Surinfection par un virus, une banalité
Le phénomène de surinfection par deux souches d’un même virus est très banal. Ainsi, une personne en parfaite santé peut héberger en même temps plusieurs souches de différents virus : Epstein-Barr responsable de la mononucléose, cytomégalovirus, herpes simplex ou papilloma virus humain. Il faut également savoir qu’une personne ayant eu par le passé une infection par le virus de la rougeole ou des oreillons peut parfaitement être à nouveau contaminée par ces virus qui, cependant, ne resteront pas dans l’organisme : effectivement, le système immunitaire dispose de suffisamment de temps pour éliminer ces virus avant qu’ils ne se disséminent dans l’organisme et n’y provoquent une infection.
Mais pas avec le VIH-1
Puisqu’une première infection virale ne prévient pas une nouvelle contamination et que la vaccination contre la plupart des virus n’empêche pas leur ré-entrée dans l’organisme, on ne voit pas pourquoi la situation à l’égard de la surinfection par le VIH-1 serait différente. La surinfection d’une personne déjà contaminée par une souche VIH-1 pourrait intervenir, avec pénétration rapide du virus dans les cellules, avant qu’une réponse immunitaire n’ait eu le temps de se mettre en place. Cependant ce même système immunitaire pourra prévenir la dissémination et les conséquences pathologiques de la deuxième infection comme il l’a fait pour la première. L’efficacité de ce processus immunitaire a été montrée au moyen de cultures cellulaires. Effectivement, si l’on inocule par une autre souche VIH-1 des globules blancs isolés d’une personne déjà porteuse de ce virus, on constate que la nouvelle souche virale infecte les cellules. On observe aussi l’absence de réplication de cette deuxième souche virale par le même mécanisme – la réponse cellulaire CD8+ anti-VIH – capable de contrôler la première infection.
La grande famille du VIH-1
L’analyse du génome du VIH-1 a permis de montrer que la transmission de ce virus de l’animal, en l’occurrence le chimpanzé, à l’homme s’est produite il y a environ 70 ans une première fois en Afrique centrale, puis deux autres fois en Afrique de l’Ouest. Les virus transmis à l’homme se sont différenciés en trois groupes : M, O et N[[M pour «main» qui, en anglais, signifie principal, O pour «outlier» qui, en anglais, veut dire aberrant, N pour neutre, non-M, non-O.]]. Les groupes O et N se rencontrent pour l’essentiel en Afrique de l’Ouest alors que le groupe M est responsable de la pandémie par le VIH-1. Le groupe M s’est d’abord répandu en Afrique où il s’est différencié en 9 sous-types, désignés par les lettres A, B, C, D, F, G, H, K et J. L’apparition de ces différents sous-groupes est le fait des nombreuses «erreurs» commises par la transcriptase inverse lors de la fabrication – à partir de l’ARN viral – d’un ADN qui portera donc une information génétique légèrement différente. Une autre cause est le formidable renouvellement de la population virale observé chez un individu. Ce renouvellement est lui-même le fait d’une pression de sélection introduite par le système immunitaire et les multithérapies. Enfin, le fait que la réponse immunitaire produite par l’homme face à l’infection par le VIH-1 varie considérablement d’une population à l’autre constitue un facteur supplémentaire à l’apparition de nouveaux sous-types dans les différentes parties du monde. Outre les différents sous-types déjà mentionnés, le groupe M rassemble également une quinzaine de virus recombinants.
Cartographie mondiale du VIH
La répartition inter-continentale des différents sous-types et virus recombinants (voir plus bas «en savoir plus») est la suivante : en Afrique centrale, outre les groupes O et N, sévissent 7 des 9 sous-types du groupe M et la quasi-totalité des 14 formes de recombinants circulants ; en revanche, en Afrique de l’Est, seuls 3 sous-types du groupe M interviennent et en Afrique de l’Ouest 2 sous-types du groupe M et une forme recombinante (CRF[[Circulation recombinant form ou forme recombinante circulante.]]). En Amérique du Nord, seul le sous-type B du groupe M est présent. On le retrouve en Amérique du Sud où une CRF est également présente. En Europe de l’Ouest, 4 sous-types du groupe sont responsables de l’épidémie, contre un sous-type et une CRF pour l’Europe de l’Est. En Asie, Chine, Inde et Asie du Sud Est Asiatique, les sous-types B et C ainsi que des CRF sont associés à l’épidémie par le VIH-1. En Australie, seul le sous-type B est présent. Cette carte mondiale du VIH permet de préciser que la dissémination du virus dans une zone géographique est le fait d’un événement fondateur, transmission homosexuelle, hétérosexuelle ou par échange de seringue, qui se traduit par la transmission rapide d’un seul sous-type ou CRF du VIH-1 à l’intérieur d’un groupe présentant un comportement à risque donné. Ainsi, alors que le sous-type B s’est répandu en Amérique du Nord, Europe de l’Ouest et Australie chez les homosexuels, dans ces mêmes parties du monde, c’est le sous-type A qui s’est propagé chez les usagerEs de drogues par voie intraveineuse. En Thaïlande, deux épidémies distinctes sont en cours. La première concerne les usagers de drogues par voie intraveineuse. Elle est le fait d’une souche recombinante, alors que la deuxième intéresse les hétérosexuels et implique le sous-type B. Cette découverte suggère que l’origine de l’épidémie dans ce pays est d’origine européenne, nord-américaine ou australienne pour le groupe des usagerEs de drogues par voie intraveineuse, alors que la source de contamination est d’origine centre-africaine pour l’épidémie hétérosexuelle.
Impact de la diversité génétique du VIH-1
Les outils de diagnostic du VIH-1 ont été initialement mis au point en référence au sous-type B. Ainsi, concernant la détection des anticorps VIH-1, les tests ont dû être modifiés pour permettre la détection de tous les sous-types du groupe M. De même, les méthodes de détermination de la charge virale se sont améliorées et permettent le dosage des sous-types non B.
La plupart des essais cliniques visant à mettre au point les antirétroviraux ont eux aussi été réalisés dans les pays occidentaux où le sous-type B prédomine. On ne dispose donc que de données très limitées comparant l’efficacité des traitements chez les personnes contaminées par le VIH-1 sous-type B et non B. Cependant, des études semblent indiquer que, in vitro, le VIH-1 groupe O est naturellement résistant aux inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse. De même, in vitro, dans le groupe M certaines souches du sous groupe G sont moins sensibles aux inhibiteurs de la protéase. Enfin, signalons que le profil de mutations* associé à une résistance aux antirétroviraux pourrait différer pour les virus B et non B.
A retenir
Le VIH-1 est constitué de 3 groupes M, N et O. Le groupe M, qui rassemble une dizaine de sous-types et une quinzaine de virus recombinants, est responsable de la pandémie actuelle. Le déplacement des personnes intra et inter-continentale participent largement à la dissémination des sous-types et virus recombinant à travers le monde. L’existence d’un grand nombre de sous-types et virus recombinants a des implications sur la mise au point et l’efficacité des outils de diagnostic et de suivi thérapeutique.