Le Sénat a adopté hier, dans le cadre de la proposition de loi sur le
traitement de la récidive, plusieurs amendements qui remettent en cause la
suspension de peine pour les détenuEs malades. Ce dispositif est encore trop
rarement appliqué : les nouvelles dispositions le réduisent à une peau de
chagrin. C’était la volonté du ministre de la justice, Pascal Clément, qui
rétablit ainsi la peine de mort lente en prison.
La loi de 2002 était porteuse d’espoirs pour les malades détenuEs et leurs familles. Grâce à elle, les personnes dont «le pronostic vital» est engagé pouvaient mourir hors des prisons et dans leur famille : ce minimum de dignité est remise en cause par les mêmes parlementaires qui l’avaient défendu il y a 4 ans. Aux détenuEs malades dont l’«état de santé est durablement incompatible» avec la détention, cette loi permettait de bénéficier des traitements adéquats ; elle favorisait une meilleure observance par rapport aux soins prodigués en détention. Trop peu appliquée, méconnue des détenuEs, elle est aujourd’hui drastiquement remise en cause par un des amendements adoptés qui conditionne la suspension de peine à «un risque grave de renouvellement de l’infraction». Cette notion, extrêmement floue, cautionne par avance l’arbitraire des décision des juges d’application des peines, qui variera au gré de faits divers surmédiatisés.
Depuis la promulgation de la loi de 2002, 461 demandes de suspension de peine ont été déposées, 191 ont abouti et plusieurs détenuEs sont mortEs quelques jours seulement après leur sortie. Il est aujourd’hui impossible de savoir précisément combien de détenuEs infirmes, grabataires ou atteintEs du sida, d’une hépatite ou d’un cancer vivent dans les prisons insalubres. Pascal Clément préfère laisser mourir en prison des personnes gravement malades qui auraient pu se soigner au dehors. Qu’importe qu’aucun cas de récidive connue ne concerne ces 191 malades dont la peine a été suspendue, Clément préfère poursuivre le travail de sape de la loi de 2002 entamé par son prédécesseur.
Les prisons sont surpeuplées et insalubres. On recense un suicide tous les trois jours. On estime qu’il manque 800 psychiatres dans les prisons. De plus, les juges d’application des peines ont déjà à leur disposition plusieurs dispositifs pour limiter la récidive. Mais le gouvernement et le Parlement font à nouveau le choix de se satisfaire de la prison comme aboutissement indépassable de leur logique répressive. Et ils n’ont aucun argument valable à proposer.
Une intervention lamentable du sénateur Pierre Fauchon, UDF, en fait la preuve. Incapable d’avancer le moindre dysfonctionnement de la suspension de peine susceptible de porter préjudice à la société, il en vient à citer… Les Tontons Flingueurs. Dans un débat sur la maladie et la mort. Quand on arrive à ce niveau d’argumentation, c’est que la démagogie, l’incompétence et les effets d’annonce sécuritaires l’emportent sur le sens des réalités et la volonté de faire valoir les objectifs de santé publique. M. Fauchon ne connaît pas la honte.
A ce titre, nous le renvoyons, ainsi que les parlementaires qui ont soutenu cet amendement, et le ministre de la Justice, Pascal Clément au titre du rapport qu’eux-mêmes et leurs alliéEs politiques avaient signé en 2000. L’ouvrage défendait un tout autre discours, sur les prisons et sur les malades en détention. Le rapport s’appelle Une humiliation pour la République.
Nous demandons aux socialistes de s’engager dès maintenant, dans le cas d’une victoire en 2007, à retirer au plus tôt cet amendement et à tout faire pour promouvoir la suspension de peine pour les malades en détention.