Mercredi 4 mai se tient à l’ambassade d’Australie à Paris une réunion ministérielle restreinte de l’OMC.
Alors que les Accords de Libre-Echange (ALE) signés par les Etats-Unis avec un nombre grandissant de pays sont en train de réduire à néant les avancées obtenues ces dernières années à l’OMC en matière de brevets et d’accès aux médicaments, Act Up-Paris, AIDES, Sidaction, Sida-Info-Service et Solidarité Sida appellent la France et la Commission Européenne à proposer des mesures radicales lors de la réunion ministérielle qui se tiendra demain à Paris.
Le gouvernement français, qui a élu le sida «Grande cause nationale 2005», ne peut laisser de telles dérives mettre en danger les avancées de la lutte contre l’épidémie dans les pays en développement.
En 2004 le sida a fait 3 millions de morts : 90% des 40 millions de malades du sida n’ont toujours pas accès aux traitements, en raison de leur prix exorbitant (jusqu’à 8 000 euros par an). Il existe pourtant des versions génériques de nombreux médicaments anti-VIH, qui sont 2 à 10 fois moins chères que les originaux et garanties par l’OMS comme étant strictement équivalentes en terme de qualité. Mais ces médicaments génériques ne sont disponibles que dans une minorité de pays en développement, en raison des monopoles de brevet que détiennent les laboratoires pharmaceutiques occidentaux (principalement américains).
Cela n’empêche pas les Etats-Unis de mener une offensive commerciale visant à limiter davantage encore l’accès aux médicaments génériques dans ces pays, en leur imposant la signature d’accords de libre-échange (déjà les pays d’Amérique Centrale, le Chili, le Maroc, l’Egypte, la Jordanie, bientôt la Thaïlande et l’Afrique du Sud). Les volets «propriété intellectuelle» de ces accords interdisent aux pays en développement d’utiliser les «flexibilités» prévues dans le droit international afin de permettre la mise à disposition des patients de ces médicaments à moindre coût. Les principales dispositions mises en causes ont trait à des restrictions dites «OMC+» sur les moyens permettant de contourner un brevet pharmaceutique (la fameuse «licence obligatoire»), ainsi qu’à l’obligation d’octroyer aux firmes occidentales d’autres monopoles sur les médicaments, en plus des brevets (ces nouveaux monopoles, appelés «exclusivités de données», sont liés aux certificats de bonne qualité que les agences sanitaires délivrent aux médicaments génériques avant qu’ils puissent être commercialisés).
La France et l’Union Européenne ne peuvent plus rester sans réagir. Ces clauses doivent être abrogées d’urgence afin de permettre l’entrée des génériques anti-VIH — les seuls que les malades de ces pays ont une chance de réussir à acheter, et sans lesquels ils sont condamnés à mourir.
A plusieurs reprises lors des récentes conférences internationales, l’OMS a alerté des conséquences dramatiques des ALE sur l’accès aux médicaments. Certains pays du continent américain, comme le Brésil en janvier 2004, ont d’ailleurs préféré rompre les négociations avec Washington plutôt que d’accepter les concessions exigées en matière de brevets pharmaceutiques.
Ces dispositions «OMC+», parce qu’elles favorisent les monopoles encore plus que ne le font les accords de l’OMC, constituent une violation de l’engagement pris par les Etats-Unis, l’Union Européenne et les autres Etats Membres de l’OMC en novembre 2001. Ces pays s’étaient alors engagés à ce que «la propriété intellectuelle n’empêche pas un Etat de protéger sa santé publique» et que «les membres de l’OMC puissent utiliser entièrement les flexibilités prévues dans les accords afin de protéger leur santé publique».
C’est parce que l’offensive des Etats-Unis en matière de brevets pharmaceutiques viole l’accord passé en 2001 que la France et l’Union Européenne doivent proposer des mesures d’urgence pour mettre un terme à ces agissements.
Le Ministre français du Commerce, M. François Loos, et le Commissaire Européen au Commerce, M. Peter Mandelson, doivent proposer à la réunion ministérielle de l’OMC que soit rendues illégales au regard de l’OMC, ainsi que nulles et non-avenues, les dispositions des ALE qui limitent la capacité des pays pauvres à fournir des traitements à leur population.