En absence de traitement, la présence du VIH dans l’organisme augmente le risque de développer certains cancers. L’arrivée des antirétroviraux a eu pour effet de diminuer l’incidence* et la progression de certaines de ces tumeurs. Cependant, le profil général d’apparition des tumeurs chez les personnes traitées n’est pas devenu pour autant similaire à celui de la population séronégative pour le VIH.
Dans ce dossier sont présentés quelques généralités sur les cancers, leurs traitements, les liens entre cancers et VIH et l’influence des traitements antirétroviraux sur ceux-ci. L’accent sera plus particulièrement porté sur un cancer à haut risque relatif par rapport à la population générale et dont l’incidence et la progression chez les personnes séropositives ne semblent pas avoir été affectées par l’apparition des antirétroviraux, le cancer de l’anus.
Développement d’un cancer
Les différentes étapes de la progression tumorale sont schématiquement représentées sur les shémas dans les marges. La quasi-totalité des tissus sont susceptibles d’être le siège de l’apparition d’une tumeur. Pour simplifier, on peut distinguer deux types de cancers : ceux émergeant dans un tissu organisé bien individualisé, il s’agit de tumeurs dites solides comme les cancers du foie, des poumons, du sein, etc., et ceux apparaissant dans un type cellulaire dont la fonction nécessite d’explorer l’organisme (un lymphocyte par exemple), il s’agit de tumeurs circulantes comme les lymphomes. Dans les deux cas, il y a eu transformation d’une cellule isolée au sein de la population normale en une cellule dite anormale. Les causes peuvent être, par exemple, une exposition à des rayonnements (soleil et mélanome, radioactivité et leucémie), la confrontation à des agents nocifs dits carcinogènes* par inhalation (tabac et cancer du poumon) ou ingestion (habitudes alimentaires et cancer du tube digestif chez certaines populations). Cette transformation cellulaire résulte de l’altération de l’ADN dans le noyau ce qui entraîne de profondes altérations dans le programme d’expression de l’ensemble des gènes dans la cellule. La cellule devient cancéreuse progressivement quand plusieurs gènes spécifiques sont touchés. L’accumulation de ces altérations doit normalement entraîner l’élimination de la cellule par l’organisme, mais il peut y avoir échappement et la cellule qui survit continue à se multiplier. Cette prolifération reste bénigne tant qu’il n’y a pas eu altération d’un ou plusieurs gènes immortalisant la cellule. Ce processus peut être favorisé chez certaines personnes qui ont déjà, dans toutes leurs cellules, une ou des mutations d’origine génétique, facteurs susceptibles de développement de certains cancers.
Pour une tumeur solide, la situation est contrôlable si sa taille reste de l’ordre d’un millimètre cube, car la tumeur s’asphyxie en quelque sorte. La majorité de la population humaine présente sans doute des nodules tumoraux de très petites tailles, ici et là, sans incidence sur la vie de tous les jours. Mais les cellules tumorales sont capables de détourner le réseau des vaisseaux sanguins pour assurer leur oxygénation et y puiser les éléments nécessaires à leur développement au-delà de cette taille critique. Ceci va avoir deux conséquences. D’une part, la tumeur va pouvoir grandir, en quelques semaines ou sur plusieurs décennies selon les cas, et entraîner un dysfonctionnement du tissu d’origine et la diffusion dans tout l’organisme de facteurs potentiellement dangereux, car non contrôlés. D’autre part, le réseau sanguin nouvellement formé au sein de la tumeur va permettre aux cellules cancéreuses d’entrer dans la circulation et de partir vers d’autres tissus. Ceci constitue la phase de dissémination dite métastatique. Les cellules qui réussissent à s’implanter à plus ou moins grande distance (ganglions lymphatiques proches ou organes très éloignés) vont alors provoquer de nouvelles tumeurs. Ce sont les métastases dont l’éradication est très difficile et qui sont à l’origine de la majorité des échecs thérapeutiques en cancérologie. Même si la tumeur ne passe pas par toutes ces étapes, un autre mécanisme peut entrer en jeu. Il s’agit de l’invasion locale des tissus par la cellule cancéreuse. Toujours pour une tumeur solide, la cellule cancéreuse et ses descendantes sont parfois capables de s’infiltrer dans les tissus environnants. C’est une autre possibilité pour la cellule tumorale de rencontrer une voie de dissémination métastatique (sang, lymphe, liquide céphalorachidien, etc.).
Les traitements des cancers
La chirurgie reste majoritairement à la base du traitement des tumeurs solides. Il s’agit alors pour le chirurgien d’empecher la tumeur de repartir après chirurgie locale. Sa décision d’aller plus ou moins loin au-delà de la masse tumorale elle-même pourra reposer sur l’examen histologique d’une biopsie préalablement réalisée. L’oncologue en charge des traitements ultérieurs prescrira alors soit une thérapie à base de rayonnements très focalisés (radiothérapie) pour agir localement sur les masses tumorales impossibles à éliminer par chirurgie, soit la prise de médicaments (chimiothérapie), en majorité sous forme de solutions injectables par voie sanguine et qui diffusent dans tout l’organisme pour éviter l’apparition de récidives locales ou à distance (métastases). La combinaison de ces traitements est aujourd’hui la règle. Pour la chimiothérapie, la majorité des molécules agissent sur la multiplication des cellules tumorales. Il s’agit d’agents anti-prolifératifs, appelés aussi des cytotoxiques. Ceux-ci tuent les cellules, mais indifféremment, qu’elles soient normales ou cancéreuses. Certains tissus normaux de l’organisme se renouvellent rapidement et sont donc sensibles aussi à ces chimiothérapies. C’est le cas, par exemple, du tube digestif, des cheveux, de la moelle osseuse à l’origine des cellules sanguines. L’efficacité de ces cytotoxiques est plutôt constatée sur des tumeurs qui se reproduisent très rapidement, comme les tumeurs circulantes et quelques tumeurs solides. Force est de constater que les avancées en chimiothérapie n’ont pas été à la hauteur des espérances ces dernières années, notamment pour juguler certaines tumeurs solides comme les cancers du poumon. L’efficacité des nouveaux traitements disponibles se mesure bien souvent en quelques mois de survie au mieux et parfois au prix d’effets secondaires assez lourds. Un effort très important est consacré à la recherche de molécules anti-tumorales spécifiques de la cellule tumorale pour épargner les tissus sains. C’est ce que l’on nomme les nouvelles thérapies ciblées. Un exemple de réussite illustrant ce concept est la molécule Glivec® (imatinib) pour le traitement d’un type particulier de tumeur circulante, la leucémie myéloïde chronique.
A retenir
Le développement d’un cancer est un processus évolutif dont la durée varie selon l’organe ou le type cellulaire affecté. Les phases invasives et de dissémination dans l’organisme sont les plus dangereuses. Le traitement initial – quand cela est possible – est la chirurgie, complétée éventuellement par des traitements focalisés à base de rayons ou de tout l’organisme par prise de médicaments (peu sélectifs de la cellule tumorale par rapport aux cellules normales).