L’évolution des traitements a profondément modifié les préoccupations et les inquiétudes des malades en matière de douleurs, de maux ou d’effets induits par la présence du virus comme par celle des traitements. Les neuropathies font toujours partie de ces inquiètudes.
Les neuropathies ont longtemps fait partie des effets redoutés lors du démarrage d’un traitement ou face à la baisse de l’immunité. Bien que les thérapies actuelles devraient permettre d’éviter la majorité de ces atteintes si redoutées tout au moins pour des personnes qui ont un suivi régulier et une attention suffisante de la part de leur médecin, elles existent toujours. S’il existe une classe d’effets ressentis par les personnes vivant avec le VIH que l’on a du mal à prédire, à comprendre et à soigner ce sont bien les atteintes nerveuses. En premier lieu parce qu’elles touchent un domaine difficile à comprendre. En effet, l’atteinte lente et sournoise des fonctions du système nerveux est souvent difficile à percevoir pour un malade surtout lorsqu’il est isolé. On a déjà du mal à analyser et à comprendre les dysfonctionnements de certains organes soumis à la toxicité des médicaments ou aux insuffisances de l’immunité. Alors, lorsque le système d’analyse lui-même est atteint les choses se brouillent, la perception devient moins claire et il devient difficile de réagir et d’exprimer le mal. Pourtant on pourrait croire que les neuropathies périphériques sont de celles que l’on perçoit comme un élément extérieur à sa conscience. Mais, comme tous ces maux et ces douleurs que connaissent touTEs les séropositifVEs, l’apparition de neuropathies est souvent lente et insidieuse. Comme toutes les douleurs lancinantes, elles atteignent fortement la qualité de vie des séropositifVEs surtout lorsqu’elles s’installent et doivent être combattues en priorité. Savoir les détecter et les exprimer est essentiel car toute la littérature médicale s’accorde au moins sur un point : la réussite des mesures pour les combattre est d’autant meilleure qu’elles sont prises en compte assez tôt.
Les causes
Les neuropathies périphériques sont de différentes origines. La majorité d’entre elles sont dues au virus lui-même – 30 % des malades en phase sida – ou bien aux traitements – 15 % à 20 % des personnes qui prennent les traitements incriminés. D’autres causes plus rares sont possibles notamment d’origine infectieuse et souvent associées à la faiblesse immunitaire comme dans le cas des infections à cytomégalovirus (CMV), à certains virus herpès ou à des carences vitaminiques. Les neuropathies provoquées par la présence du VIH ont été considérablement réduites depuis l’avènement des antirétroviraux puisque non seulement la faiblesse immunitaire mais aussi l’importance de la charge virale sont des facteurs qui prédisposent à leur apparition. Mais c’est aussi pour ces raisons que les neuropathies d’origine virale n’ont pas disparu. En effet, le nombre trop important de personnes dépistées tardivement fait que cette affection pénible est toujours présente. Les attaques du virus contre le système nerveux sont connues depuis le début de l’épidémie. Elles sont dirigées contre certaines cellules du système nerveux et conduisent à toute une série de complications dépendant de la région touchée. Cela va des atteintes du cerveau jusqu’à l’altération de fonctions sensitives aux extrémités des membres en passant par des problèmes au niveau de la moelle épinière. Ces derniers peuvent d’ailleurs parfois se confondre lorsque les relais des nerfs périphériques dans la moelle épinière sont atteints car les sensations ou leur perte sont similaires. L’apparition ainsi que l’évolution de ces symptômes est lente et progressive. Les combattre directement est très difficile. La meilleure thérapeutique reste encore le traitement antirétroviral capable de contrôler la charge virale et de permettre une reconstruction de l’immunité. Bien sûr, cette opération est très lente et n’est pas forcément couronnée de succès notamment lorsqu’il faut combattre un virus résistant aux traitements.
Les traitements
Les neuropathies périphériques peuvent aussi être la cause de la toxicité des antirétroviraux. Tous les traitements ne provoquent pas ce genre d’atteintes. Les plus fréquentes sont causées par les analogues nucléosidiques, inhibiteurs de la transcriptase inverse, principalement par la zalcitabine (Hivid®), la didanosine (Videx®) et la stavudine (Zérit®). Les autres médicaments de cette classe sont moins, voire pas du tout incriminés dans ces atteintes. Il n’y a pas de cas rapportés où les analogues non nucléosidiques, inhibiteurs de la transcriptase inverse soient en cause. Quant aux inhibiteurs de la protéase, la situation est plus floue. Ils ne semblent pas être directement impliqués dans la toxicité à l’origine des neuropathies mais certaines molécules semblent favoriser leur apparition en association avec des analogues nucléosidiques. C’est le cas notamment du saquinavir (Invirase®) et du nelfinavir (Viracept®) et surtout du ritonavir (Norvir®) à pleine dose*. La principale explication avancée actuellement fait intervenir la toxicité mitochondriale de ces médicaments. La différence essentielle de ces atteintes, contrairement à celles causées par le virus, est qu’elles peuvent apparaître quels que soient les niveaux de charge virale et de CD4. Elles apparaissent aussi dans les semaines qui suivent le démarrage d’un traitement incriminé. Les atteintes sont progressives et leur étendue dépend surtout du temps d’exposition au médicament en cause. La solution préconisée consiste bien entendu à le remplacer, ce qui ne s’avère pas forcément facile lorsqu’ils font partie d’un traitement en cours d’action sur la baisse de charge virale ou que, après divers changements ou l’acquisition de résistances, le choix des molécules actives est particulièrement restreint. Quoi qu’il en soit, l’arrêt du médicament n’est pas suivi immédiatement d’effets. Les symptômes disparaissent progressivement et des séquelles peuvent éventuellement subsister selon l’étendue des atteintes préalables.
Les solutions
L’étendue et l’intensité des douleurs est assez variable. Dans tous les cas, cela commence par des picotements, des fourmillements ou des démangeaisons accompagnées parfois de pertes de sensibilité, le plus souvent aux extrémités des pieds, parfois des mains. La sensation ressemble en fait à celle d’un membre enkylosé à la suite d’une mauvaise position ayant entraîné un ralentissement de la circulation. Mais ces sensations persistent et se développent. Elles s’accompagnent progressivement d’impressions de brûlures ou de piqûres parfois soudaines et de plus en plus répétées. Cette perte de sensibilité qui les accompagnent peut alors poser des problèmes pour se tenir sur ses pieds et marcher. Le port des chaussures n’arrange rien. Les chaussettes mais aussi les draps ou les couvertures peuvent devenir insupportables et il n’est pas rare de se réveiller la nuit*. C’est pourquoi diverses solutions de prise en charge ont été tentées : suivi par un kinésitérapeute, nécessaire et utile ; antalgiques, rarement d’un grand secours ; antiépileptiques ou anticonvulsants, abrutissent mais soulagent peu* ; crèmes ou bains de pieds, répit salvateur mais de courte durée ; facteur de croissance nerveux, résultats peu encourageants ; vitamine B12 ou cocktails de vitamines, parfois conseillés en prévention ou en traitement ; acétyl-carnitine, donne les meilleurs résultats. La grande variabilité des individus mais aussi des causes font que les résultats de ces thérapies ne sont pas validées même si elles ont fort bien réussi chez un petit nombre de personnes.
A retenir
En matière de neuropathies, l’essentiel est donc d’identifier cette affection, de tenter de comprendre son origine et de prendre les mesures nécessaires au plus tôt afin de réduire autant que faire se peut des atteintes qui pourraient devenir difficiles à récupérer.