Des séropositifs
En 2004, le budget alloué à la prévention par le gouvernement fédéral était inférieur à 1 million d’euros. Le niveau de connaissance sur le VIH/sida et sur ses modes de transmission est extrêmement bas, et cette ignorance est donc sciemment entretenue. En 2001, une enquête menée par téléphone à Saint-Petersbourg montre qu’un tiers des répondants pensent que le préservatif n’est pas une mesure de protection fiable ; 48% croient que le VIH se transmet par un baiser, 30% en partageant une cigarette et 56% par des piqûres d’insecte.
La méconnaissance générale du virus, y compris par la majorité des médecins, est un terrain favorable à toutes les discriminations. Celles-ci se produisent à tous les niveaux de la société. Un sondage auprès de 470 personnes séropositives révélait en 2003 que 30% des répondantEs avaient été excluEs de soins à cause de leur statut sérologique. 10 % ont été renvoyéEs de leur travail après la révélation de leur séropositivité. Les nouveaux-nés dont la mère est séropositive (cette mention est inscrite dans le dossier médical du bébé) sont refusés par les crèches, même quand ils, elles sont séronégatifVEs. En mars 2003, le ministre de la défense voulait exclure les séropositifs du service militaire et envisageait un dépistage obligatoire à l’entrée dans l’armée.
En 2001, une directive fédérale a levé l’obligation de séparer les détenus séropositifs et séronégatifs. Mais cela reste une pratique courante dans de nombreux centres russes comme par exemple au centre de détention n°7 ou la prison Kristen, à Saint-Petersbourg.
Des usagEres de drogues
L’article 228 du code pénal russe, qui date de 1996, définit comme crime la fabrication, acquisition, utilisation, cession, vente et consommation de drogues illégales.
Cette législation est un blanc-seing accordé à des forces de police particulièrement corrompues qui ont tout pouvoir sur les usagErEs qu’ils arrêtent. Le contrôle au faciès sur les lieux de consommation ou près des structures de RDR (réduction des risques), l’arrestation pour simple détention de seringues, la demande de libération sur remise d’argent, etc. sont des pratiques policières systématiques. Dès lors, les lieux de RDR, pharmacies, associations, ainsi que le dispositif de soins sont peu fréquentés par les usagErEs, car ce sont pour eux et elles des zones d’arrestation plus que probables.
Les responsables russes ont beau jeu de stigmatiser l’irresponsabilité des usagErEs de drogues, incapables selon eux, elles de suivre des traitements contraignants. Comment, dans de telles conditions, et alors que le personnel soignant est souvent responsable de discrimination, iraient-ils et elles dans des structures de soins ? Une association d’auto-support compare ainsi la situation des usagErEs à celle de cardiaques à qui on demanderait d’aller consulter au 17ème étage d’un immeuble sans ascenseur.
Cette législation a été un peu assouplie le 12 mai 2004. La simple détention de drogue est passible d’une peine administrative, et les doses minimales justifiant une punition ont été révisées. Les activistes espéraient une libération massive des usagErEs détenuEs et une amélioration des comportements policiers. Ces espoirs n’ont été que partiellement remplis. Pire, le comité gouvernemental de contrôle des drogues, créé l’année dernière, et qui est une structure issue de l’ancienne administration fiscale, réclame un retour en arrière et plus de répression envers les usagEreEs.
Officiellement, les programmes d’échange de seringues ne sont ni promus, ni interdits. Le Ministère de la santé les propose comme une possibilité d’intervention, tout au plus. Le même comité de contrôle sur les drogues avait envisagé de fermer tous les programmes de RDR, accusés de faire de la propagande pour les drogues. Il s’est heureusement heurté à l’opposition du ministère de la santé.
L’accès à un produit de substitution (méthadone, subutex) est illégal alors même que cette possibilité est venue compléter de façon efficace la politique de réduction des risques dans de nombreux pays et a été validé par l’OMS et l’ONUSIDA. L’administration Poutine , y compris au niveau du ministère de la santé, est inflexible sur le sujet.
Des travailleuses du sexe
Le code pénal n’envisage pas la prostitution. Une amende pour conduite provocante est possible. Les prostituées sont néanmoins quotidiennement contrôlées, et racketées par les forces de police, à la fois en trant que travailleuses du sexe, mais aussi en tant qu’usagère de drogue. Chez les prostituées, beaucoup plus que chez les travailleurs du sexe masculins, l’usage de drogue injectable est extrêmement fréquent. Elles sont donc deux fois poursuivies et punies.
Des homosexuels
C’est entre 1993 et 1996 que Boris Eltsine a abrogé les dispositifs de loi criminalisant l’homosexualité, qui furent adoptés par Staline en 1933. Ce n’est qu’en 1999 que l’homosexualité a été retirée de la liste des «désordres mentaux» recensés par le ministre de la santé. Elle continue à faire l’objet d’un fort rejet social, qui empêche toute politique de prévention ciblée. Seules quelques rares structures assurent ce travail dans les lieux communautaires, mais les bénévoles se heurtent à un déni extrêmement fort de la part de personnes qu’aucune campagne nationale n’est venue sensibiliser.