Aujourd’hui, une dizaine de militants d’Act Up-Paris sont allés manifester devant le Ministère de l’Education Nationale avant de se rendre à la sortie du Lycée Camille See pour distribuer des préservatifs à la sortie de l’épreuve de philosophie du baccalauréat. Act Up-Paris est donc allé faire ce que l’Education Nationale ne fait pas : un lycée sur deux n’a toujours pas de distributeur de préservatifs.
Le sida a été déclaré Grande Cause Nationale par le gouvernement en 2005. Aujourd’hui plus que jamais, la lutte contre l’épidémie passe par de grandes campagnes d’information publiques sur les pratiques sexuelles, les usages de drogues et les moyens d’éviter la transmission du sida.
Où peut-on toucher l’ensemble de la population de manière transversale, et en amont des risques qui pourraient survenir, sinon à l’école ? L’Éducation Nationale a aujourd’hui une responsabilité particulièrement lourde dans l’augmentation des contaminations par le VIH parce qu’elle refuse de prendre en compte la réalité.
La réalité, ce sont des élèves qui réclament de l’information sur les sexualités, le droit au plaisir et les moyens d’éviter les risques qu’ils comportent. Aujourd’hui, un nouveau séropositif sur 10 a moins de 25 ans. Les textes et circulaires actuels, seulement incitatifs et qui laissent toute latitude aux établissements pour organiser ou non quelques modules d’éducation sexuelle ne suffisent pas.
La réalité, ce sont des élèves gays, lesbiennes ou trans dont la personnalité se construit et qui ont besoin de soutien et de modèles pour les conforter dans leur identité, pour leur éviter de capituler devant l’intolérance, les discriminations et la violence. Aujourd’hui, différentes études montrent que le taux de suicide des jeunes homos est de 4 à 7 fois supérieur à celui des jeunes hétéros. Dans ce contexte, ceux qui restent en vie sont d’autant moins capables d’aborder sereinement leur vie sexuelle et décider de leurs pratiques en connaissance de cause. L’invisibilité des questions de genre et d’orientation sexuelle dans l’ensemble des programmes éducatifs est particulièrement criante.
Depuis 2001, l’Éducation Nationale n’a mené aucune évaluation de son action en matière d’éducation à la santé. À cette époque, la moitié des collèges seulement avaient bénéficié d’interventions en matière d’éducation à la santé. Rien n’est actuellement mené en matière de prévention du sida dans les lycées ! Alors que la mise à disposition du matériel de prévention devrait aller de soi, moins de la moitié des lycées disposent de distributeurs de préservatifs… Il est inadmissible de laisser à l’écart de la prévention ces jeunes qui commencent à avoir des relations sexuelles et à construire leur sexualité !
Depuis 2003, le ministère ne dispose même plus de moyens spécifiques pour la lutte contre le sida. L’emploi des fonds est à la discrétion des recteurs. L’accumulation de nouvelles priorités (lutte contre l’obésité, prévention routière, tabagisme, lutte contre la toxicomanie) fournit autant de prétextes pour éviter les sujets ayant trait à la sexualité. Dès lors que la loi de décentralisation délègue à chaque académie les choix en matière de politique d’éducation à la santé, la prévention du sida à l’école devient complètement dépendante du bon vouloir des recteurs ou des chefs d’établissements.
Le ministère de l’Education Nationale a abandonné toute politique de prévention du sida. Gilles de Robien compte-t-il lui aussi être le ministre du destin ?