La proposition de loi relative au traitement de la récidive en discussion depuis deux jours à l’Assemblée porte atteinte à plusieurs principes fondamentaux du droit des malades emprisonnés et plus particulièrement à la suspension de peine introduite par la loi de mars 2002. Un amendement présenté par le rapporteur de la loi remet drastiquement en cause le bénéfice d’une suspension de peine si «un trouble exceptionnel à l’ordre public ou s’il existe un risque partiellement élevé de récidive».
La loi de 2002 était porteuse d’espoirs pour les malades détenus et leurs familles. Elle devait permettre aux détenus dont «le pronostic vital» est engagé de mourir hors des prisons et dans leur famille. Aux détenus malades dont l’«état de santé est durablement incompatible» avec la détention, cette loi permet de bénéficier des traitements adéquats et favorise une meilleure observance par rapport aux soins prodigués en détention. Trop peu appliquée, méconnue des prisonniers, elle est aujourd’hui drastiquement remise en cause par l’amendement proposé par le rapporteur du projet de loi. Cet amendement permet d’annuler une suspension de peine pour un détenu qui en bénéficie s’il existe «un trouble exceptionnel à l’ordre public ou s’il existe un risque partiellement élevé de récidive».
Depuis la promulgation de la loi de 2002, 461 demandes de suspension de peine ont été déposées, 191 ont abouti et plusieurs détenus sont morts quelques jours seulement après le début de la suspension qui leur a été accordée. Il est aujourd’hui impossible de savoir précisément combien de détenus infirmes, grabataires ou atteints du sida, d’une hépatite ou d’un cancer vivent aujourd’hui dans les prisons insalubres du ministre de la justice. Mais Pascal Clément préfère laisser mourir en prison des personnes gravement malades qui auraient pu se soigner au dehors et s’en remettre «à la sagesse de l’Assemblée» dans l’examen de cet amendement criminel.
Qu’importe qu’aucun cas de récidive connue ne concerne ces 191 malades dont la peine a été suspendue, Clément préfère poursuivre le travail de sape de la loi de 2002 entamé par son prédécesseur. Et Act Up-Paris ne peut que redouter la «sagesse» d’une Assemblée qui feint d’oublier que plusieurs de ses membres ont constaté dans un rapport officiel (La France face à ses prisons, juin 2000) l’état lamentable des établissements pénitentiaires et «[qu’]il n’est pas digne de mourir en prison, la question du maintien en détention des personnes malades ou âgées se posent […]». La sagesse voudrait que ces parlementaires constatent combien leur inaction en cinq ans a provoqué de souffrance et de mort.
Les prisons sont surpeuplées et insalubres. On recense un suicide tous les trois jours. On estime qu’il manque 800 psychiatres dans les prisons. De plus, les juges d’application des peines ont déjà à leur disposition plusieurs dispositifs pour limiter la récidive. Mais le gouvernement et le Parlement font à nouveau le choix de se satisfaire de la prison comme aboutissement indépassable de leur logique répressive.
Act up exige la suppression de l’article 74 et l’application égalitaire de la loi du 04 mars 2002.