par l’Office des Brevets des demandes de licences obligatoires, rendant ainsi extrêmement longues ces procédures relevant pourtant de la mesure d’urgence [section 84(6)] ;
– il autorise le brevetage consécutif des différents aspects chimiques dérivés d’une seule et même molécule originale déjà brevetée (isomères, sels, esters, polymorphes, etc), ouvrant ainsi la voie à des brevets de plusieurs fois 20 ans sur une même molécule [Section 3(d)] ;
– il ne prévoit pas de licences obligatoires automatiques pour les génériques utilisés actuellement par les malades qui se trouveraient brevetés dans les prochaines années ; il autorise ainsi GSK à poursuivre Cipla en justice pour obtenir 40% de royalties sur les ventes de génériques de Combivir (en Afrique du Sud GSK avait exigé un tel montant de royalties, alors qu’au Canada par exemple la loi stipule qu’elles ne peuvent pas dépasser 4%) [section 84(6)] ;
En novembre 2001, l’Inde s’était engagée à l’OMC à ce que «l’ADPIC soit interprété et implémenté d’une manière favorable à la protection de la santé publique et, en particulier, à l’accès aux médicaments». L’acharnement du gouvernement indien à adopter des dispositions largement plus restrictives que l’ADPIC constitue une trahison de cet engagement qui condamne potentiellement à mort des millions de malades pauvres. L’Inde était jusqu’ici l’unique pays au monde à exporter des versions génériques bon marché de médicaments anti-VIH brevetés ailleurs et hors de prix.
Act Up-Paris dénonce le lobbying effréné de l’industrie pharmaceutique occidentale sur le gouvernement indien et la complicité active des leaders du Parti Indien du Congrès, fondé en 1915 par Mahatma Gandhi, avec les laboratoires détenteurs de brevets.
La trahison du gouvernement indien, pays pourtant le plus impliqué dans la production de copies bon marché des médicaments brevetés hors de prix, rend nul et non avenu l’accord signé à l’OMC en novembre 2001 sur les brevets et la santé publique. Alors que les génériques de l’anti-cancéreux Glivec ont été déjà retirés du marché indien, causant la mort de centaines de patients indiens aux capacités financières limitées, les brevets tuent.
Face à cette désastreuse trahison indienne, Act Up-Paris exige l’abolition des brevets partout où ils tuent, et appelle les pays Africains à rejeter la candidature de l’Inde au Conseil de Sécurité Permanent des Nations Unies en tant que représentante des pays pauvres.